« Ce n’est pas Vladimir Poutine, il ne va pas vous insulter »… quel protocole pour recevoir le président chinois ? – .

Jean-Maurice Ripert, ancien ambassadeur de France en Chine et en Russie, raconte La dépêche les coulisses du protocole de ces visites d’État extraordinaires.

Quel est le protocole en France pour recevoir un dirigeant chinois et quelles sont les règles à respecter ?

Le protocole réservé aux chefs d’État est assez strict. Nous organisons systématiquement un accueil solennel et un dîner d’État à l’Élysée. Le reste se fait selon les pays et les personnalités des dirigeants. Ces dernières années, il y a eu des périodes de séquences plus privées, où les couples présidentiels se rencontrent dans des lieux très personnels et dans un cadre plus restreint avec moins de presse. C’est une façon de donner le sentiment que les gens s’entendent bien.

Quels faux pas faut-il absolument éviter de commettre en accueillant un dirigeant chinois ? Y a-t-il des différences ou des particularités culturelles ?

Dans le cas de la Chine et des États-Unis, il y a quelque chose de spécial, c’est qu’ils imposent leur propre sécurité d’une manière nettement supérieure à celle des autres pays. Ils ont très peur pour leur chef d’Etat, les Chinois encore plus que les Américains. Il est impossible que quiconque s’approche du président et ils seront partout pour s’en assurer.

En 2019, Xi Jinping a séjourné à l’hôtel The Peninsula, entièrement privatisé. Personne n’était autorisé à entrer. C’est le genre d’excès qui caractérise les Chinois en matière de sécurité.

La France veillera à ne commettre aucun faux pas à cet égard. Pékin détesterait, par exemple, voir des manifestations dans les rues ou des gens agitant des drapeaux tibétains. Cela impose un exercice difficile aux autorités françaises, qui doivent à la fois respecter la liberté d’expression et de manifestation mais aussi éviter les affrontements et donc veiller à contenir les manifestations.

Concernant la personnalité de Xi Jinping, à quoi faut-il prêter attention ? A-t-il des demandes particulières ou des extravagances ?

C’est une personnalité assez compliquée. Il s’exprime rarement. Je dis toujours qu’il s’agit d’un vieux modèle d’apparatchik maoïste. Il a repris le pouvoir en Chine et a réprimé tous ses opposants. C’est une personne extrêmement dure et ferme dans ses positions. Il a cette pratique du dialogue, un peu comme Vladimir Poutine, il répète inlassablement ses arguments et refuse de répondre à ceux de ses vis-à-vis. C’est une manière de montrer qu’il ne changera pas d’avis, d’imposer verbalement un rapport de force.

Mais entre Macron et Xi Jinping, les choses restent polies. Entre deux présidents en général, sauf crise extrême, les relations sont toujours cordiales. Malgré les similitudes, Xi Jinping n’est pas non plus Vladimir Poutine. Il ne va pas vous insulter.

Concernant les repas, cherche-t-on davantage à satisfaire les convives ou leur réserve-t-on un dîner 100% français ? Xi Jinping a-t-il des demandes ou des habitudes particulières ?

Le repas est un moment très important. Nous essayons plutôt de plaire à la diplomatie chinoise. Mais la France tient également à mettre en valeur son patrimoine et ses traditions culinaires nationales. Si je me souviens bien, Xi Jinping n’est pas un gros mangeur, il n’en parle pas.

Pourquoi avoir choisi de passer par les Hautes-Pyrénées et le Tourmalet, loin de la capitale ?

Le programme est décidé d’un commun accord entre les deux pays. S’il se rend à La Mongie, c’est parce que des dizaines de Chinois sont venus inspecter minutieusement les lieux des mois à l’avance lors de visites préparatoires. C’est une organisation assez compliquée en termes protocolaires.

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Ces deux-là se voient assez souvent donc on cherche des lieux originaux. Et ce sont des choix qui permettent d’apporter une touche personnelle. Lors de la visite d’Emmanuel Macron en Chine, le dîner des couples a eu lieu à Canton, lieu symbolique où le père de Xi Jinping avait exercé ses fonctions. Là, La Mongie est symboliquement le lieu où le couple Macron allait au ski et où vivait la grand-mère du président à Bagnères-de-Bigorre.

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C’est beaucoup moins formel en termes de protocole. Ces dîners offrent également un cadre plus restreint où l’on peut discuter de sujets qui fâchent, comme les droits de l’homme par exemple, même si les dîners de couple sont plus adaptés pour parler de choses plus personnelles. La situation est assez tendue en ce moment. Il y a des choses que nous évitons de dire publiquement, que la Chine préfère ne pas mentionner du tout.