Comment les instituts de sondage estiment les résultats des élections législatives à partir de 20 heures

Dans un bureau de vote à Lyon lors des élections européennes, le 9 juin 2024. OLIVIER CHASSIGNOLE / AFP

Seulement trois semaines après la dissolution de l’Assemblée nationale décidée par le président de la République suite à la débâcle de son parti aux élections européennes, les Français sont à nouveau appelés aux urnes, dimanche 30 juin.

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Si les estimations des rapports de force entre les principaux partis politiques, exprimées en pourcentages, sont généralement proches de la réalité, les projections en termes de nombre de sièges potentiels pour chaque parti le sont beaucoup moins au soir du premier tour, l’issue du second tour dépendant des situations spécifiques dans chacune des 577 circonscriptions.

Estimates, seat projections and final results: Les Décoders du Monde faire le point sur les différents chiffres qui circulent le jour du scrutin.

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Les estimations de vote dévoilées à 20 heures

A 20 heures précises, les derniers bureaux de vote des grandes villes ferment leurs portes, levant l’interdiction de diffusion des résultats. La plupart des médias souhaitent alors communiquer à leurs lecteurs le résultat du vote, avec les pourcentages nationaux obtenus par chaque parti ou coalition. Pour ce faire, les instituts de sondage réalisent des estimations à partir des résultats d’un nombre défini de bureaux qu’ils considèrent représentatifs du vote français.

A l’instar de l’Institut français d’opinion publique (IFOP) ou de Harris Interactive, Ipsos – qui réalise l’estimation Ipsos-Talan pour différents médias – utilise cette méthode. L’institut envoie ses enquêteurs dans près de 600 bureaux constituant son échantillon. Chacun d’entre eux assiste au dépouillement et transmet :

  1. à la fermeture du bureau, information sur le nombre d’électeurs, pour estimer l’abstention ;
  2. après le dépouillement des deux cents premiers bulletins, un résultat partiel avec les scores obtenus pour chaque candidat ;
  3. à la fin du dépouillement du bureau de vote, tous les résultats.

L’institut centralise tous ces retours d’expérience et calcule l’estimation du résultat final à partir d’un modèle statistique prenant en compte les particularités géographiques (communes rurales, petites ou grandes villes, etc.) et les caractéristiques politiques (fonctions traditionnellement de gauche ou de droite, renversement ou consolidation des tendances observées lors du scrutin précédent, etc.)

Il ne s’agit pas d’un simple décompte : dans le cas d’Ipsos, environ 70 % des bureaux de l’échantillon ferment à 18 heures, 5 à 10 % à 19 heures et le reste, 20 à 25 % à 20 heures. Sachant qu’il faut environ une heure pour compter tous les bulletins d’un bureau (moins, si l’abstention est élevée), les instituts n’ont, à 20 heures, ni les résultats partiels des bureaux qui viennent de fermer ni même les résultats complets de ceux qui ont fermé leurs portes à 19 heures. A chaque fois que des décomptes sont ajoutés, les algorithmes affinent les estimations.

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Ce système a une faiblesse car il s’appuie sur la dynamique de vote observée dans les bureaux de vote déjà fermés, pour les projeter sur ceux qui ferment à 20 heures. Cependant, ce ne sont pas toujours les mêmes. Si les résultats des bureaux de vote fermant à 18h et 19h s’avèrent supérieurs de 10 points pour un parti ou un candidat à ceux des élections précédentes, mais que la dynamique est différente dans les métropoles fermant plus tard, la première estimation donnée à 20h peut être erronée avant d’être affinée. plus tard. Ce scénario est rare mais s’est produit dès le premier tour de l’élection présidentielle de 2022 : les estimations du score de Jean-Luc Mélenchon étaient autour de 18% à 20 heures avant de remonter dans la soirée pour approcher les 22% au fur et à mesure de la prise en compte des résultats des grandes villes, où il a fait mieux.

Spécificités liées à une augmentation attendue de la participation

La méthode décrite ci-dessus permet d’estimer correctement l’équilibre national des forces entre les différents partis et coalitions. Mais elle ne permet qu’une prédiction très imparfaite de la composition de la future Assemblée, puisque celle-ci dépendra de 577 élections distinctes.

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De plus, la hausse attendue de la participation risque de compliquer considérablement la situation pour les sondeurs. Selon un sondage Ipsos du 27 juin, entre 61% et 65% des électeurs pourraient aller voter, contre 47,5% en 2022.

Mathématiquement, plus le taux de participation est élevé, plus il est probable que trois – exceptionnellement quatre – candidats puissent se maintenir au second tour. Sont qualifiés les deux candidats arrivés en tête, ainsi que ceux qui ont obtenu un nombre de voix supérieur à 12,5 % des électeurs inscrits. En 2022, en raison de la faible participation, seules 8 courses à trois étaient possibles sur les 577 élections.

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« L’incertitude des simulations de sièges augmente au soir du premier tour avec le nombre de triangulaires. Par exemple, avec les résultats de 2022, une participation de 60 % aurait conduit à 120 triangulaires, et jusqu’à 200 avec une participation de 65 %.explique Jean-François Doridot, directeur général des Affaires publiques d’Ipsos.

Les instituts de sondage doivent intégrer ces paramètres dans leur échantillon de bureaux de vote. « Quand on prépare un premier tour, on prépare déjà un deuxième tourprécise M. Doridot. Comme on ne connaît pas les résultats du premier tour, il faut avoir des bureaux de vote qui refléteront toutes les configurations triangulaires possibles au second tour, pour pouvoir anticiper les reports de voix. »

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Des projections dans des sièges « très, très fragiles »

« Très, très fragile », “périlleux”, « à prendre avec beaucoup de prudence »…tous les sondeurs interrogés s’accordent sur les limites des projections de sièges diffusées le soir du premier tour. « C’est comme si au soir du premier tour de l’élection présidentielle, on essayait de donner le score du second tour », nous expliquait déjà, en 2022, Jérôme Fourquet, directeur du service opinion à l’IFOP. Qui a reconnu qu’il existe un « pression médiatique et politique très forte pour qu’il y ait des projections dans les sièges » malgré une fiabilité limitée.

Contrairement aux estimations nationales en pourcentages, qui sont basées sur les résultats réels de centaines de bureaux de vote, la projection en sièges est effectuée sur la base de sondages d’opinion. Harris Interactive interroge 6 000 à 7 000 personnes le jour du scrutin pour “connaître la sociologie du vote, les motivations des électeurs et comportement électoral potentiel dans le contexte du second tour.

« On interroge les gens sur le second tour sans avoir le résultat du premier, on ne connaît pas encore les duels ou les scrutins à trois dans leur circonscription »comments Jean-Daniel Lévy, Directeur de la politique et de l’opinion chez Harris Interactive. Les personnes interrogées sont interrogées sur plusieurs hypothèses de second tour, ce qui permet aux instituts de calculer d’éventuels reports de voix. « La fragilité de la simulation de siège vient du fait qu’elle se base sur des informations mesurées avant le premier tour »» confirme Jean-François Doridot d’Ipsos.

Pour donner une idée du nombre de sièges que pourrait obtenir chaque parti politique, les sondeurs prennent comme base l’estimation nationale des résultats du premier tour et la projettent dans chacune des circonscriptions françaises. On obtient ainsi les 577 affiches possibles du second tour sur lesquelles ils basent les résultats de leurs enquêtes d’opinion, pour estimer le report de voix des candidats non qualifiés et esquisser l’éventuelle Assemblée nationale à l’issue du second tour.

Chaque parti se voit attribuer une série de sièges, mais la marge d’incertitude reste trop grande. Varier la tendance d’une force politique d’un ou deux points au premier tour peut ainsi faire basculer trente à quarante sièges dans l’hémicycle projeté.

Les responsables des instituts interrogés reconnaissent tous les limites de ces chiffres qui ne tiennent pas compte des particularités de chaque circonscription, des personnalités locales, des dissidents et des dynamiques de campagne entre les deux tours.

Malgré toutes ces limites, les trois instituts de sondage ont publié les projections de sièges au soir du premier tour il y a deux ans. Jean-François Doridot précise que si Ipsos fournira des projections de sièges au soir du premier tour, ils ne les proposeront pas avant, « les faiblesses avant les élections étant trop fortes. »

Au soir du second tour, ces projections devraient au contraire être plus fiables, sans être forcément exactes au siège près, puisque les sondés auront, cette fois, été interrogés sur des configurations connues et non plus simplement hypothétiques.

Les résultats officiels se poursuivent jusque tard dans la nuit

Le ministère de l’Intérieur, chargé d’organiser les élections, commence à publier les résultats par commune à partir de 20 heures, puis actualise ses publications en continu. En début de soirée, seuls les résultats des plus petites communes, rapidement comptabilisés, sont disponibles.

Après la fermeture et le dépouillement de près de 70 000 bureaux de vote, les résultats sont transmis aux préfectures, qui les transmettent à leur tour au ministère de l’Intérieur. Ils sont ensuite publiés au fur et à mesure de leur réception. Les résultats de toutes les circonscriptions ne sont généralement connus que tard dans la nuit de dimanche.

Les résultats sont considérés comme définitifs une fois validés par le Conseil constitutionnel, après examen d’éventuels cas d’irrégularités.

Une précédente version de cet article a été publiée en juin 2022, à l’occasion des dernières élections législatives.

Romain Geoffroy et Romain Imbach

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