La dissolution n’est-elle qu’une farce ? – .

La dissolution n’est-elle qu’une farce ? – .
La dissolution n’est-elle qu’une farce ? – .
Le grand désordre politique qui a suivi l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale ressemble à une farce, observe l’historien Paul Airiau. Mais cette farce cache finalement ce qui pourrait être la véritable question politique : qu’est-ce qui fait de nous une société, une patrie, un pays, une nation, un peuple ?

Jupiter semble donc s’être volontairement transformé en Jupin, comme si nous n’avions plus besoin du livret deOrphée aux enfers par Hector Crémieux et Ludovic Halévy pour profaner le maître de l’Olympe et des horloges. Céder aux sautes d’humeur de la foule des dieux, s’offrir l’enchantement de tous les possibles, se transformer en belle mouche pour rassembler l’objet de ses désirs, forcer le destin à montrer qu’on reste le maître : indéniablement, le le drame politique qui s’est déroulé depuis les résultats des élections européennes a cédé la place à la farce caricaturale – et on pourrait penser que ce qui a suivi dans certains partis le confirmait, si la chose ne présentait pas une certaine gravité.

Dramatisation

La gravité se voit clairement dans la dramatisation presque immédiate qu’a opérée le système politico-médiatique et qu’une partie de la population a pleinement intégrée. A l’extrême droite, à droite, c’est la survie de la nation (de l’ethnie ?) dans son être même face à la déconstruction artificialisante et aux violences débridées et importées qui fait office d’argument fondamental. L’argument politique repose ici sur des profits et des pertes selon lesquels la France a longtemps été le principal pays d’immigration en Europe (depuis le deuxième tiers des ⅩⅨe siècle, et plus encore depuis les années 1920 et 1950), que l’intégration générale n’est pas sans avoir fonctionné même pour des populations jugées trop étrangères bien que voisines (faut-il parler des émeutes meurtrières d’Aigues-Mortes en 1893, qui visèrent les « Ritals » » ?), et que l’orthopraxie musulmane est plus ou moins soluble dans le vieillissement et le libéralisme économique et culturel ?

Au centre, la mesure, la pondération et la responsabilité face à la violence verbale et comportementale d’hommes politiques irresponsables sont invoquées comme des crinières, une incantation réitérée dont les modalités dramatisées s’opposent aux contenus mobilisés. Et on ignore ici la pacification généralisée de la vie politique, à voir ce qui existait auparavant lorsque la droite parlementaire découvrait en 1981 qu’elle était minoritaire, que le programme commun des gauches promettait un Grand Soir à la française, que le gaulliste SAC que les gauchistes s’emparaient des usines, que l’Occident discutait avec des barres de fer, qu’on craignait un coup d’État d’Algérie et que les Comités de Salut Public se multipliaient, qu’il y avait des gifles et des bagarres entre députés à la Chambre (1904, 1921, 1940…).

“La deuxième fois, c’est comme une blague”

A gauche comme au centre, la convocation de l’histoire sert de morale élémentaire pour discréditer les adversaires et de ressource évidente pour mobiliser au-delà de ses partisans indécis. Les années trente servent de matrice fondamentale pour penser l’action et la réaction, l’histoire étant censée se répéter ou risquer de se répéter, la sale bête fasciste risquant de renaître de ses cendres. Mais on n’a pas encore vu que des milices brunes ou noires défilent dans les rues des grandes métropoles et tabassent leurs opposants, ni qu’elles aient noué une alliance avec le grand capital, ni que leur discours xénophobe ou leur pensée de l’État soient ceux d’un nettoyage ethnique radical et fondation d’un nouvel ordre.

On ne peut que regretter ici que les classiques de l’analyse politique ne soient pas mieux connus de ceux qui prétendent les posséder plus ou moins : car si l’histoire se répète deux fois, la deuxième fois c’est comme une farce, disait le Grand Barbu. [Karl Marx, Ndlr] Dans Le dix-huitième brumaire de L. Bonaparte. Et farce là c’est bon de voir les bévues des gens, d’investiture, les polémiques multipliées chez ceux qui veulent être les héritiers du Grand Soir et les successeurs de 1936. Et farce là aussi c’est de voir de l’autre côté les palinodies répétées et les contournements programmatiques des responsables de l’ordre et de la sécurité. Ne parlons pas du siège social du 4, place du Palais-Bourbon, piteusement achevé devant un tribunal, où ne manquait même pas l’apparition impromptue de la sainte pasionaria écologique.

Être un peuple

Que dire de plus de celui qui a « pris son risque » en entraînant avec lui, à contrecœur, un gouvernement pétrifié et une majorité relative, mettant brutalement au chômage 577 députés et leurs collaborateurs – l’un des plus gros licenciements en France depuis quelques temps. , et sans plan social. évitons in fine le contenu programmatique de tous les candidats au vote, qui promettent de plus en plus de rasage gratuit, Ici et maintenantou plus tard, ou un jour, mais certainement à un moment donné, sans se soucier de savoir comment rendre possible ce qu’ils estiment nécessaire dans un environnement dont les contraintes se sont fortement accrues depuis les restrictions volontaires et pratiques à la souveraineté des États — de la construction européenne à la libéralisation des marchés. Marchés financiers.

Qu’est-ce qui fait de nous une société, une patrie, un pays, une nation, un peuple ?

Tout cela cache finalement ce qui pourrait être la véritable question politique : qu’est-ce qui fait de nous une société, une patrie, un pays, une nation, un peuple ? Pourquoi vivons-nous ensemble, qu’est-ce que nous partageons tous qui fait de nous plus qu’une simple addition d’individus, quel projet collectif commun désirons-nous qui transcende nos désaccords irréconciliables ? Abordé frontalement et douloureusement entre 1799 et 1815, sans cesse repris jusque dans les années 1870, intensément remanié dans les années 1878-1908, revenu au métier en 1924-1925, 1935-1938, sans oublier 1940-1944, traité au plus grand ou moindre satisfaction collective en 1944-1945, reprise en 1958-1960, puis en 1968, en 1981-1983, indirectement en 2005, le sujet ne peut que revenir sur la table.

Est-ce qu’il habite ici ?

En effet, l’équilibre instable trouvé à la fin de la Seconde Guerre mondiale, qui liait l’émancipation politique par la démocratie à la justice sociale par la solidarité, s’est trouvé brutalement remis en question par la crise de la société industrielle qui l’a rendu égal – c’est l’opération possible grâce à croissance économique. Le choix de la mondialisation et l’instauration institutionnelle du libéralisme culturel s’est accompagné de la dissolution des structures intégratrices (syndicats, partis politiques de militants sillonnant le territoire, mouvements religieux, etc.) et du retrait des administrations et des services publics, qui tenaient les classes sociales et groupes ensemble. L’action politique est alors plus que jamais destinée à servir la croissance économique, l’enrichissement permettant d’aborder les enjeux sociaux et d’assurer l’unité collective par la satisfaction des désirs individuels. Professionnalisée, technocratisée, elle est devenue l’apanage d’une élite convaincue du savoir et du savoir-faire, incapable de véritablement expliquer et impliquer dans son action ceux qui en subissent les conséquences. Caius Saugrenus a pris le pouvoir, et il est toujours sûr d’avoir toujours raison, même lorsque le marché des menhirs s’effondre.

Mais l’homme ne vit pas seulement de pain ou de belles paroles, et aucun village indomptable n’est complètement dissous par la prospérité économique. Il faut toujours savoir répondre à la question « Qui vit ? ». Julien Gracq l’a magnifiquement écrit dans La côte de Syrtes, entre 1947 et 1951, en pleine guerre froide, un roman ancré dans les angoisses politiques des années 1930. La transmutation littéraire d’une histoire tragique avait produit un chef-d’œuvre, loin des usages politiques très actuels du même passé, et par conséquent capable de saisir la question qui est valable – certainement pas celle de Jupin, ni celle des autres dieux de l’Olympe. : mais c’est bien mieux que le leur.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV Le pétrole reste proche de son plus haut niveau depuis deux mois en raison de la hausse de la demande et de la possibilité d’une baisse des taux d’intérêt.
NEXT le fils a frappé les voleurs qui ont fini dans le fossé – .