Emprisonné pendant la guerre dans le Lot, André Malraux à la recherche de Dieu

Emprisonné pendant la guerre dans le Lot, André Malraux à la recherche de Dieu
Emprisonné pendant la guerre dans le Lot, André Malraux à la recherche de Dieu

Par

Marie-Cécile Itier

Publié le 12 mai 2024 à 7h00

Voir mon actualité
Suivre le lot d’actualités

André Malraux a marqué le département de Lot lors de sa brève visite au cours de Deuxième Guerre mondialeen mission dans le maquis du secteur. C’est fait prisonnier par les Allemands Gramat en 1944. Une période sombre durant laquelle les gens commencent à relire l’Évangile…

Dans son dernier ouvrage « Malraux avant le Christ » paru en janvier 2024, l’universitaire François de Saint-Chéron relit la vie et l’œuvre de cet agnostique. fasciné par le mystère évangélique. «J’ai perdu la foi après la confirmation», écrit Malraux. Devenu agnostique à l’âge de 16 ans, il ne se contente pas de regarder de loin le catholicisme dont il a hérité, « il l’a dépassé » confirme son biographe.

André Malraux très souvent confronté à la mort

Toute sa vie, André Malraux a été animé par une profonde quête de sens. Il avait presque trente ans lorsque son père se suicida. Et répétait souvent les paroles qu’il avait prononcées avant lui, avant de se suicider : « Et qui sait ce que nous trouverons au-delà ? « .

Malraux, qui vient de publier « La Condition Humaine », rencontre Josette Clotis, une jeune romancière de dix ans sa cadette, à l’âge de 32 ans. Dans l’euphorie de son prix Goncourt de 1933, ce fut le coup de foudre. Sa liaison devient vite une passion. La charmante femme de lettres se montre tenace face à Clara, que Malraux épouse en 1921. Les amoureux voyagent, s’écrivent, s’aiment et ont un fils. La guerre ne désarme pas ceux qui veulent tout Malraux et lui tout entier.

Son engagement dans la Résistance fait de lui un épistolaire attentif et protecteur, toujours tendre envers Josette. En décembre 1942, ils s’installent à Saint Chamant, en Corrèze. Josette donne à André un deuxième fils qui naît en mars 1943. Début novembre 1944, alors que Malraux fait la guerre en Alsace, Josette va accompagner sa mère à la gare. Elle glisse de la marche et se fait déchiqueter les jambes par le train. Elle est décédée quelques jours plus tard à l’hôpital de Tulle. A 34 ans. Le 11 novembre, Malraux reçoit la nouvelle : « Ce fut un éclair » dit-il. « Ce fut un grand amour, souligne son biographe, ce fut une terrible épreuve pour Malraux. »

Début 1944, ses deux demi-frères Roland et Claude entrent tous deux dans la Résistance. Roland, arrêté en mars 1944 à Brive, est déporté dans un camp de concentration allemand. Le 3 mai 1945, cinq jours avant la capitulation de l’Allemagne, il fut tué au large de Lübeck. Un mois plus tard, Claude, arrêté, est exécuté en captivité à l’âge de 24 ans.

En mai 1961, ses deux fils, Gauthier et Vincent Malraux, âgés de 20 et 18 ans, décèdent tous deux dans un accident de la route en Côte d’Or. “Presque tous ceux que j’ai aimés ont été tués dans des accidents”, a-t-il écrit. A chaque fois, Malraux se retire dans le silence et la solitude.

Vidéos : actuellement sur -

Prisonnier des Allemands à Gramat

En 1944, Malraux, dit « Colonel Berger », prend la relève dans la Résistance de ses deux demi-frères arrêtés par les Allemands. Il atteint la vallée de la Dordogne pour missionner les départements du Lot, de la Corrèze, de la Dordogne et du Tarn.

Le 22 juillet 1944, revenant d’une inspection du maquis du Tarn, Malraux et ses camarades croisent une colonne blindée ennemie à l’entrée de Gramat (sur la route de Reilhac) : un mort (Marc Loubiéres) et deux blessés qui parviennent à pour échapper à.

Malraux est fait prisonnier. Enfermé une nuit dans une chambre de l’Hôtel de Bordeaux à Gramat, il comprend qu’on veut qu’il s’évade pour le tuer. La mort s’approche toujours de lui.

Durant cette période sombre, était-il plus tiraillé intérieurement ? « Comme votre action, Malraux, sans foi, a dû être éprouvante pendant la Résistance ! » dit un jour le général de Gaulle à son écrivain ministériel, évoquant les tourments qui l’assaillirent dans des moments décisifs comme celui-ci. Après « une nuit sanglante, mes blessures ayant saigné », le propriétaire de l’hôtel, M.moi Doderey lui apporte « un bol de café fumant avec du lait et deux grosses tranches de pain blanc beurré. « C’est pour l’officier français blessé », dit-elle avec quelque chose d’imperceptiblement solennel, et elle s’en va au bruit des bottes s’écartant devant sa robe noire comme pour aller à la messe », décrit Malraux dans « Les Anti-Mémoires ».

Puis, conduit à la prison Saint-Michel de Toulouse, il sera libéré le 19 août, comme la ville entière.

Le catholicisme comme héritage

« Il y a des choses dans cette vie et dans cette œuvre qui démontrent clairement un profond intérêt et une fascination pour le christianisme. »

Saint Jean l’Évangéliste fut pour lui un auteur très important. Lorsqu’en 1944, arrêté par les Allemands, il crut qu’il allait être tué, il demanda à relire l’Évangile de saint Jean. « Saint Jean était pour lui quelqu’un de très important qui avait donné sa couleur essentielle au christianisme. »

L’homme de culture était également fasciné par les grandes figures chrétiennes comme Bernard de Clairvaux. Et il avait beaucoup d’admiration pour François d’Assise. Son biographe décrit même « une affinité, une sorte d’affection » en sa faveur. Il a dit qu’« il était un génie de la charité ».

Sans oublier ses relations avec de grandes figures catholiques comme François Mauriac, Georges Bernanos ou la dominicaine Marie-Alain Couturier.

Comment comprendre son attirance pour le christianisme ?

En 1973, face à son ami le père Pierre Bockel, Malraux demandait : « Peut-il y avoir communion sans transcendance et sinon, sur quoi l’homme peut-il fonder ses valeurs suprêmes ? » Il n’a pas répondu à cette question, mais l’avoir posée montre quelle soif d’excellence l’habitait. « C’est pourquoi, en pensant aussi aux pages ferventes qu’il a écrites sur saint Jean, on peut dire que par sa vie et son œuvre, Malraux aura été plus proche du christianisme que ceux qui ne pensent plus à Dieu dès leur sortie de l’Église. Dimanche matin.

Ne fais pas d’erreur. André Malraux était un agnostique déclaré. Sans toutefois le christianiser à force, François de Saint-Chéron, qui a étroitement collaboré avec l’écrivain, montre que tout son parcours de vie a été marqué par une quête ardente, sinon de Dieu, du moins d’une forme de transcendance.

Formé par le christianisme, sans rejeter son héritage catholique, il se passionne pour la religion et le Christ.

Proximité singulière entre Dieu et Malraux

« Pourquoi parlez-vous comme si vous aviez la foi, alors que vous ne l’avez pas ? « . Une question abrupte que pose le Général au soir de leur vie, à son ancien compagnon. C’est ce que, dans « Les chênes qu’on massacre », Malraux met dans la bouche de Charles de Gaulle (qu’il a rencontré à Colombey-les-Deux-Eglises en 1969), cette question piquante.

A cette question, Malraux répondait en même temps à François Mauriac : « Peut-être suis-je essentiellement un esprit religieux sans foi ? « .

Jusqu’à la fin de sa vie, l’auteur de « La Condition humaine » et de « L’Espoir » a témoigné du mystère évangélique avec une singulière proximité.

André DECUP

Suivez toute l’actualité de vos villes et médias préférés en vous abonnant à Mon -.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV A Carhaix, le cercle celtique d’Ahès est prêt pour le deuxième tour du championnat national breton de danse
NEXT Les prix des spiritueux à la SAQ sont trop bas pour les goûts de l’Ontario