« La culture et les arts en France sont un phare »

« La culture et les arts en France sont un phare »
« La culture et les arts en France sont un phare »

A la tête depuis 2023 de l’un des plus grands festivals de théâtre au monde et à quelques jours de l’ouverture (du 29 juin au 21 juillet), Tiago Rodrigues présente un Festival d’Avignon riche en termes de pluralité esthétique et artistique.

Un programme pour ce 78e édition dans laquelle l’auteur et réalisateur portugais propose « Hécube, pas Hécube », une tragédie avec Denis Podalydès et Elsa Lepoivre dans le rôle principal. Une toute nouvelle création, à la demande de la Comédie-Française pour son grand retour sur la scène du Festival d’Avignon, jouée dans la Carrière de Boulbon.

« Un dissensus riche et heureux »

Même si ce grand événement théâtral invite à la célébration, ce 78e L’édition débutera dans le tumulte et la cacophonie des élections législatives anticipées. Malgré ce contexte » atypique des dates avancées, notamment en raison des Jeux Olympiques de Paris 2024 et de la concomitance d’élections législatives, faites confiance à Tiago Rodrigues, nous voulons célébrer le festival. Même en ces temps où l’on peut ressentir des inquiétudes, des incertitudes. Je pense que, plus que jamais, cette fête citoyenne et artistique est une belle rencontre entre artistes et public pour partager et garder espoir ».

Si les tragédies et autres comédies jouées à Avignon ou sur les scènes des 30 communes vauclusiennes, pour le directeur du festival les spectacles sont des expériences collectives qui rassemblent et ouvrent des dialogues avec » des débats pour ne pas se battre et cela depuis le théâtre, pour pouvoir parler de la situation du monde et de la France avec cordialité, courtoisie et respect d’autrui ». « C’est toujours comme ça au Festival d’Avignon, on aime ce côté démocratique, dialoguer et s’enthousiasmer, être face à l’art et discuter de notre façon de voir le monde. C’est un dissensus riche et heureux que je souhaite au public et aux artistes.

« Le Festival est porteur de valeurs démocratiques »

Dans un contexte géopolitique et politique français tendu, où le résultat des élections soulève de nombreuses questions quant à l’orientation de la nouvelle gouvernance, notamment en matière culturelle, les inquiétudes sont perceptibles. Naturellement, l’homme de théâtre encourage le public et les artistes » participer civiquement aux élections.

« Après 80 ans d’existence, le Le Festival d’Avignon porte des valeurs qui sont des valeurs démocratiques, républicaines. Il a son histoire etil ne serait pas à la hauteur de son histoire si nous ne le disions pas participer au vote civique en soutenant le champ démocratique. » Tiago Rodrigues

En cas de changement politique en France vers l’extrême droite ce serait « un affaiblissement, sinon cela mettrait en danger l’existence du Festival. Nous comprenons bien, par exemple, que sur ce territoire cela comporterait également des risques économiques. Un Festival d’Avignon plus faible aurait, selon moi, un impact économique bien moins important ».

Chaque année, le Cours d’Honneur du Palais des Papes devient l’une des scènes théâtrales de l’un des plus grands festivals au monde. (© Christophe Raynaud de Lage)

“L’immense pouvoir de l’art”

Lorsqu’on lui demande quel est le rôle du théâtre dans notre société perpétuellement turbulente, Tiago Rodrigues souligne : « Je dirais que, parfois, il faut se demander quel rôle la société veut pour le théâtre ? Voulons-nous, en tant que société démocratique, bénéficier de son existence ? Je pense qu’il n’est pas nécessaire de trouver une fonction sociale pour que le théâtre existe ou soit légitime ».

Pour ceux pour qui le théâtre fait partie de l’expérience humaine comme la musique, c’est le devoir de la société de s’organiser et la raison essentielle d’un service public pour permettre aux populations les plus diverses, notamment les plus fragiles, les plus précaires, les plus vulnérables… , pour bénéficier de l’immense pouvoir de l’art qui peut transformer l’existence de chacun. Et ” sans service public, cela n’est pas possible. « .

« Une fois de plus je le répète, je le chante, je ne fais qu’interpréter une partition écrite bien avant mon arrivée, de Jean Vilar à nos jours : défendre le théâtre en tant que service public est essentiel. Aujourd’hui, peut-être, plus que jamais. » Tiago Rodríguez

80% des œuvres sont des premières mondiales

Cette année, 35 spectacles sont au programme, contre 44 l’an dernier, et deux expositions. Une décision prise dans le but de mieux accompagner les compagnies, en augmentant le nombre de représentations et en doublant presque le nombre de places pour chacune d’entre elles. Soit une moyenne de 3 000 sièges cette année contre 1 800 en 2023.

Même si, aujourd’hui encore, la capacité financière à produire des spectacles est fragile, il n’en demeure pas moins que 80% des œuvres sont des créations, dont plus de la moitié en premières mondiales. « Nous ne sommes pas un festival qui distribue partout des spectacles déjà à succès. Nous les inventons avec les artistes et nous sommes présents lorsqu’ils ont le plus besoin d’accompagnement, lorsqu’ils ont une idée, mais pas encore les moyens de la concrétiser. Le « jamais vu » est très présent dans cette édition, c’est la découverte, du nouveau ! ».

Un rayonnement international majeur

Même s’il est difficile de mesurer la dimension économique de l’écosystème culturel du Festival d’Avignon, son rayonnement reste majeur. Les représentations peuvent durer cinq ans ou plus, partout en France et dans le monde, et nourrir tout un collectif de professionnels : des comédiens aux salles de spectacle. ” J’en suis l’exemple parfait. J’étais un artiste portugais venu au Festival d’Avignon. J’ai créé pour la première fois, avec le Théâtre National de Lisbonne que je dirigeais à l’époque, une pièce qui a eu un retentissement retentissant sur la scène portugaise et sur le Théâtre National. Mais nous ne pouvons pas le quantifier. Le fait d’avoir bénéficié d’une première à Avignon a changé la donne pour ce théâtre. Je ne suis pas français, mais je peux vous dire à quel point la création et la culture, au cœur de la citoyenneté démocratique depuis des décennies en France, ont changé ma vie.

« On oublie parfois à quel point la France est importante pour le Festival d’Avignon, que la culture et les arts en France sont un phare pour les autres pays. ».

Le Festival d’Avignon, employeur majeur du territoire, compte 750 salariés à l’année, dont plus de 80 %, soit 600, sont majoritairement originaires du Vaucluse ou de communes limitrophes (Gard et Bouches-du-Rhône). Même si le festival est international et investit dans quelques entreprises étrangères, plus de la moitié des dépenses profitent au territoire en termes d’hébergement, de restauration, de transport, etc.

Des études révèlent que le Festival d’Avignon génère 50 millions d’euros de retombées économiques directes à chaque édition, sur la ville et toutes les communes du Vaucluse.

Souhaitons une longue vie au Festival d’Avignon et une riche expérience de découverte aux festivaliers qui, nous l’espérons, seront nombreux pour célébrer cette édition 2024.

Comment est né « Hécube, pas Hécube » de Tiago Rodrigues

In ”Hécube, pas Hécube”, created by Tiago Rodrigues for the Comédie-Française, Elsa Lepoivre in the main role is accompanied by Denis Podalydès. (© Christophe Raynaud de Lage)

Cela nous connecte aux personnes vulnérables. Tout a commencé lorsque je travaillais à Genève, en Suisse. Je répétais une pièce de théâtre avant de venir au Festival d’Avignon. J’ai lu dans les journaux un scandale, l’affaire Mancy. La maltraitance d’enfants atteints d’autisme profond dans une institution publique. J’ai été très choqué. Et j’ai réalisé que la mère d’un de ces enfants était une actrice avec qui j’avais travaillé. J’ai été bouleversé d’observer cette femme qui a souffert dans la vie et qui a joué dans ma pièce où il était aussi question de souffrance, de représentation de la souffrance.

Inspiré ou poussé, peut-être, par ce constat, je me suis dit que j’aimerais raconter l’histoire de cette femme. Peut-être que cela pourrait l’aider à faire face à sa tragédie. Et j’ai pensé à Hécube. Cette héroïne tragique est pour moi le portrait le plus fort pour décrire le super pouvoir d’une mère en colère. On sait qu’il y a quelque chose de profondément humain, mais aussi animal, lorsqu’une mère veut protéger son enfant. Entre cette femme qui fait l’objet d’une enquête judiciaire et le personnage d’Hécuba, ces deux mondes vont se mélanger.

C’est la proposition que j’ai faite à la Comédie-Française qui m’a invité à créer une pièce pour laquelle j’ai demandé à Elsa Lepoivre de jouer le rôle principal. Elle est accompagnée de Denis Podalydès, Gaël Kamilindi, Séphora Pondi, Éric Génovèse, Élissa Alloula et de l’Avignonnais Loïc Corbery.

« Hécube, pas Hécube » à la Carrière de Boulbon, à partir de 22h, du 30 juin au 16 juillet.

“La symbolique ou la poésie d’une œuvre nous incite à faire des choses”

« Je suis l’enfant d’un médecin. Je suis bien conscient des limites de ce que je peux faire avec le théâtre, mais Je crois aux soins et à la poursuite de la justice. Parfois, la symbolique ou la poésie d’une œuvre nous incite à faire des choses. Je ne peux pas prodiguer des soins directs, mais j’ai vu, et c’est pour moi bien plus qu’une bonne critique ou un succès public, des gens venir me dire qu’ils s’étaient lancés ou avaient décidé de se lancer dans l’humanitaire ou s’étaient sentis revalorisés après avoir vu un de mes des morceaux… ça me touche.

Ce sont de petits changements chez les gens qui, pour moi, sont importants car ils ne concernent pas l’impact social mais humain. Je ne sais pas quand le public ressent l’émotion, mais je recherche toujours cela. Si je peux le faire en défendant ceux qui en ont besoin, je me reconnais dans ces propositions. » Tiago Rodrigues

 
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