Léa Saint-Raymond est commissaire de l’exposition Connecter les mondes au Musée des Beaux-Arts de Lyon, qui se déroule du 21 juin au 1er septembre. Elle était sur le plateau de l’émission « 6 Minutes Chrono » sur Lyon Capitale pour présenter l’exposition.
Pour Léa Saint-Raymond, l’idée est «pour voir les influences. Les œuvres n’ont jamais été fermées au local mais ont toujours été nourries par les échanges, que ce soit à travers la circulation des artistes mais aussi la circulation des objets et nous en avons un très bel exemple avec deux broderies qui étaient réalisées par des artisans à Macao au début de le 17ème siècle et ces broderies ont été commandées, commandées pour le gouverneur portugais de Macao et donc on voit vraiment des influences littéralement tissées ensemble dans cette broderie et c’est vertigineux.“
Plus de détails dans la vidéo…
Lire aussi : La Ville de Lyon rend hommage à Denis Trouxe, ancien adjoint à la culture
Lire aussi : Soupe jetée au Musée des Beaux-Arts de Lyon : quelles réactions politiques ?
La transcription complète de l’émission :
Bonjour à tous, bienvenue dans l’émission 6 minutes chrono, le rendez-vous quotidien de la rédaction de Lyon Capitale, aujourd’hui nous allons parler culture, nous allons découvrir la dernière exposition du Musée des Beaux-Arts au Palais Saint-Pierre de Lyon à côté des Terreaux, elle s’appelle Connecter les mondeselle se déroule du 21 juin au 1er septembre et pour en parler nous accueillons Léa Saint-Raymond qui est commissaire de l’exposition, bonjour Léa Saint-Raymond.
Merci d’être venu sur notre plateau, nous allons entrer dans le vif du sujet, pouvez-vous d’abord nous donner un aperçu général de cette exposition, que peut-on y voir ?
Nous pourrons y voir une sélection d’œuvres du Musée des Beaux-Arts et du Musée d’Art Contemporain de Lyon et nous le verrons sous l’angle de «autre part“, “ailleurs ici « Comme je le dis, il faut voir ces collections dans une perspective globale.
Quels médias peut-on avoir au Musée ?
Il y a toutes sortes d’oeuvres, donc de la sculpture, de la peinture, de la céramique, c’est très large et j’espère que ça vous plaira.
J’espère que ça plaira à beaucoup de Lyonnais, en tout cas c’est tout au long de l’été, peux-tu nous donner le fil conducteur qui t’a permis d’assurer une cohérence également dans l’exposition, on t’explique un peu les coulisses, comment ça a été pensé ?
Nous avons essayé de sélectionner des œuvres qui donnaient à voir, comme je l’ai dit, «ailleurs ici», donc des œuvres aussi ouvertes aux circulations internationales d’artistes, de motifs, donc aussi des œuvres qui interrogent le rapport à autrui.
Quand tu dis “ailleurs ici“, tu peux développer un peu pour nous expliquer, je pense que tout le monde ne comprend pas cette expression au premier coup d’oeil en tout cas ?
C’est voir les influences. Les œuvres en effet n’ont jamais été fermées aux locaux mais ont toujours été nourries d’échanges, que ce soit à travers la circulation des artistes mais aussi la circulation des objets et nous en avons un très bel exemple avec deux broderies qui ont été réalisées par des artisans de Macao au début du 17ème siècle et ces broderies ont été commandées, sponsorisées pour le gouverneur portugais de Macao et donc on voit vraiment des influences littéralement tissées ensemble dans cette broderie et c’est vertigineux.
Donc des influences portugaises et asiatiques à la fois, n’est-ce pas ?
C’est un Lyonnais vous vous en doutez, Bernard Salomon, un graveur qui a fait le dessin mais ce sont les artisans chinois qui ont fait le motif et notamment qui ont un peu comblé les creux, notamment on voit des nuages faits un peu à la main. Inspiration chinoise mais aussi vagues, et bien c’est étonnant, il faut les voir.
Il faut voir cette exposition, c’est très intéressant. Pouvez-vous nous raconter comment se sont déroulés les travaux ? Combien de temps a-t-il fallu pour se préparer par exemple ? Comment prépare-t-on une telle exposition, en coulisses ?
Donc c’est Sylvie Ramon qui est la directrice du Pôle, donc du Musée des Beaux-Arts et du Musée d’Art Contemporain, qui m’a sollicité en juillet dernier et puis on a travaillé avec les équipes, donc individuellement on a pris rendez-vous avec chacun et chacune des conservatrices et puis on a travaillé aussi avec Salima Hellal qui est conservatrice des objets d’art au Musée des Beaux-Arts, c’est elle qui a été responsable de cette parenthèse, je veux dire, de cette section dans la section sur la broderie de Macao. Donc c’est vraiment un travail, je tiens à le souligner, un travail d’équipe et aussi avec toutes les équipes en coulisses, notamment je pense à Elodie Roy qui a fait aussi toutes les bases de données, je pense aussi à la direction et j’ai rencontré une famille, une deuxième famille de Lyon.
Alors, vous voyez le fruit de ce travail collectif. Vous avez dit que les fonds venaient exclusivement de Lyon ? Les œuvres viennent-elles toutes de Lyon ?
C’est l’exercice que nous avons fait, en réalité, de sélectionner les œuvres des deux musées et la section sur les broderies de Macao s’est enrichie de prêts extérieurs, notamment un prêt exceptionnel du Métropolitain de Muséum, mais aussi d’autres objets de New York, qui replacez ces broderies dans leur contexte, mais l’essentiel, ce sont vraiment les deux musées.
Avez-vous également un coup de cœur personnel parmi ces œuvres à nous présenter ? Ici, le coup de coeur du commissaire, c’est toujours un exercice difficile, mais y en a-t-il un qui vous a le plus marqué ou que vous souhaitez mettre particulièrement en avant ?
C’est une oeuvre qui est justement sur l’affiche et c’est un masque de femme égyptienne et c’est, tu verras, elle a une coiffure, une perruque qui est à la mode, la mode romaine, mais c’est une femme égyptienne et son regard est tellement perçant , il faut la voir en vrai et ça continue de me hanter jour et nuit, ce très beau regard.
Alors, on verra. Et puis, les familles, est-ce que c’est pensé pour les plus jeunes ? Est-ce qu’il faut un niveau minimum d’initiation ou d’expérience dans les musées ? Ou est-ce qu’on peut venir avec nos enfants, nos ados, est-ce possible ? Est-ce que c’est pensé pour ça ?
C’était vraiment réfléchi. Véronique Moreno-Lourtau a fait un travail magnifique sur les cartels des enfants et notamment dans la sélection, j’avais retenu quatre œuvres, et vous verrez, de Jan Brueghel où on voit les quatre éléments et on voit, justement, on peut inviter les enfants ou les adolescents à chercher des produits exotiques dans ses œuvres, dont une dinde, un toucan et d’autres animaux, des espèces animales végétales. C’est comme un « Où est Charlie ? », mais ancien.
Bon, voilà, tous les âges peuvent s’y identifier, j’ai ensuite une dernière question sur le fond, peut-être davantage. Vous avez travaillé sur les échanges culturels, parfois les appropriations, les assimilations, pourquoi est-ce important de mettre en valeur ces dialogues, ces liens, ces ponts entre des cultures encore très lointaines, on parlait du Portugal et de l’Asie, c’est quand même assez incroyable, pourquoi est-ce important pour toi de faire ça ?
Il est important de faire un travail d’historien pour relativiser aussi ces échanges avec plus ou moins de violence, plus ou moins d’asymétrie, c’est important aujourd’hui dans les débats actuels et surtout la mondialisation n’aboutit pas à une standardisation. Je veux dire, et c’est ce qui est magnifique aussi, c’est que ce n’est pas parce qu’on échange qu’on perd notre unicité, au contraire, les échanges se nourrissent d’une unicité plurielle et c’est aussi ce qui fait la créativité infinie de l’esprit humain.
