Comment le Sénégal compte transformer son économie grâce au pétrole et au gaz naturel

Comment le Sénégal compte transformer son économie grâce au pétrole et au gaz naturel
Comment le Sénégal compte transformer son économie grâce au pétrole et au gaz naturel

La malédiction de l’or noir

« Nous sommes clairs, ces revenus ne peuvent pas transformer le Sénégal en nouveau Qatar, estime-t-on au sein de Petrosen. Mais cette manne financière peut booster le développement économique du pays, via des investissements dans des secteurs clés, comme l’énergie. » Même si des exportations sont prévues, une partie de la production pétrolière sera consacrée à la consommation locale.

De quoi susciter la fête et l’espoir au pays des teranga (« hospitalité » en wolof). D’autant que les projections de croissance du PIB sont favorables : 7,1% en 2024, selon le Fonds monétaire international, et 10% en 2025, contre 4,6% en 2023. Néanmoins, la défiance est tout aussi grande.

La malédiction de l’or noir est dans tous les esprits. A commencer par celle du nouveau président, Bassirou Diomaye Faye, élu le 24 mars, dont l’une des promesses était la renégociation des contrats d’hydrocarbures, qu’il juge « très défavorable ». Dans le passé, l’actuel Premier ministre, Ousmane Sonko, a dénoncé à plusieurs reprises des accords portant préjudice au Sénégal, « qui ne touchera que 10% des bénéfices générés par la production d’hydrocarbures ».

Le Sénégal a su « profiter des erreurs des autres »

Un pourcentage déjà révisé à 18%, qui représente la part fixe du bénéfice de l’entreprise publique Petrosen. Et auquel il faut ajouter les impôts et taxes payés par les compagnies pétrolières et les fournisseurs ainsi que les rentes superficiaires. S’il est toujours possible de renégocier tous ces contrats, les experts jugent cette option risquée. Pour Gacyen Mouely Mouanga, directeur du cabinet 3M-Partners & Conseils, « Un résultat positif n’est pas garanti, cela peut créer de l’incertitude, conduire à un mauvais climat des affaires et décourager les investissements à long terme au Sénégal. »

Depuis son arrivée au pouvoir, le duo Faye-Sonko s’est montré plus réaliste que durant la campagne électorale. Et le sujet a été mis en suspens le temps de lancer des audits. « Idéalement, nous aimerions renégocier, mais notre limite sera le business », confie un conseiller du palais présidentiel.

Pour éviter la monopolisation de ses précieuses ressources, le Sénégal a engagé des réformes bien avant les élections et le démarrage de la production. « En étant parmi les derniers arrivés dans la course, le pays a su profiter des erreurs des autres », estime Papa Fara Diallo, enseignant-chercheur à l’Université Gaston Berger de Dakar et président de l’association Publiez Ce Que Vous Payez/. Le Sénégal, pour une transition énergétique juste et équitable.

Un fonds d’investissement souverain

Depuis 2013, plus d’une dizaine de textes ont été adoptés avec pour objectifs « la transparence et surtout la redistribution ». La loi sur la répartition et l’encadrement de la gestion des revenus de 2022 prévoit qu’un maximum de 90 % des bénéfices seront affectés au budget général, tandis qu’un minimum de 10 % sera réservé au Fonds intergénérationnel.

Un véhicule d’investissement souverain calqué sur le modèle norvégien, qui doit permettre d’investir massivement dans l’éducation et les nouvelles technologies. « L’existence de ce fonds est effective, reste à savoir comment il fonctionnera, qui le dirigera et avec quelle marge de manœuvre », souligne Abdoulaye Ba, responsable de programme à l’Institut de gouvernance des ressources naturelles au Sénégal. A noter que le fonds souverain norvégien, créé dans les années 1990, représente aujourd’hui un pactole de plus de 1 500 milliards d’euros. On en est très loin, mais il y a de quoi rêver.

Lois pour réglementer le secteur extractif

Autre réforme essentielle : la loi sur le développement du contenu local. Votée en 2019, elle est censée permettre aux entreprises sénégalaises d’acquérir des parts de marché via des contrats de sous-traitance exclusifs ou mixtes, dans tous les secteurs liés de près ou de loin à l’industrie pétrolière et gazière.

« À long terme, l’enjeu pour le Sénégal est de miser sur le contenu local pour un impact durable et significatif sur le développement », souligne Papa Fara Diallo. Mais le mécanisme doit encore faire ses preuves, car si la législation existe, les biens et services adéquats font défaut.

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En 2022, le volume des transactions avec les fournisseurs locaux était deux fois moins important que celui des étrangers, selon un rapport de l’Initiative pour la transparence des industries extractives. Cela s’explique en partie par le manque de formation dans certains domaines. Pour Abdoulaye Ba, si le Sénégal a pu, grâce à sa volonté politique et à sa société civile, se doter de lois pour réguler le secteur extractif, « l’un des plus grands défis reste de les faire respecter ».

Développer une main d’œuvre qualifiée

Depuis le début des travaux d’exploitation pétrolière il y a dix ans, la part des services et matériaux achetés auprès de fournisseurs locaux a timidement augmenté. De 30 % en 2022, l’objectif est d’atteindre 50 % en 2030. Pour de nombreuses PME sénégalaises, s’il n’est plus rare d’obtenir des contrats, les honorer est moins évident. Certains métiers sont sous pression, voire inexistants.

Les entreprises font ainsi appel à une main d’œuvre qualifiée, à l’image de celle du Ghana, déjà producteur de pétrole. C’est pour répondre à cette demande que l’État, sous le régime du président Macky Sall (2012-2024), a créé l’Institut national du pétrole et du gaz (INPG) en 2017. L’urgence était d’abord de former des ingénieurs. Quatre promotions ont été diplômées avant même que la première goutte ne soit produite.

L’INPG s’intéresse aussi au secteur public : en sept ans, l’école a formé près de 400 agents de l’administration aux fondamentaux du secteur. Des sessions spécifiques sur les normes douanières, la fiscalité des contrats et les normes environnementales sont organisées. Elle sensibilise aussi les banques et les assureurs locaux. La demande est si forte qu’un nouveau campus de l’INPG, plus grand et mieux équipé, devrait bientôt voir le jour dans la ville nouvelle de Diamniadio, à 50 kilomètres de Dakar.

 
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