Julien Barret, le pro des mots, du choc du flow – Seine-Saint-Denis

Julien Barret, le pro des mots, du choc du flow – Seine-Saint-Denis
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” Comment dit-on ? Avez-vous tout fouetté? » Julien Barret note consciencieusement l’expression que vient d’employer notre journaliste stagiaire Bastien. « Cela signifie « tu as fait une erreur, tu as tout mélangé », l’informe ce dernier. – Oh oui ! Intéressant. Je pense que cela vient de to whip, to whip en anglais. » Et voilà le linguiste au travail.

Julien Barret est comme ça : à l’affût de toutes les nouvelles expressions qui poussent et se répandent dans la langue française. Cet auteur de “Apprends les bails”, un lexique sur les mots de l’Essonne, réalisé en compagnie d’élèves de 1ère d’un lycée de Ris-Orangis n’est pas vraiment du genre à protéger la langue française, ni au grand dam de ces messieurs. de l’Académie.

Cet amoureux du slam, qui est aussi praticien, serait plutôt du genre à s’approprier les vers de Grand Corps Malade : « Je viens d’où le langage est en constante évolution/ Verlan, rebeu, argot, grand processus créatif/ Chez moi, les chercheurs , des linguistes viennent prendre rendez-vous/ Nous n’avons pas toujours le même dictionnaire mais nous avons plus de mots que vous. »

La folie du nouchi

« C’est un fait : la langue parlée par les jeunes franciliens est celle qui fait le plus bouger les français actuellement. Je ne suis pas intéressé à porter des jugements de valeur, je veux juste analyser comment la langue évolue au contact d’autres langues ou de la création artistique.explique celui qui travaille également avec le Campus de la Francophonie en Seine-Saint-Denis.

Julien Barret, auteur du texte de la dictée olympique, organisée par le Campus francophone en avril à Pantin

Lancé en décembre, ce dispositif poursuit deux objectifs : enseigner le français à des personnes qui en ont particulièrement besoin pour entrer sur le marché du travail, mais aussi défendre une conception ouverte de la langue, reflet de l’histoire des migrations successives qui ont notamment façonné un territoire comme le 93.

« Aujourd’hui, dans les nouveaux mots qui entrent dans le dictionnaire, il y a des mots qui parlent de la France d’aujourd’hui : des néologismes français comme « dinguerie », anglais comme « tu dead ça ». (tu as tout déchiré), Mots arabes (« kiffer, le seum ») ou encore nouchi, un argot urbain ivoirien comme « deh » qui marque l’étonnement », énumère cet amoureux des mots et de l’histoire qu’ils portent.

Autant dire que lors des récentes agressions racistes dont Aya Nakamura, attendue pour chanter Edith Piaf lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques, Julien Barret n’a pas vraiment hésité à prendre position : « Ceux qui identifient Nakamura à une langue étrangère se trompent complètement car sa langue est tout aussi française que celle du rappeur Vald ou d’un autre créateur. Lorsqu’elle parle d’un « djadja » par exemple – un menteur – ce n’est pas une langue étrangère, c’est une création qu’elle, Aya Nakamura, crée., souligne l’auteur de « Le Grand Livre des Punchlines. De Sénèque à Nekfeu.

Claquement et liberté

Bref, pas question pour Julien Barret de sombrer dans une vision puriste de la langue française. Il faut l’entendre parler des ateliers de slam qu’il organise un jeudi par mois à La Belle Maison, un café culturel de Bagnolet, la commune où il réside également, pour comprendre qu’à ses yeux, la langue est essentiellement synonyme de liberté. . « J’aime ce moment où l’on accueille les nouveaux arrivants, où les gens osent se lancer. Parfois, nous parvenons à résoudre les tensions sociales simplement grâce à la scène ouverte. Tout le monde écoute tout le monde, on est libre, c’est ça l’idée du slam. », explique, les étoiles pleins les yeux, celui qui a découvert la magie de la parole scandée avec le collectif 129h, groupe avec lequel il a écrit « L’Atelier Slam », un recueil d’exercices pour rendre le slam accessible à tous. A ses côtés, son complice Yesser, un musicien brésilien qui assure la décoration musicale lors de ces mêmes jeudis du slam, approuve.

Et quand cette grande tige de 45 ans a-t-elle été touchée par la magie de la parole qui réveille, de la parole qui guérit, de la parole qui envoûte ? « C’est arrivé à l’adolescence, au lycée. Soudain, j’ai réalisé que les rappeurs que j’écoutais, Lunatik, Arsenik et X Men, et la poésie médiévale que nous étudiions en même temps avaient en réalité bien plus en commun qu’on ne le pense. Et de se lancer aussitôt dans un flow du poète Jean Molinet, poète du 16e siècle, mais qu’on croirait tout droit sorti de la dernière compilation « 93 Empire ».

Depuis plusieurs années maintenant, Julien Barret a choisi d’enseigner sa science du langage principalement en Seine-Saint-Denis. « Parce que je viens de là-bas, je m’y sens bien et c’est bien de redonner à un territoire ce qu’il nous a donné », estime celui qui organise également des promenades littéraires à la mémoire d’André Breton à Pantin ou de Paul Eluard à Saint-Denis. Comme toujours, dans ses activités auprès de jeunes lycéens de Seine-Saint-Denis ou d’habitants qui se prêtent au jeu de la dictée, c’est plus ce qu’il y a derrière les mots qu’à l’intérieur qui intéresse ce passionné des mots. “ Un atelier d’éloquence pour l’éloquence, c’est un peu stérile. Ce que j’aime, c’est quand cela devient un prétexte pour explorer d’autres domaines du langage ou prendre confiance en soi. », détaille celui qui anime cette année un atelier d’écriture avec des élèves du lycée Voillaume à Aulnay et Louise-Michel à Bobigny. Le mot comme porte d’entrée, avec un R mais deux ailes.

– Rencontrez Julien Barret pour un voyage littéraire au Musée d’Art et d’Histoire de Saint-Denis

– Derniers ateliers de slam de la saison : samedi 11 mai Et jeudi 20 juin à La Belle Maison, à Bagnolet

 
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