Étudiants en psychiatrie et en médecine, les feux du désenchantement

Étudiants en psychiatrie et en médecine, les feux du désenchantement
Étudiants en psychiatrie et en médecine, les feux du désenchantement
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ANNA WANDA GOGUSEY

Non, Mathilde Charron n’a pas entendu de voix, même si cela arrive à certains de ses patients. Dès sa première année dans la prestigieuse faculté de médecine de Sorbonne Université, ses oreilles s’échauffent : « Vous n’êtes pas venu ici pour faire de la psychiatrie ! “, » a prévenu, dans un amphithéâtre bondé, un non moins réputé professeur universitaire-praticien hospitalier.

La jeune femme, 27 ans aujourd’hui, nous éclaire : « Genre, ceux qui choisissent la psychiatrie sont les pires, les derniers du classement. Alors si vous êtes à la Sorbonne, vous avez intérêt à faire de « vraies » spécialités d’organes somatiques. Le psychologue n’est pas assez noble et c’est un asile. » Mathilde, désormais interne en septième semestre de psychiatrie à Paris, a dû lutter contre ces préjugés tenaces. « Même aujourd’hui, quand je dis que je suis psychiatre, les gens ne veulent pas dire que je suis médecin. »

Tous les psychiatres et futurs psychiatres collectionnent des anecdotes du même acabit. Toujours associé à Vol au dessus d’un nid de coucou (film américain réalisé par Milos Forman il y a près de cinquante ans) et des pratiques d’asile obsolètes, la psychiatrie est rarement reconnue comme une spécialité médicale à part entière. Opaque, anxiogène, synonyme de confinement… Ceux qui le choisiraient malgré tout le seraient aussi “fou” que les personnes qu’ils soignent. Ou le deviendrait, par effet de contagion.

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Face à ces bizarreries, les étudiants en médecine se détournent chaque année un peu plus de la profession : aux épreuves du classement national, la psychiatrie se retrouve en queue de peloton, dans le top 4 du dernier choix de spécialités, avec la santé publique, le travail médecine et biologie. Depuis 2010, 310 postes de psychiatre n’ont pas été pourvus à l’internat, dont 65 % entre 2019 et 2023. En 2023, 67 postes, sur 547 ouverts, restaient vacants.

choisir la psychiatrie

Dans le même temps, la santé mentale est devenue un enjeu prioritaire de santé publique, en constant déclin depuis l’épidémie de Covid-19. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), un Français sur cinq sera touché au moins une fois dans sa vie par des troubles psychiatriques ou une maladie mentale. Le système de santé se heurte donc à un mur, tant le problème est à la fois conjoncturel et structurel : l’augmentation des besoins d’un côté, la pénurie de médecins de l’autre, dont le renouvellement démographique est également loin d’être assuré. En 2023, un quart des psychiatres avaient plus de 65 ans.

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