« Réparer ses objets est une pratique plus facile à affirmer » – .

« Réparer ses objets est une pratique plus facile à affirmer » – .
« Réparer ses objets est une pratique plus facile à affirmer » – .

La Croix : Pourquoi réparons-nous les objets ?

Julie Madon: Les motivations sont très différentes selon le profil des « réparateurs ». De manière générale, les deux principales motivations sont économiques et environnementales. Deux raisons qui tendent à s’entremêler avec la crise environnementale. Plutôt pratiquée par les classes populaires, la réparation était jusqu’à présent très peu valorisée socialement. Aujourd’hui, c’est une pratique plus facile à revendiquer, justement parce qu’elle a cette dimension écologique.

En plus d’être un marqueur de classe sociale, la réparation est aussi une question de génération (les personnes âgées qui ont grandi juste après la guerre réparent davantage que la génération suivante qui a suivi le développement de la société de consommation), d’environnement géographique (rural ou urbain). ) et même de la culture familiale. Les individus que j’ai interviewés réparent davantage lorsqu’ils sont eux-mêmes issus d’une famille qui prend soin des objets.

Les pauvres réparent-ils plus que les plus riches ?

JM : Les études disponibles montrent que plus on est riche, moins on adopte de pratiques visant à faire durer les objets. Au-delà des réparations, les plus riches consomment davantage de biens et ont des taux de renouvellement des équipements supérieurs à la moyenne.

Par exemple, 57 % des ménages gagnant plus de 4 500 € par mois attendent que leur téléviseur tombe en panne avant d’en acheter un nouveau, contre 75 % des ménages ayant un revenu inférieur à 1 200 €.

A l’inverse, plus on est issu d’un milieu populaire, plus on cherche à faire durer les objets, en réparant davantage, mais aussi en achetant de moins en plus d’occasion.

Au final, vous distinguez quatre catégories de personnes qui font durer leurs objets, lesquelles ?

JM : Au terme de mes enquêtes de terrain, j’ai en effet pu établir quatre profils de « foies longs » : les « décroissants » qui sont généralement plus instruits que la moyenne, et ont un capital économique inférieur à leur capital culturel. Pour eux, faire durer les objets rime avec « posséder moins et acheter de la qualité ». On les retrouve beaucoup dans les « repair cafés », ces lieux de réparation collaboratifs qui s’étendent dans toute la région, et sur les sites de brocante.

La deuxième catégorie – les consuméristes – est plus inattendue : s’ils veulent des objets durables et réparables, c’est qu’ils ne supportent pas d’être « trompés ». Ils ne luttent pas forcément contre la consommation, mais contre l’obsolescence programmée. On les retrouve aussi membres d’associations comme HOP (Stop à l’obsolescence programmée).

La troisième catégorie est celle que j’appelle les « sédentaires ». Ils sont assez âgés, équipés et bricoleurs. Ils viennent souvent de milieux ruraux ou périurbains, et apprécient l’activité même de réparation, rendue possible par un espace plus grand. Pour eux, « un objet a besoin d’être entretenu et usé jusqu’à l’os ».

La dernière catégorie est celle des « citadins » urbanisés dont le faible taux d’équipement dépend de l’espace limité dont ils disposent. S’ils refusent d’acquérir de nombreux objets, ce n’est pas par idéologie comme les déclinants, mais par pragmatisme. Par exemple, ils achèteront moins de chaussures neuves, tout simplement parce qu’ils n’ont pas d’espace pour les ranger.

Selon vous, quels sont les principaux obstacles à la réparation aujourd’hui ?

JM : Elles sont nombreuses et proviennent des fabricants qui proposent des produits difficilement réparables, et des injonctions contradictoires de nos sociétés modernes qui nous poussent à consommer moins et mieux, tout en nous inondant de publicités pour des produits jetables. Au-delà de ces paradoxes, on observe une réelle aspiration à la durabilité.

En 2020, une enquête de l’Agence de la transition écologique (Ademe) montrait que face à un objet cassé, 85 % des personnes cherchaient des informations pour le réparer, mais seulement 39 % allaient jusqu’au bout de la démarche. Parmi les principaux freins mis en avant, la question du prix est centrale (réparer coûte plus cher que d’en acheter un neuf), mais aussi la difficulté de trouver des réparateurs professionnels.

L’enquête distingue également des comportements différents selon le type de produit : ceux que l’on répare parce que l’on considère que c’est facile (le vélo par exemple), ceux pour lesquels on trouve cela trop compliqué (le robot culinaire), pour lesquels on ne réfléchit pas (les vêtements) et ceux que l’on considère trop chers à réparer par rapport au prix d’achat (les imprimantes, etc.).

Aujourd’hui, la question est de savoir si des initiatives telles que la prime à la réparation ou l’indice de réparabilité récemment introduit sont susceptibles de lever ces obstacles.

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Ses raisons d’espérer. « Il y a une conjonction de volontés en faveur de la durabilité »

« Le combat pour la durée de vie des produits nous donne de l’espoir, pour sa capacité à fédérer et fédérer. Cela parle à beaucoup d’entre nous, du bricoleur passionné à la retraitée attachée à ses héritages familiaux. La loi évolue également, poussée par les associations de consommateurs et de défense de l’environnement, et encadre de plus en plus les pratiques des industriels. Qu’ils soient grands ou petits, il existe également de nombreux distributeurs qui œuvrent pour des produits plus durables. Cette combinaison de souhaits de la part des consommateurs, des législateurs, des associations et des entreprises démontre notre capacité collective à construire un avenir plus juste et plus durable. »

(1) Faire durer les objets, Julie Madon, Presses de Sciences Po, 2024, 272 pages, 22 €.

 
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