Les poulpes et les crevettes ont-ils une conscience ? Trois cents scientifiques en sont convaincus.

Les poulpes et les crevettes ont-ils une conscience ? Trois cents scientifiques en sont convaincus.
Les poulpes et les crevettes ont-ils une conscience ? Trois cents scientifiques en sont convaincus.

Pour les quelque trois cents signataires, il n’y a guère de doute et même « un soutien scientifique fort » concernant un premier groupe formé par les mammifères et les oiseaux, alors que des signes sérieux s’accumulent pour «tous les vertébrés, y compris les reptiles, les amphibiens ou les poissons » mais aussi pour les invertébrés comme les insectes, les crustacés à dix pattes (écrevisses, crabes, crevettes…) et les céphalopodes (poulpes, seiches, nautiles…). Ce “possibilité réaliste » de conscience dans ce deuxième groupe est basé sur des recherches menées au cours de la dernière décennie. Par exemple : les écrevisses peuvent souffrir d’anxiété et la voir soulagée par la prise d’anxiolytiques, les crevettes reculent lorsqu’on leur arrache les yeux, les seiches peuvent se rappeler comment elles ont ressenti un objet (vue ou toucher), les poulpes évitent la douleur si elles le peuvent, les bourdons peuvent jouer à la balle. , les mouches des fruits voient leur sommeil perturbé par l’isolement social…

Expérience subjective de base

La déclaration se limite à la « conscience phénoménale »en d’autres termes l’expérience subjective. “CCette conscience comprend à la fois les expériences sensorielles, par exemple l’expérience du toucher, du goût, de la vue ou de l’odorat, et les expériences qui font du bien ou du mal, par exemple l’expérience du plaisir, de la douleur, de l’espoir ou de la peur.explique le philosophe Jonathan Birch, professeur à la London School of Economics and Political Science et initiateur de la Déclaration.

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Mais certains signataires vont beaucoup plus loin.La conscience se décline à plusieurs niveauxdit par exemple le neuroscientifique Martin Giurfa (Sorbonne), qui étudie la conscience chez les abeilles. Le premier niveau est basal, on peut parler de sentience, terme qui est associé à la conscience et qui désigne la capacité d’un animal à éprouver des sensations et des émotions subjectives. Notre dernière étude, qui n’a pas encore été revue par des pairs, suggère que les abeilles peuvent éprouver ce que l’on appellerait la peur des mammifères. On peut élargir cette notion de conscience à la « conscience d’accès », la capacité à manipuler des informations précédemment acquises pour produire une nouvelle solution et non une réponse réflexe. On peut aussi parler de conscience de soi : l’animal se reconnaît-il comme un individu distinct des autres et de l’environnement ? Il y a aussi la métacognition, c’est-à-dire la prise de conscience de ses propres connaissances, qui implique la conscience de soi. Nous avons un protocole prêt à étudier la métacognition chez les abeilles.

Corbeaux sous les électrodes

Parmi les différents protocoles existants, un test bien connu pour évaluer la conscience de soi chez les animaux par exemple est le test du miroir, explique le professeur d’éthologie François Verheggen (ULiège). L’expérience consiste à placer sur la tête de l’animal une marque colorée qu’il ne peut pas voir par lui-même, puis à placer le sujet devant un miroir. Si l’individu montre des mouvements inhabituels ou tente d’effacer la marque, c’est qu’il a compris que l’image dans le miroir lui appartient. “Les corbeaux et les corneilles le passent, tout comme les grands singes, les cétacés, les éléphants et même un poisson, le labre nettoyeur ! Ce test donne de précieuses informations, mais il ne faut pas limiter la conscience au fait de réussir ou d’échouer au test du miroir, juge le zoologiste. Par exemple, les neurosciences, en analysant les réactions du cerveau, vont nous permettre de déchiffrer si l’animal a un certain niveau de conscience. Dans une étude, des corbeaux, auxquels on avait placé des électrodes sur la tête, ont été entraînés à regarder un écran et à appuyer, en fonction des chiffres et de la couleur de différentes lumières. Grâce aux électrodes, on a pu observer une réponse neuronale qui démontre que l’oiseau se met en position d’attente ou non, en fonction de ce qui apparaît ou non. Il y a eu une mémorisation et une adaptation de la réponse comportementale en fonction de différents contextes. Ils ont une forme de conscience sans même avoir de cortex cérébral. »

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Cependant, il est difficile de dire exactement quelles espèces sont « conscientes » et à quel « niveau » car elles n’ont pas toutes été étudiées, de manière générale.Les chercheurs travaillent sur un nombre réduit d’espèces car c’est très compliquésouligne Martin Giurfa. Pour mettre en place ces expériences, nous utilisons des « modèles animaux », une espèce qui, au fil de nombreuses années d’études, a été établie comme animal d’expérimentation car nous avons défini des méthodes d’élevage en laboratoire, des protocoles expérimentaux qui fonctionnent pour tester et entraîner ces animaux… Pour les insectes, par exemple, il existe très peu de modèles animaux… »

Implications sociétales

Mais malgré la « de nombreuses incertitudes » et même si tout n’est pas figé pour toutes les espèces, la Déclaration de New York considère qu’il faut néanmoins appliquer le principe de précaution dans la gestion de leur bien-être.La plus évidente serait la fin des traitements inhumains (captivité, exploitation, souffrance, etc.) et des meurtres gratuits. Cela irait vers la prise en compte des intérêts des animaux, dans leur diversité, y compris leur intérêt à continuer d’exister dans un environnement favorable. Je parle de la protection des écosystèmes. Un travail important doit être fait au niveau de l’expérimentation animale, avec le développement de méthodes alternatives. Et bien sûr, une réflexion collective doit avoir lieu (elle est en train d’avoir lieu) sur l’exploitation du bétail, note l’anthropologue Véronique Servais, professeure à l’ULiège et signataire du texteLe but de cette affirmation est de montrer que de nombreuses espèces animales ont des compétences, des émotions, des états mentaux, même des espèces animales très différentes de nous… »

 
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