Les prix des spiritueux à la SAQ sont trop bas pour les goûts de l’Ontario

Les prix des spiritueux à la SAQ sont trop bas pour les goûts de l’Ontario
Les prix des spiritueux à la SAQ sont trop bas pour les goûts de l’Ontario

Il y a toujours quelqu’un pour se plaindre du prix élevé de l’alcool à la SAQ. C’est assez ironique quand on regarde la bataille qui a éclaté en Ontario parce que le prix des spiritueux est plus bas au Québec.


Publié à 1h35

Mis à jour à 5h00

Trop bas, apparemment, au goût de la Régie des alcools de l’Ontario (LCBO), déclenchant un conflit commercial avec les fabricants de spiritueux populaires comme la vodka Absolut, le Jack Daniel’s, le Grand Marnier et la tequila Don Julio.

Quelques exemples : à la LCBO, Aperol est vendu 31,95 $, comparativement à 25,25 $ à la SAQ. En Ontario, la bouteille de vodka standard de 750 ml la moins chère est vendue 31,15 $, tandis que les consommateurs québécois paient 22,25 $.

Les sommes en jeu sont tellement élevées – on parle de plus de 100 millions de dollars – que le retrait de certaines marques bien connues des tablettes de la SAQ est envisagé, comme je l’expliquerai plus tard.

Pour comprendre ce qui se passe, il faut savoir que la LCBO exige de ses fournisseurs qu’ils lui vendent leurs bouteilles au meilleur prix au pays. Autrement dit, la LCBO n’accepte pas de payer plus cher son whisky et son gin que la SAQ ou tout autre organisme public d’achat d’alcool. La LCBO, qui est le plus gros acheteur de boissons alcoolisées au Canada, jure que ce type de clause contractuelle est une « pratique courante » chez les détaillants au pouvoir d’achat immense.

La LCBO a découvert, d’une manière ou d’une autre, qu’elle avait peut-être été trompée. En mars, elle a publié un curieux communiqué de presse qui ressemblait plus à un avertissement qu’à un message d’intérêt public : « Nous avons des raisons de croire qu’un petit nombre de fournisseurs ne respectent pas cette exigence. »

LE Étoile de Toronto a ensuite révélé que les fabricants de spiritueux avaient déjà reçu des « amendes » de la LCBO allant de quelques milliers de dollars à un million de dollars. L’association Spiritueux Canada n’a pas souhaité entrer dans les détails ni critiquer le monopole de l’État.

Deux mois plus tard, les choses ont changé. La guerre se déroule devant le public. Les fabricants de spiritueux ont publié un communiqué le 17 mai pour dénoncer les méthodes de leur plus gros client. Un premier.

Spiritueux Canada estime que ses membres et d’autres distilleries se sont vu imposer des « pénalités » de plus de 100 millions de dollars par la LCBO au cours de la dernière année.

Le monopole ontarien ne l’a pas nié. Mais il insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas d’une taxe ou d’amendes rétroactives, ni d’une ponction fiscale ou de pénalités, termes utilisés par Spiritueux Canada. Il s’agirait plutôt d’une « rétrofacturation ». Bref, la LCBO réduit les paiements qu’elle verse à ses fournisseurs pour se rembourser.

Les PME craignent pour leur survie si elles continuent à payer la facture. Les géants cherchent une issue.

« Une solution potentielle serait de cesser de vendre au Québec. Étant donné que le marché ontarien est deux fois plus grand, cela est logique », m’a dit Lorena Patterson, vice-présidente principale, affaires publiques et politiques chez Spiritueux Canada.

En évitant la SAQ, on évite les comparaisons de prix. Les hausses de prix pourraient également être répercutées sur la SAQ. Ce serait aussi le but ultime de la LCBO, selon Spirits Canada, puisque les différences de prix incitent les Ontariens à magasiner au Québec. Bref, le litige en Ontario pourrait avoir des conséquences bien malheureuses au Québec.

Les petites distilleries ont accepté de révéler le prix de gros payé par la SAQ, selon Spiritueux Canada. Dans leur cas, la rétrofacturation équivaut au montant « payé en trop par la LCBO » en 2023, sur chaque bouteille. Les entreprises qui refusaient de fournir cette information se voyaient facturer un montant équivalent à la différence entre le prix de détail à la SAQ et à la LCBO… sans aucun égard au prix de gros à l’origine du litige. Curieux calcul néanmoins.

Si cette histoire s’était déroulée à huis clos, elle serait comme bien d’autres. Loblaw, Sobeys (IGA), Metro et Walmart ont tous déjà réduit unilatéralement les montants versés à leurs fournisseurs pour diverses raisons comme une acquisition ou un programme de marketing. Personne ne se plaint jamais publiquement par crainte de représailles. Cette fois, nous assistons à une contre-attaque.

De plus, dans ce cas-ci, la LCBO est un monopole. Les fournisseurs insatisfaits n’ont pas d’alternative, ce qui accroît leur irritation. Côté restauration, les options sont plus nombreuses, mais encore très limitées. Retirer vos produits de Loblaw signifie potentiellement perdre un tiers de vos ventes canadiennes.

Spiritueux Canada estime que la LCBO puise dans les poches de ses fournisseurs pour augmenter ses bénéfices, qui ont chuté de 3,4 % l’an dernier. L’association est dévastée au point de réclamer l’intervention du gouvernement.

La LCBO affirme plutôt qu’elle applique ses contrats par souci d’équité, puisque 90 % de ses fournisseurs respectent ses politiques, et pour le bien de ses clients. « Il serait injuste de permettre à quelques fournisseurs d’exploiter les consommateurs ontariens. » Avec de telles accusations, un règlement ne semble pas imminent.

La grande question est maintenant de savoir si cette campagne fera baisser le prix des spiritueux en Ontario ou s’il restera avantageux pour les Ontariens de s’approvisionner à la SAQ. Il serait inapproprié qu’une entreprise publique exerce une telle pression financière sur ses fournisseurs sans en faire bénéficier ses clients après avoir parlé d’exploitation.

 
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