Gilbert Gréaux, 79 ans, a été reconnu coupable de trois viols et quatorze agressions sexuelles par la cour d’assises de l’Hérault, pour des faits commis entre 2013 et 2015 à Saint-Jean-de-Fos. Cet ancien homme d’affaires, qui se disait guérisseur des victimes, n’était pas convaincu de son innocence.
Des sourires et des larmes de soulagement. Jeudi soir, devant la cour d’assises de l’Hérault, les dix-sept victimes de Gilbert Gréaux, l’ancien millionnaire de l’immobilier reconverti en vigneron hypnotisant, magnétiseur et violeur, n’ont pas caché leur satisfaction d’avoir été écouté et surtout cru.
« Si vous reconnaissez ce qu’elles ont subi en tant que victimes, votre décision sera juste » ont insisté Sandrine Bonnici, Sophie Cousin et Syvlie Bar, leurs avocates.
Au terme de quatre jours d’intenses débats, la cour d’assises de l’Hérault a condamné le septuagénaire à 11 ans d’emprisonnement pour trois viols et quatorze agressions sexuelles sur ces femmes à qui il proposait des massages en marge de leur séjour dans ses chambres d’hôtes, à Domaine de Valloubière, à Saint-Jean-de-Fos, se réclamant guérisseur.
“Notre problème n’est pas de savoir si vous rechargez les chakras”
“Je demande pardon” balbutia l’accusé, aux cheveux blancs, fatigué par la maladie, dans un demi-aveu de faits qu’il ne cessa de contester, se réfugiant derrière son amnésie. Pour lui, il voulait juste faire le bien en harmonisant les chakras de ses invités qui dénonçaient la pénétration digitale et autres mains posées sur le pubis et les seins.
« Notre problème n’est pas de savoir si vous savez recharger les chakras, mais si dans ce contexte, vous avez commis des actes qui s’apparentent à un viol ou une agression sexuelle » Le président Didier Guissart l’a rappelé lors d’un ultime interrogatoire.
“Je suis très surpris par ce qui se passe, je n’ai jamais eu l’intention de faire du mal, je n’aurais jamais pu imaginer voir des gens souffrir ainsi” répondit Gilbert Gréaux, naïf où tout le monde louait son intelligence supérieure. Son explication selon laquelle les plaignants croyaient qu’il les touchait alors qu’il pratiquait le sans contact mais dégageait une forte chaleur de ses mains, n’a convaincu personne.
“Ses mains, je ne sais pas si elles sont en or, mais elles errent”
“Ses mains, je ne sais pas si elles sont en or, mais elles errent” grince la conseillère générale Corinne Béal. “On parle de viol, de pénétration, les victimes ont senti ses mains et ce n’est pas chaud.”
Le ministère public s’est efforcé de démanteler “le stratagème” de celui qui a fait fortune dans l’immobilier sur la Côte d’Azur, avant de passer 20 ans aux Antilles, notamment à Saint-Barth où ce pilote d’hélicoptère est devenu peintre, avant de s’enfuir en métropole.
C’était en 2004 et la cour d’appel de Guadeloupe venait de confirmer sa condamnation déjà pour agressions sexuelles sur cinq femmes, lors de séances de magnétisme dans lesquelles il s’était spécialisé en autodidacte.
“Il est impuissant”
“C’était une erreur d’avoir pratiqué seul” a-t-il admis. Gréaux rachète alors le domaine de Valloubière, fait du vin, construit des chambres d’hôtes et toutes les victimes racontent le même scénario : « des repas arrosés où tu dis que tu peux boire à volonté parce que c’est du vin bio, ça ne fait pas de mal » » a dénoncé l’avocat général.
Puis hypnose collective et massages personnalisés, destinés uniquement aux femmes : « Les messieurs sont réfractaires à la recherche des chakras » Josette, épouse fidèle depuis plus de 60 ans et soutien sans faille de l’accusé, a volé à son aide.
Elle a même rappelé au tribunal qu’un précédent cancer du côlon avait privé son mari de « tout désir est impuissant. »
Mais justement, pour l’accusation, il voulait satisfaire « ses pulsions sexuelles ». L’épisode de sa fuite vers la Floride en 2015, alors qu’il était inculpé, a ralenti le dossier jusqu’à son extradition fin 2023 : “Les victimes étaient prisonnières de leur douleur alors qu’il était au soleil” » a critiqué Corinne Béal, exigeant 13 ans de prison.
“Il est dans le déni, mais reconnaît la douleur des victimes”
La défense n’a pas pu décemment plaider pour l’acquittement du septuagénaire, cherchant plutôt, en finesse, les racines du mal. Surtout ce fils qui s’est suicidé sur la moto offerte, un traumatisme dont Gréaux ne s’est jamais remis.
“Il a sombré dans la vieillesse, mais il a trouvé les mots : même s’il n’arrive pas à verbaliser les faits, s’il est dans le déni après avoir fui toutes les épreuves subies dans sa vie, il reconnaît la douleur des parties civiles, c’est plus puissant” dit M. Abratkiewicz.
“Ce n’est pas un prédateur froid et organisé, il faut nuancer les phrases et rappeler son immaturité émotionnelle, qui a été l’homme d’une seule femme dans sa vie et a exploré autre chose avec le magnétisme” a ajouté Me Iris Christol, la défense obtenant une peine « plus juste ».