Guillotiné en 1957 après avoir tué un policier, Jacques Fesch sera-t-il réhabilité ? – .

Guillotiné en 1957 après avoir tué un policier, Jacques Fesch sera-t-il réhabilité ? – .
Guillotiné en 1957 après avoir tué un policier, Jacques Fesch sera-t-il réhabilité ? – .

C’est un voyage dans le temps que s’apprête à entreprendre la Cour de cassation. Soixante-sept ans après la condamnation à mort de Jacques Fesch, guillotiné après avoir tué un policier, son fils, Gérard, demande à la justice le « rétablissement de son honneur ». Cette procédure inédite sera examinée ce jeudi devant la chambre criminelle. « Si ça marche, j’aurais vraiment le sentiment d’avoir accompli mon devoir », confie cet homme de 69 ans.

Il ne s’agit pas ici de statuer sur la culpabilité du condamné – ce n’est pas le rôle de cette instance – mais plutôt de savoir si sa condamnation peut être effacée du fait de sa bonne conduite. « C’est plus ou moins une procédure de grâce républicaine », insiste Me Patrice Spinosi, son conseil. Une manière d’enregistrer le retour d’un condamné dans la communauté. »

Condamné à mort le jour de son 27e anniversaire

25 février 1954, rue Vivienne, au cœur du 1er arrondissement de Paris. Jacques Fesch, 24 ans, a fait irruption dans un bureau de change et a violemment frappé le jeune apprenti avec la crosse de son arme pour récupérer l’argent. Montant du butin : 300 000 anciens francs. La scène n’a duré que quelques instants mais plusieurs témoins ont tiré la sonnette d’alarme. Un policier de 35 ans, Jean-Baptiste Verge, se lance à sa poursuite mais Fesch tire, de la poche de son imperméable, dans sa direction. Touché au cœur, l’agent s’effondre. Le voleur reprend sa course, blesse un passant avec la crosse de son arme et tente de s’enfuir en métro. Il a finalement été arrêté quelques minutes plus tard.

Gérard Fesch en 2000, lorsqu’il s’interroge sur sa filiation.– Joël ROBINE / AFP

L’affaire a eu un immense retentissement. Le policier, veuf depuis quelques mois, laisse derrière lui une fillette de 4 ans. Lors de son procès, Jacques Fesch ne cherche pas à le nier. Oui, il a cambriolé ce bureau de change. Il espérait avec cet argent pouvoir financer le voilier dont il rêvait pour partir à Tahiti. Oui, il a tiré sur cet agent. Mais non, il le jure, il ne l’a pas délibérément visé. Il reconnaît le meurtre mais pas la préméditation. La différence est majeure : l’assassinat d’un policier entraîne la peine de mort et non le meurtre. Or, c’est ce scénario qui sera retenu par la cour d’assises. Le 6 avril 1957, jour de son 27e anniversaire, Jacques Fesch est condamné à mort. Il sera exécuté en octobre.

Une découverte fortuite

Gérard Fesch a découvert cette histoire tout à fait par hasard, en 1994, à l’aube de ses 40 ans. A cette époque, il s’appelait encore Gérard Troniou. Confié à l’Assistance publique à sa naissance, il ne sait rien de ses origines. « Je n’avais jamais entendu parler de Jacques Fesch avant qu’un ami me donne cet article de L’Express », confie-t-il. Elle a été frappée par la photo : non seulement le condamné lui ressemble exactement, mais il a un enfant du même âge. Gérard Troniou contacte alors l’auteur qui lui raconte que lors du procès une femme, Hélène Troniou, a indiqué avoir eu un enfant avec l’accusé, né en octobre 1954. Comme lui. Un test ADN confirmera cette filiation.

“Ce n’est pas le voyou qu’on imagine”

Commence alors une longue bataille juridique. En 2007, il est reconnu comme le fils naturel de Jacques Fesch. Dix ans plus tard, en 2018, il entame la procédure menant à une éventuelle réhabilitation. Mais pourquoi se lancer dans une telle quête, lui qui n’a jamais connu son père ? « En commençant mes recherches sur lui, j’ai découvert qu’il n’était pas le voyou qu’on imaginait. Il n’avait jamais été condamné auparavant. Et surtout, tout le monde s’accorde à dire qu’il a énormément changé en détention. » Derrière les barreaux, celui qui était décrit comme « vaniteux », « immature », « incapable de distinguer le bien du mal » devient profondément pieux. Irréprochable en détention, il a même écrit un livre Dans cinq heures je verrai Jésus. Un processus de béatification a même commencé pour celui qui est présenté comme un « modèle de rédemption ».

L’objectif de la procédure est de déterminer si les promesses qu’il a faites en détention sont suffisantes pour « restaurer son honneur ». « Dans les procédures de réhabilitation, on s’appuie sur le comportement ultérieur du condamné, son comportement en détention, sa réinsertion, ce qu’il a accompli », explique une Source judiciaire. Ce qui n’est pas possible dans le cas de cet homme guillotiné trois ans après son crime. « C’est une procédure d’autant plus symbolique qu’en cas de condamnation à mort, le condamné n’a pas eu la possibilité de se racheter », insiste Me Spinosi.

Le procureur général n’est pas favorable

Selon lui, l’avocat général n’est pas favorable à cette réhabilitation. Sans remettre en cause le comportement « irréprochable » de Fesch en détention, il affirme que rien ne permet d’établir qu’il ait indemnisé ses victimes. Et s’il est devenu un modèle pour les autres après sa mort, c’est « indépendamment de sa volonté ». Gérard Fesch oscille entre le soulagement de voir le dossier enfin aboutir et la peur. « Je peux comprendre que les gens ne comprennent pas pourquoi on veut réhabiliter quelqu’un qui a tué un policier, mais il faut s’intéresser à son parcours », insiste-t-il, sans se faire d’illusions.

 
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