Le bras de fer n’a finalement pas eu lieu. Il faisait moins une. « Nos camions étaient chargés de lisier, prêts à repartir », affirme Vincent Coco, président de la Coordination rurale 40. Mais jeudi 21 novembre au soir, l’avis s’est inversé : un accord a été trouvé avec le préfet des Landes, après plusieurs jours de mobilisation du monde paysan qui est allée crescendo.
Ce vendredi matin, les agriculteurs ont levé le blocus de Scalandes et la commune a été nettoyée de toutes les bottes de paille et déchets déversés devant les différents services de l’Etat. Conclusion d’une semaine marquée qui s’est jouée en plusieurs étapes.
Après la barrière filtrante sur le périphérique de Mons organisée par la Modef, pour sensibiliser aux effets du traité du Mercosur, samedi 16 novembre ; les panneaux recouverts d’un film noir par la JA et la FDSEA le lendemain ; et une opération de cette alliance des deux syndicats devant la préfecture, lundi 18 novembre, la Coordination rurale (CR40) est entrée dans la danse mardi 19 novembre.
Réunions à venir
La tension est montée d’un cran le lendemain, lorsque le CR 40 a reçu du renfort de ses homologues du Lot-et-Garonne pour bloquer Scalandes, une plateforme logistique alimentaire (Leclerc) à Mont-de-Marsan. Jusqu’à l’épilogue, ce jeudi 21 novembre vers 21h30
« Le soir, j’ai contacté le préfet, explique Vincent Coco. Nous avons conclu un pacte. Je n’ai qu’un mot, je pense qu’elle aussi. Elle s’engage pour défendre l’agriculture landaise. Je sentais que c’était quelqu’un en qui j’avais confiance. Du moins, je l’espère », explique le président du CR 40 à propos de cet entretien « en catimini ».
La préfète des Landes, Françoise Tahéri, indique de son côté que « les revendications des agriculteurs ont été entendues aux niveaux national et local ». Le président de la République et son gouvernement ont « pris des positions très claires concernant leur opposition au projet d’accord du Mercosur. Ils ont annoncé l’examen au Sénat du projet de loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire, agricole et le renouvellement des générations dans l’agriculture à partir de janvier 2025. […]. Les engagements pris seront tenus point par point et méthodiquement, selon les termes du Premier ministre. »
« Les autres se réveillent… »
Concrètement, une feuille de route (lire ailleurs) sera mise en place. Le préfet « s’engage à poursuivre et accentuer le dialogue et la concertation avec la Chambre d’agriculture et l’ensemble des syndicats agricoles, sur la base d’une réunion plénière mensuelle, selon un ordre du jour opérationnel, sur tous les sujets qui seront portés à sa connaissance, qu’ils soient collectifs ou collectifs ». ou individuel.
« Des réunions seront mises en place avant la fin du mois », confirme Vincent Coco, « avec des commissions pour trouver des solutions, comme la mesure des marges pour les filières bovine et palmipède. Je souhaite qu’ils soient labellisés, connus du grand public, clairs et transparents envers le consommateur et l’agriculteur », souligne le président du CR 40.
De son côté, Michel Larrère, président de la FDSEA dans les Landes, indique que « dès lundi soir, le préfet nous a promis de reprendre les discussions sur la simplification et la reconnaissance de la profession. Elle s’est arrêtée en mai et n’a jamais repris en septembre. Après, nous sommes seuls autour de la table, les autres syndicats se réveillent à trois mois des élections, tacle-t-il. C’est dommage pour l’agriculture landaise, car c’est en faisant tout ce travail dans l’ombre qu’on peut faire avancer les choses. »
Interrogé pour savoir si la mobilisation initialement annoncée par son syndicat aurait lieu mardi 26 novembre, Michel Larrère a rectifié : « Un engagement écrit, c’est bien, mais on attend un calendrier. Nous sommes donc prêts à partir la semaine prochaine. Nous n’aimons pas en arriver là, mais il y a seulement une pression pour faire bouger les lignes. »
“En alerte”
Pour Kévin Pouységur, le président des JA, « le bilan est positif car nous avons des engagements de l’État, mais nous restons vigilants. Nous avons marqué un essai, pour voir s’il y aurait une transformation. Les attentes sont élevées. Nous restons en alerte. Presque toutes nos demandes ont été notifiées par écrit. Nous attendons que ces engagements se traduisent en actions concrètes pour pouvoir en mesurer les bénéfices sur les exploitations agricoles. »
Le leader des Jeunes Paysans émet cependant un bémol : « Le CR est allé un peu loin, la force a été utilisée un peu tôt. Après, c’est à eux de mesurer les conséquences de leurs actes. Il a fallu laisser le temps à la préfecture de rédiger les accords», estime-t-il.
La préfecture des Landes indique que les montants des réparations suite aux dégâts sont en cours de quantification, mais qu’« il n’y aura aucune communication de notre part à ce sujet ». En revanche, les services de l’Etat indiquent que comme annoncé mercredi soir, le préfet des Landes a bien déposé plainte, jeudi 21 novembre, pour l’incendie criminel et les dégradations commises à la DDTM de Mont-de-Marsan.
Des pressions ?
Le président du CR 40 souligne de son côté que « les progrès obtenus sont pour tous les agriculteurs, quels qu’ils soient, affiliés ou non à un syndicat ». Vincent Coco regrette : « J’ai essayé de mobiliser tous les agriculteurs, mais certains ont reçu des pressions de collègues, et j’ai même reçu des messages me disant qu’il fallait me contenter de mes adhérents. »
Mais à quelques semaines des élections aux Chambres d’agriculture, le leader landais reste certain : « Ils ne pensaient pas que le CR était crédible dans les Landes. Nous avons montré de quoi nous étions capables. Nous pouvons même faire mieux, ou pire. Il ne faut pas oublier que CR est une grande famille. Quand on bouge, c’est un pour tous, et tous pour un », conclut celui qu’on surnomme déjà d’Artagnan.
La feuille de route
La préfecture détaille la feuille de route mise en place : « Les acteurs du monde agricole seront réunis spécifiquement, notamment sur toutes les mesures de simplification utiles à l’activité des agriculteurs et à la qualité du département et de ses ressources, chaque mois ; sur le malheur agricole et la résolution des situations individuelles particulièrement difficiles, dans le respect de la confidentialité, avant fin novembre ; sur la juste rémunération des producteurs, notamment des filières volaille et viande bovine, avec des engagements attendus sur la contractualisation de tous les acteurs de ces filières au premier trimestre 2025 ; sur une contribution accrue de la restauration collective publique, notamment à travers des approvisionnements de qualité et de proximité ; sur des actions de communication pour sensibiliser les agriculteurs, notamment la production du département, et attirer l’attention des consommateurs sur l’importance de leurs choix, en fonction de leurs possibilités financières.