à Fleury-Mérogis, la prise en charge délicate des « détenus violents »

à Fleury-Mérogis, la prise en charge délicate des « détenus violents »
à Fleury-Mérogis, la prise en charge délicate des « détenus violents »

« Yannis parle peu. Il est poli avec le personnel. Il garde sa cellule propre. Il lit beaucoup. Ce mercredi à l’Unité pour détenus violents (UDV) de la prison de Fleury-Mérogis (Essonne), l’heure est à l’évaluation.

« Il semble imprévisible », poursuit prudemment le superviseur. « Je ne peux pas le mettre dans une catégorie. Est-ce qu’il fait juste semblant ? Est-il sincère ?

Autour de la table dressée dans une ancienne cellule aux murs jaunes, au quatrième étage d’une aile de la plus grande prison d’Europe, les trois conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation secouent la tête, perturbés.

Le débat commence. « Qu’allons-nous faire de lui ? La seule chose qu’il dit, c’est : +J’accepte mes pensées et je tue des gens+», soupire Jessica, responsable de son suivi. “Je lui ai demandé : +As-tu déjà eu des pensées noires à mon égard+ ? Il a répondu : +Non, pas encore+…”

“Je pense qu’il est animé par une envie de faire le bien”, ajoute l’officier Manon Blosse, “il m’a demandé à plusieurs reprises : ‘Pensez-vous que je suis une bonne personne’ ?”

Emprisonné pour des faits que l’AFP s’est engagé à ne pas révéler, Yannis (prénom modifié), 25 ans, a attaqué deux codétenus avec une lame de rasoir dans la cour de promenade.

Il a été placé en urgence à l’UDV.

Pendant six mois, lui et une poignée d’autres prisonniers considérés comme particulièrement agressifs y furent isolés et surveillés sous haute sécurité.

Une équipe leur est dédiée : un directeur, 17 surveillants, 3 conseillers du Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP), un psychologue et des intervenants extérieurs.

Du sur-mesure dans une prison où un gardien s’occupe habituellement de plus de 200 détenus.

L’objectif : tenter, à travers des entretiens et des activités, de réduire leur niveau de violence avant de les réintégrer parmi d’autres détenus.

Ce dispositif a été conçu après deux attaques de vigiles en 2018 à Vendin-le-Veil (Pas-de-Calais) et Borgo (Corse). Une première UDV a été créée à Lille en 2019, dix autres ont ouvert depuis.

– « Envie de progresser » –

La réunion d’aujourd’hui vise à évaluer la situation de Yannis à mi-chemin de son traitement. Dans trois mois, il doit retourner dans un quartier traditionnel. « Nous travaillons pour l’avenir, où il sera habité par des pulsions qu’il devra canaliser », résume l’officier.

Escorté par trois agents, Yannis entre dans la salle de réunion, les mains menottées dans le dos. Son corps athlétique semble trop grand pour la chaise d’école sur laquelle il est assis, son sourire trop large pour la solennité du comité.

«Vous avez l’air calme», dit sa conseillère, Jessica. “Détendu, je ne sais pas, mais je veux progresser”, répond Yannis, qui assure n’avoir “jamais commis de violences injustifiées sur qui que ce soit”.

– Qui est compétent pour dire si cela est justifié ? rétorque la directrice de l’unité, Marine Denarnaud.

– Cela dépend de chacun, décréte Yannis.

– Que pensez-vous des personnes qui subissent vos violences ? Jessica intervient.

– Ça fait mal…

– Avez-vous appris à ressentir de la douleur pour les victimes au cours des trois derniers mois ?

– Non, ça me fait mal. Aujourd’hui je compte les jours, les gens…

Des regards alarmés autour de lui. L’équipe se demande : qui sont ces gens ? D’autres cibles potentielles ?

Le réalisateur lui donne une perche. « On dirait qu’il y a des choses en toi qui ne veulent pas sortir. Pourquoi tu ne veux pas les dire ? Parce que c’est faux ?

Yannis arrête de sourire. « Qu’est-ce que le mal ? Donne moi un exemple. Je ne comprends pas encore. Je pense que je me trompe. Silence.

A son arrivée dans l’unité, la sécurité déployée autour de Yannis était maximale. Les gardiens s’équipaient de combinaisons de protection et de boucliers à chaque fois qu’ils ouvraient la porte de sa cellule.

– « Profitez de voir la souffrance » –

Aujourd’hui, ces précautions ont disparu, mais Yannis a toujours les mains liées dans le dos. Il sort se promener seul, dans une cour avec une fenêtre exiguë et une triple clôture en guise de toit. Le but est de réduire progressivement ses obstacles, jusqu’à son départ de l’UDV.

Parallèlement, des ateliers sont proposés pour l’habituer à la présence des autres et décortiquer les causes de ses comportements brutaux : judo, gestion des émotions, etc.

Chaque mois, l’équipe pénitentiaire passe en revue les mesures de sécurité à imposer et son programme.

Ce mercredi, Yannis surprend. «J’aime le yoga», dit-il. “On ne parle pas trop et on fait ce qu’on a à faire.”

Fin de l’entretien, trois agents le reconduisent en cellule.

Ses paroles n’ont pas levé les doutes. «Je pense vraiment qu’il est dangereux. Il nous protège du fond de sa pensée, mais il aime voir les gens souffrir », a déclaré son conseiller.

Yannis « pleure beaucoup en cellule », constate l’agent Blosse. Elle et ses collègues notent chaque jour ses conversations et son attitude. “Yannis n’a aucune empathie, mais il souffre vraiment.”

Alors, quel régime prescrire ?

Côté sécurité, le réalisateur veut l’« encourager ». “On va le menotter de l’arrière vers l’avant, on verra si ça libère sa parole.”

Côté réinsertion, Yannis s’est réinscrit au yoga, il va se remettre aux jeux de société mais n’a pas obtenu le feu vert pour « l’ethno-art », une activité artistique visant à déconstruire les préjugés culturels. L’équipe juge qu’« il pourrait faire mal » avec les outils.

Nouvelle mise à jour dans un mois.

clw/pa/hj

 
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