Avant de joindre au téléphone Élie Chouraqui, qui a fait apparaître dans plusieurs films Anouk Aimée, décédée ce mardi matin et qui fut sa compagne à la fin des années 70, vérifions quelques dates dans leurs biographies communes. Ils se rencontrent en 1976 sur le tournage du merveilleux “Si c’était à refaire” : il est alors assistant réalisateur de Claude Lelouch et elle joue – de façon époustouflante – le second rôle aux côtés de Catherine Deneuve.
Ceci avant que Chouraqui ne lui confie le rôle principal – celui d’une femme atteinte de leucémie qui se rapproche de son fils (Richard Berry) – dans son tout premier long métrage, « Mon premier amour » (1978).
Puis le réalisateur reprend la parole et nous raconte une autre histoire. “Nous avons vécu ensemble après le film de Claude, et c’est elle qui m’a confié le roman de Jack-Alain Léger, Mon premier amour, En me disant : Tu dois le faire! Je ne me sentais pas encore assez prêt, mais elle m’a poussé. J’avais perdu ma mère, cela m’avait traumatisé, mais elle m’a dit : Cela vous fera du bien de faire ce film ! Nous avons monté une société de production ensemble, j’ai écrit le scénario avec Jack-Alain, et on a tourné assez vite… »
« Nous sommes restés ensemble pendant 4 ans et sommes devenus amis pour la vie »
Il garde de très bons souvenirs du tournage. “Le premier film que nous avons fait ensemble, en même temps une histoire d’amour”, souligne le réalisateur. Il y avait beaucoup d’émotion, nous étions tous très proches sur le plateau, avec Richard Berry aussi, c’était une affaire de famille. Cela m’a permis de me lancer dans la réalisation sans me soucier de la relation que j’avais avec mon actrice qui était une star… »
VidéoL’actrice Anouk Aimée est décédée à 92 ans
Lorsqu’ils sont tombés amoureux en 1976, il avait 28 ans et elle 44 ans, soit 18 ans de différence. Lorsqu’on le lui fait remarquer, Élie Chouraqui sourit : « Si vous l’aviez vue quand je l’ai rencontrée la première fois, franchement, vous ne vous seriez pas posé de questions ! »
Il tournera ensuite plusieurs fois Anouk Aimée, dans “Qu’est-ce qui fait courir David ?” » et dans « Les Marmottes » notamment. Ils ne vivent plus ensemble, ou plutôt leur histoire commune a pris une autre tournure : « Nous sommes restés ensemble 4 ans, mais en réalité toute une vie… Nous nous sommes fâchés pendant trois quarts d’heure et nous sommes devenus amis pour la vie. »
“Dans tous ses films, elle est toujours restée Anouk”
D’Anouk Aimée à l’écran ou devant sa caméra, il garde le souvenir d’une actrice à part, singulière, insatisfaite : « Elle a toujours été très inquiète de ce qu’elle avait fait et de ce qu’elle allait faire. Anouk, ce n’était pas l’Actor’s Studio : il fallait la laisser faire, elle avait une compréhension immédiate du personnage qu’elle allait interpréter. Dans tous ses films, même ceux de Fellini, même ceux des Américains, elle est toujours restée Anouk. Elle n’a pas créé ses personnages, il a juste fallu la transformer un peu pour celui qu’elle devait incarner. Le public la retrouvait, elle était elle-même, aux cheveux longs ou courts, jouant une prostituée, une mère ou une aristo. »
En 1986, lorsque Claude Lelouch lui propose l’idée d’« Un homme et une femme : vingt ans déjà », Anouk Aimée vient consulter Élie Chouraqui : « Elle m’a demandé de participer à cette suite… Je lui ai dit que c’était une bonne idée, lui expliquant que quel que soit le film, ils allaient se retrouver tous les trois avec Lelouch et Trintignant après ce succès planétaire, ce serait un plaisir de se retrouver à nouveau. »
Quand on demande au cinéaste, qui l’a si bien connue en dehors des plateaux de tournage, de parler de quelle femme elle était au-delà de l’actrice, la réponse éclate : « Elle était d’une beauté éblouissante, douce. , et drôle, on a beaucoup ri. Elle avait ce sens de la dérision, cette façon de remettre les choses en place, un humour défensif. »
Il se souvient surtout de ce qui a suivi leur relation amoureuse. « Anouk était ma famille, elle venait à la maison comme mes sœurs, mon frère, mes nièces. Pour tout le monde, elle était comme une sœur, une tante… Elle était devenue une Chouraqui. Je connais toute sa famille, je connaissais sa mère et sa grand-mère.
Élie Chouraqui avait revu Anouk Aimée « il y a quelques jours », et pour lui, elle restera « un mythe du cinéma français et mondial ». « Mais, ajoute-t-il, elle pouvait se permettre de refuser des longs métrages géants comme L’affaire Thomas Crown, car pour elle, le cinéma n’était pas la chose la plus importante. Ce qui comptait le plus pour elle, c’était sa fille, sa famille, les hommes qu’elle aimait… Sa vie. »
