En avril 2023, l’urologue Denis Dupuy de la clinique Ambroise Paré de Toulouse (Haute-Garonne) a été poussé vers la sortie. En cause, la parution d’un roman dans lequel se reconnaissait le directeur de cet établissement du groupe privé Elsan. Une « vendetta » selon le praticien, très appréciée de ses patients. Il décide de faire ses valises.
Son contrat a pris fin le 17 avril 2024. Après 20 ans de bons et loyaux services comme urologue, le Docteur Denis Dupuy a quitté la Clinique Ambroise Paré. Un établissement privé à Toulouse, qui appartient au groupe Elsan.
Il était l’un des rares urologues du secteur 1 à Toulouse (Haute-Garonne), bref il ne demandait pas d’argent supplémentaire à ses patients. Ce qui a fait de lui le « médecin des pauvres et des immigrés » comme il nous l’expliquait en septembre 2023. Des patients désormais orphelins de leur praticien.
La vie du docteur Dupuy bascule le 17 avril 2023. Ce jour-là, il reçoit une lettre recommandée de son employeur. La clinique Ambroise Paré met fin au contrat de pratique privée qui lie l’urologue à l’établissement. Il a un an pour quitter l’établissement et trouver un successeur.
Son erreur : avoir écrit un livre de fiction, dans lequel se seraient reconnus le directeur de l’établissement, Frédéric Pecqueux, ainsi qu’un syndicaliste.
Car l’urologue est aussi écrivain à ses heures perdues. Passionné de lettres, il en est à son 4ème livre. Le dernier s’appelle « Des bagatelles, ou combien j’en prends… mes contemporains ». C’est l’histoire d’un médecin d’une clinique de province, qui ne se reconnaît plus dans la société d’aujourd’hui.
Dans le travail du chirurgien, il y a une scène où ce médecin fait irruption dans le bureau de son directeur de clinique, qui est en pleine relation sexuelle avec un syndicaliste. Une scène « trash » qu’assume le docteur Dupuy. Selon lui, il n’y a aucun lien avec le directeur de la clinique Ambroise Paré ni aucun syndicaliste. « Tout est fictif. Aucun personnage ne correspond à la réalité. Ce n’est pas ma faute si le réalisateur se reconnaît dans ce personnage.», nous disait le médecin en septembre 2023.
Urologue Denis Dupuy
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© Denis Dupuy
C’en est trop pour le directeur de la clinique Ambroise Paré. “Violations des obligations éthiques », « commentaires scandaleux »ou “discrédit jeté sur l’établissement au sein duquel il travaille”, les accusations pleuvent sur l’urologue toulousain. Une plainte devant le Conseil de l’Ordre des médecins a été déposée par la clinique, ainsi qu’une plainte pénale pour « injure ».
Contacté à l’époque, le directeur de la clinique Ambroise Paré, Frédéric Pecqueux, avait assuré que le roman n’avait pas été un déclencheur et qu’il ne s’agissait pas d’un “affaire personelle”.
« Jusqu’au bout, j’ai cru qu’ils allaient se calmer, que cette farce allait finir. Mais je me trompais” explique amèrement le docteur Dupuy. “J’ai été victime d’une sorte de vendetta” souligne-t-il, lui qui regrette d’avoir mené ce combat seul sans le soutien de ses confrères médecins.
« Quand on est médecin libéral, on ne peut pas attaquer les prud’hommes. Il y a le Conseil de l’Ordre, mais ça traîne, tout le monde se renvoie la balle.» Il regrette. N’ayant pas trouvé de successeur, il perd son investissement initial, soit 150 000 euros.
Cela a été une année très douloureuse. Pour moi, mais aussi pour ma femme et mon fils. Toutes ces nuits perturbées par cette histoire, le sentiment d’injustice qui vous envahit.
Déçu, meurtri de laisser autant de patients sur le bord de la route, Denis Dupuy a vécu une année très difficile, sur le plan personnel. Douloureux. Mi-mai, il quittera Toulouse et s’installera à Bordeaux. Le médecin, âgé de 60 ans, occupera un poste d’urologue à l’hôpital de Villeneuve-sur-Lot, établissement public cette fois. Il aimerait en profiter pour transmettre son savoir aux plus jeunes et les former.
Quant à son activité d’écrivain, il la poursuivra avec un 5ème roman en cours d’écriture. Le thème est parfait, puisqu’il évoquera sa descente aux enfers et cette douloureuse expérience vécue à la clinique Ambroise Paré.
Une manière de se venger ? Pas vraiment. Une manière plutôt de libérer l’amertume et de tourner une page d’un mauvais roman.
