A Beauvoisin, retour sur la figure historique de « Vovo » qui réussit l’exploit, en 1982, d’ancrer la tradition camarguaise sur l’Île de Beauté.
Au cœur de la Petite Camargue, le village de Beauvoisin reste le berceau de grandes figures de la bouvine. Manadiers, raseteurs, bergers, écrivains taurins et peintres occupent ici une place privilégiée. Robert Terrasse, né en 1938 et décédé en 1984, fait partie de ces figures.
Robert Terrasse était plus connu sous le surnom de « Vovo », car il était un grand admirateur de ce cocardier légendaire dont il avait inscrit le nom en majuscules sur le van de ses parents. Il fait ses armes comme berger aux côtés de Blatière, Tourreau et Barbut, qui lui transmettent les valeurs et les principes de ce métier exigeant. Il fut le bayle du troupeau Emile Bilhau pendant 22 ans. En 1979, il acquiert la manade Erbé avec son épouse Églantine.
Apprécié aussi bien des professionnels bouvins que des aficionados, Robert Terrasse est reconnu pour son savoir-faire et son dévouement, ce qui lui vaut le titre honorifique de « Roi des Abrivados ».
G. GUIZOL
Calvi en Camargue !
L’un des moments les plus marquants de sa vie de manadier remonte à cette période du mois d’août 1982, du 20 au 24 précisément, où il exporte la féria camarguaise… en Haute Corse ! Accompagné d’un groupe d’amis, douze bergers passionnés, ainsi qu’une vingtaine de taureaux et chevaux, équipés bien sûr d’arènes portatives, Robert Terrasse s’est rendu à Calvi, à l’invitation du comité local des fêtes.
« La Feria de Calvi, une première réussie »titre Matin Corsequi détaillait : « Un énorme succès populaire, une foule impressionnante s’est rassemblée pour assister ou participer à la feria. Pendant cinq jours, les Calvais ont vécu au temps du taureau et de la vache camarguaise, avec les bêtes sauvages et les bergers de la manade de la Terrasse. “
G. GUIZOL
« Un souvenir extraordinaire »
Alain Blanc, le neveu de Vovo, a participé à cette folle aventure. « Nous avons passé une petite semaine en Corse, il dit. Les animaux étaient parqués à l’extérieur de Calvi, dans une ferme abandonnée. Chaque matin, nous défilions à cheval avec Phoebus, un taureau apprivoisé. C’était une attraction impressionnante pour les locaux car il était bien « embané », avec ses cornes grandes et puissantes. Avec les bergers, nous le promenions le long de l’avenue principale de Calvi et à chaque bar et même dans les salons de thé, l’arrêt était obligatoire, se souvient Alain Blanc. Et pas question de refuser le verre convivial que le serveur nous apportait sur un plateau ! Un souvenir extraordinaire.
Abrivado, jeux taurins dans les arènes, nage des taureaux, démonstration de rasets sur taureaux par un jeune torero, spectacles commentés avec vivacité par Yves Gineste, artiste très populaire en Camargue, ont suscité un véritable engouement auprès de la population.
Le Vauverdois Jean-Pierre Sabiani faisait partie de l’expédition. “J’avais 15 ans et j’étais le plus jeune gardien du groupe, il se souvient. Je me souviens de l’engouement des Corses pour les jeux taurins, notamment une corrida entre les pompiers et la protection civile ! Il y avait une telle foule sur la piste de l’arène que la vache hésitait à sortir. C’était incroyable!”
G. GUIZOL
La médaille de Calvi à « Vovo »
Rares sont aujourd’hui ceux qui gardent ces souvenirs mais ils se souviennent de l’hospitalité et de la générosité de la population, enchantée par les performances des bergers et des taureaux.
En signe de satisfaction, Xavier Colonna, alors maire de Calvi, réputé pour son austérité, remet à Robert Terrasse la médaille de la ville. Une distinction rare que possédait seul Valéry Giscard d’Estaing, dit la légende.
Une facette unique de la culture camarguaise s’est révélée en Corse, conquérant un public enthousiaste dès sa première édition. L’édile demande même au manadier d’organiser une rentrée pour 1983, accompagnée d’une pena.
Mais Robert Terrasse verrait sa santé se dégrader. Il devait mourir le 1er février 1984. Mettant un terme à la folle aventure de la Feria de Calvi.
