le cas d’école du lac Mondély

Couvrir une partie de ce plan d’eau de panneaux photovoltaïques pour vendre de l’électricité et remplir les caisses du Syndicat des Irrigateurs, principalement des agriculteurs pour qui ce lac est un outil de travail. Les habitants, les élus, le parc naturel et le département ne le voient pas de cet oeil : le lac artificiel a pris toute sa place dans la nature environnante, au service des baigneurs, des promeneurs et des pêcheurs. Ce projet, qui créerait un précédent, pose une question essentielle : les panneaux solaires, dans quelle mesure ? Dis leur ! faire le point.

Avec sa surface irisée, le plan d’eau pourrait faire croire qu’il s’agit d’un coin du Canada. Pourtant artificiel, le lac du Mondély, dans le massif du Plantaurel, s’inscrit si naturellement dans la nature verdoyante environnante qu’on a l’impression qu’il a toujours été là. Ce lac de quelque 57 hectares – lorsqu’il sera plein – devrait accueillir un parc de panneaux photovoltaïques flottants sur 12 hectares.

Cela fait suite à un accord que le Syndicat des Irrigants a signé sur vingt ans avec EDF énergies renouvelables. Cette dernière a déjà investi une grande partie de son argent : notamment dans une étude de faisabilité ; ingénieurs travaillant sur le sujet et le lancement d’une étude environnementale. Si tout se passe bien, la filiale d’EDF transmettra prochainement le dossier à la préfecture et une enquête publique pourrait être ordonnée.

« La mare a acquis une dimension sociale très forte »

Lac Mondély. DR.

Une affaire de dix mois, espèrent les promoteurs du projet qui a déjà fait l’objet de réunions locales dans les communes concernées « où la majorité des habitants serait opposée au projet ». En raison de la dégradation du paysage : même s’il est artificiel, ce lac fait partie de cette nature ariégeoise riche et qui l’embellit même. “C’est aussi, dissection Matthieu Cruège, directeur de PNR, parc naturel des Pyrénées-Ariégeoises, un étang qui a acquis une dimension sociale très forte. Il s’agit d’un plan d’eau qui fonctionne depuis longtemps – pas depuis deux ans en raison, entre autres, de problèmes de qualité de l’eau – et qui sert à la baignade. C’est très approprié sur le plan social et humain.

Accord signé avec EDF Énergies Renouvelables

Oui, mais le territoire n’en veut pas. La plupart des élus, comme Christine Téqui, présidente du département, s’y opposent ; le PNR (Parc Naturel Régional) également, une association de défense a été créée pour être « pouvoir de proposition » pour une alternative à ces panneaux qui dénatureraient le site désormais fréquenté par les locaux et les touristes, en quête de fraîcheur en été ; mais aussi des pêcheurs.

Cet endroit est un cas d’école. De l’autre côté, un syndicat, regroupant principalement des agriculteurs, qui ont besoin de liquidités pour faire face à des dépenses croissantes : ce lac a besoin d’entretien. Et l’accord avec EDF Energies Renouvelables rapporterait la somme faramineuse de 40 000 € par an. Du coup, le président de ce syndicat, David Comminges, ne voit pas comment ne pas honorer une signature autre que celle de rembourser les investissements déjà réalisés par EDF Energies Renouvelables (lire plus bas).

Un « bassin » avant l’heure

Lac ce Mondely. RD

Cet étang et son barrage ont été créés pour l’irrigation agricole de la vallée de la Lèze et au-delà. Sorte de « bassin » avant l’heure, un réservoir à flanc de colline corrigerait les puristes. Rempli d’eau en 1980, il est situé sur le territoire des communes Aigues-Juntes, La Bastide-de-Sérou et Gabre. Ce dernier vient de délibérer contre le projet. « Le syndicat auquel il appartient et qui le gère a des frais inhérents à son exploitation et à son entretien (tonte, suivi, gestion, renouvellement des équipements, etc.) de ce plan d’eau et de son système d’irrigation de 55 km. long”, explique Mathieu Cruège, directeur du Parc naturel régional. Notamment une fissure d’usure, sans gravité. C’est pour ce besoin d’argent frais que cette Union avait imaginé créer un parc photovoltaïque pour revendre l’électricité produite à EDF. Ce site, où la pêche est autorisée ainsi que la baignade, est classé espace naturel d’intérêt écologique, faunistique et floristique (Zieff) par le ministère de l’Ecologie depuis 1989.

« Réservoir créé par l’homme il y a 40 ans qui irrigue 1 500 hectares dans la vallée »

Ce projet a été imaginé en 2019. Il est revenu sur le devant de la scène il y a quelques semaines. Président de ce syndicat mixte propriétaire de cet étang-barrage, David Comminges explique qu’il s’agit d’un site artificiel créé en 1980. « C’est un réservoir créé par l’homme il y a 40 ans qui irrigue 1 500 hectares dans la vallée. Ce type de projet est très contesté, c’est vrai. Et même s’il existe une vraie biodiversité, à un instant donné… » Ne pourrait-il pas trouver d’autres moyens de financement pour ne pas « dénaturer » ce chantier comme le disent ses opposants ? Une aide publique ? Une augmentation des adhésions… ?

David Comminges rétorque : « Nous avons signé un accord avec EDF Energies Renouvelables qui nous engage envers eux. Ils ont étudié. Dites-leur : « On ne veut plus faire le projetIls nous demanderont de rembourser… Sauf si nous arrêtons d’un commun accord. Le barrage est financé à 90 % par les irrigants de la Lèze, en Ariège et en Haute-Garonne. Tous les coûts sont donc supportés par les agriculteurs ; les 10 % restants sont apportés par les communes limitrophes de la Lèze qui versent une petite contribution. EDF Energies nouvelles nous rapportera 40 000 € par an sur 20 ans mais il nous faudra peut-être plus. »

Un cas d’école aussi sur le partage. David Comminges souligne : « Les gens s’approprient ce lac qui nous appartient ainsi que 100 hectares autour du barrage… Et toutes les activités qui s’y déroulent se font sur notre propriété privée. Beaucoup de gens l’oublient : quand quelqu’un se promène au bord du lac, il passe devant chez nous et il a l’impression d’être chez lui… Après, j’entends les habitants, notamment de Gabre, qui vont voir les panneaux… »

“C’est un projet lunaire”

Kamel Chibli. Photo : DR.

Interrogé, Kamel Chibli, président du PNR et vice-président de la Région Occitanie n’en démord pas : «C’est sur un projet lunaire. Il s’agit certes d’un plan d’eau artificiel mais totalement inséré dans son paysage de moyenne montagne et dans le PNR ; la faune et la flore y sont bien implantées. Le couvrir alors qu’on a assez de toits et de bâtiments publics à couvrir, c’est de la folie… C’est un endroit que je connais bien ; Je travaille à proximité. C’est un lieu touristique, de promenade, de découverte… »

« Nous ne produisons pas d’énergie renouvelable à tout prix et pas un seul mètre carré du parc n’est à vendre »

Kamel Chibli pointe les risques de « contagion » à d’autres sites naturels. « Le projet a été présenté au public. Pour le président du syndicat des irrigants, il y a du travail à faire en amont et en aval et ce projet est une opportunité financière. Je suis prêt à ce que nous organisions une réunion pour voir ce dont ils ont besoin en investissement et si nous pouvons les aider, nous les aiderons. Le danger est qu’il s’agit d’une opportunité financière. 40 000 € par an pour couvrir une grande partie du lac… Je ne suis pas un cinglé anti-énergies renouvelables. C’est un projet qui déformerait le paysage. Quand on commencera par ça, et ensuite ce seront les lacs de montagne… Où s’arrêtera-t-on ?

« Nous connaissons les énergies renouvelables »

L’élu régional poursuit : “On connaît les énergies renouvelables : nous venons d’inaugurer une salle à Saint-Paul-de-Jarrat grâce à une association, Ecla’EnR, qui s’inscrit dans une démarche citoyenne : accompagner les communes dans l’analyse des capacités d’installation en toiture et les aider à installer du photovoltaïque. Ça oui. Il y a, autre exemple, une école à Foix qui va être inaugurée. Nous accompagnons également les agriculteurs dans leurs problématiques de bâtiments agricoles ; nous allons travailler sur des friches industrielles… Ce sont des démarches vertueuses. Nous ne produisons pas d’énergie renouvelable à aucun prix et pas un seul mètre carré du parc n’est à vendre. Et puis il y a d’autres priorités comme la lutte contre les tamis thermiques dans les communes, les écoles, etc. Nous les aidons avec l’éco-chèque de la Région mais il y a des choses à faire. Pour qu’il y ait moins de chauffage à consommer, cela entraînera moins de pollution et moins d’économies. »

« Trouver des alternatives à ce projet solaire en étant proactif »

Ingénieur en climatisation et chauffage, Patrice Macé qui a cofondé une association de défense qui envisage d’occuper un poste permanent au bord du lac fin mai et qui envisage de porter une pétition, Mondelibre se veut constructif : « Nous nous sommes donnés trois objectifs : préserver le cadre et l’environnement naturel de ce lac ; assurer la protection des résidents et usagers du lac et de ses environs et trouver des alternatives à ce projet solaire en étant proactif. Pour trouver les 40 000 € par an, on peut peut-être obtenir ici 5 000 € de subventions ; d’autres montants peuvent être trouvés ailleurs auprès des communautés et des organismes. Nous ne sommes pas contre la transition énergétique et les panneaux solaires mais nous trouvons stupide d’artificialiser un territoire comme celui-ci où la nature a repris ses droitsIl annonce, « grâce aux futures adhésions à l’association, payer des études contradictoires et faire intervenir des avocats ».

Panneaux solaires, jusqu’où ?

Au-delà de ce cas d’école de l’étang de Mondély, la question est : quel avenir souhaitons-nous pour un territoire ? Sachant que ce territoire « est excédentaire dans la production d’électricité, souligne Matthieu Cruège. L’Ariège et le PNR produisent plus d’électricité qu’ils n’en consomment. Il n’est donc pas nécessaire de produire davantage. En revanche, les élus de la région ont un message qui passe par la sobriété énergétique, la rénovation énergétique des bâtiments… La production via panneaux solaires se fait sur les toitures, les bâtiments, etc. Pas sur les zones agricoles et forestières. Et puis, si ce projet devait aboutir, cela créerait un précédent… Est-ce qu’on va mettre des panneaux partout, sur d’autres plans d’eau ? On est d’accord d’avance pour équiper des plans d’eau comme celui-ci en montagne… ? Cela pose la question de savoir jusqu’où nous voulons aller et ce que nous voulons pour un territoire comme le nôtre.»

Olivier SCHLAMA

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