Ces deux-là ont faim de records. Le record du kilomètre de François Pervis (39 ans) a duré dix ans, de 2013 à 2023 : durant cette période, personne dans l’histoire du cyclisme sur piste – discipline dans laquelle il a remporté sept titres de champion du monde – n’était allé plus vite que lui sur la distance (56,303 secondes). Il vise désormais le record du monde sur vélo couché caréné (144,17 km/h), après deux tentatives mais aussi un grave accident, en 2022.
Le record de Simon Billy (32 ans), battu en 2023, tient toujours. Triple champion du monde en titre de ski de vitesse, le Montpelliérain, installé depuis à Vars (Hautes-Alpes), où se trouve la piste la plus rapide du monde, est le skieur le plus rapide de l’histoire (255,5 km/h). Ensemble, les deux sportifs de l’extrême évoquent ce que cette obsession de la vitesse reflète de leur personnalité. Parfois au détriment de tout le reste.
À quel moment avez-vous envisagé de faire du compteur de vitesse votre ennemi à vie, plus que tout autre adversaire ?
Simon Billy : Mon père était recordman du monde à l’époque, et avait une carrière que j’ai suivie avec mon petit frère. Donc à 2 ans, on a commencé le ski, et le ski de vitesse à 6 ans. Je voulais faire comme lui, skier sur ses traces. Cette histoire de records du monde, de temps, ça me ronge le cerveau depuis que j’ai 6 ans.
François Pervis: C’est plutôt à l’adolescence. Évidemment, quand on veut battre les autres, même si c’est une course de peloton, il faut aller plus vite qu’eux. Même si ce n’est pas contre la montre, on développe déjà des qualités en vitesse. Intrinsèquement, on a vu très vite que j’étais plus un sprinteur qu’un grimpeur.
Pour battre un record, faut-il déjà croire qu’il est possible de l’améliorer ?
PF : Quand j’ai essayé de battre mes records du monde, j’y croyais vraiment. Par contre, je ne me suis pas fixé de limite de temps. Je me suis dit : « Je vais m’occuper de ma préparation, je vais tout faire sur place. Et à la fin, on regardera le résultat. »
SB : Pour nous, c’est individuel, c’est l’athlète, sa performance. En ce moment, il y a la Ligue des champions en football : pour nous, il n’y a pas d’arbitre extérieur qui va pouvoir interférer dans certaines choses. L’horloge ne ment pas. Si je n’étais pas bon, l’horloge ne serait pas bonne, ce n’est pas plus compliqué que ça.
Le matin du jour où j’ai battu mon record du monde, je me sentais tellement bien que je savais que j’allais le faire. On avait travaillé sur les aspects aérodynamiques, physiques, techniques.
Aujourd’hui, je sais que le potentiel naturel de la piste de Vars est de 260 km/h. Une journée de grâce avec des conditions météo parfaites : soleil, ciel bleu, pas de vent, une neige superbe, qui a baigné de soleil pendant 3-4 semaines et s’est réchauffée avec les bons cristaux. Si le skieur est prêt et se prépare correctement, la nature lui donnera les conditions. On ira encore plus vite, les records sont faits pour être battus.
Comment savez-vous s’il est possible d’améliorer ce record ?
SB : Il y a le feeling par rapport à ma performance, mais aussi un aspect aérodynamique et physique. L’objectif de la station de Vars, de mon père et de son équipe autour de lui qui organise les compétitions, c’est de battre des records du monde, mais de le faire « à la Bubka », comme il dit. L’objectif n’est pas de passer de 255 à 260 l’année prochaine.
Par exemple, cette année, nous avons eu une neige de qualité et nous savions que nous pouvions faire 256 en commençant 10 ou 15 mètres en dessous du sommet. Et c’était le but : nous ne voulions pas partir du sommet et brûler directement un 260. Parce que vous coupez toute communication que vous pouvez avoir autour de vous pour faire durer le plaisir.
Dans vos deux disciplines, l’évolution des temps de référence dépend-elle aussi beaucoup du progrès technologique ?
PF : Clairement. Le…
