récit d’un scénario catastrophe joué à Cherbourg-en-Cotentin

Par

Ludivine Laniepce

Publié le

22 mai 2024 à 21h44

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Le tribunal principal de Hôpital Louis Pasteur de Cherbourg-en-Cotentin (Manche) est sur le pied de guerre, le bâtiment historique armé pour la médecine de catastrophe.

Dans les couloirs, des dizaines de victimes sont assises contre le mur ou allongées sur des civières. Il y a du sang, des brûlures et des cris de douleur. Certaines personnes, sur le terrain, sont inertes. Il existe des urgences relatives, des urgences absolues et des urgences dépassées.

Quelques minutes plus tôt, dans le sas d’entrée de ce poste médical avancé (PMA), ils ont été pris en charge par les médecins urgentistes chargés du premier tri des patients. Ici, Julie Tilleul, 26 ans, conscient mais gravement brûlé au visage, au cou, à l’épaule et au bras. C’est la victime numéro 48. Là, Marie Raux, 40 ans, présente de violents traumatismes, de la suie dans les voies respiratoires et des brûlures au visage, aux bras et aux mains. Il s’agit de la victime numéro 32.

Mais rassurez-vous : il s’agit d’un exercice grandeur nature orchestré par le Sam. Baptisé “Terrible”, elle a nécessité des mois de préparation, mobilisé près d’un millier de personnes et choisi Cherbourg comme ville aire de jeux autour du thème des grands brûlés.

L’aide des autres pays européens nécessaire

Dans le scénario imaginé par le Samu, tout commence mercredi 22 mai 2024à 1 heure du matin. Un grave incendie se déclare à bord d’un ferry au large de la ville portuaire.

Chaleur, fumée, flammes, explosion…et bien sûr des mouvements de panique. Les victimes sont nombreuses, pour la plupart grièvement brûlées. Une situation catastrophique qui dépasse largement les ressources locales et nationales.

Avec des dizaines de grands brûlés, accueil des blessés dans d’autres pays européens s’avérera rapidement nécessaire, la France ne pouvant absorber seule ce soutien. Mais pour l’instant, le Centre Hospitalier Public du Cotentin (CHPC) est, fictivement, en première ligne en attendant des renforts.

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Des renforts de tous horizons

« Il y a des gens qui meurent ici ! appelle un médecin urgentiste du CHPC pour obtenir de l’aide. La zone de tri est blindée et les blessés continuent d’arriver. Il faut accélérer ! » Un autre poursuit : « Où en sommes-nous avec l’arrivée de l’oxygène ? Où sont les logisticiens ? » Dans l’enceinte de l’hôpital Louis Pasteur, conçu à cet effet, les urgences sont organisées et le parcours patient se met en place.

Des renforts sont arrivés des quatre coins de la France pour l’exercice « Redoutable », mercredi 22 mai et jeudi 23 mai 2024, à Cherbourg-en-Cotentin (Manche). ©Jean-Paul BARBIER

Au fil des heures, des renforts humains et matériels arrivent. On y retrouve toutes les compagnies d’ambulance du département, les secouristes du CHPC, le Centre Hospitalier Mémorial de Saint-Lô, le CHU de Caen (Calvados), le Samu de la Manche, Paris et autres services d’Île-de-France, la Croix Rouge. , l’Ordre de Malte, la Protection Civile, la SNSM, mais aussi le Centre de traitement des grands brûlés de l’hôpital d’instruction des armées Percy de Clamart (Hauts-de-Seine), le Centre de traitement des grands brûlés de l’hôpital parisien Saint-Louis (Île-de-Seine). France) ou encore leAssistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP).

Des renforts sont arrivés des quatre coins de la France pour l’exercice « Redoutable », mercredi 22 mai et jeudi 23 mai 2024, à Cherbourg-en-Cotentin (Manche). ©Jean-Paul BARBIER

Plus d’une centaine d’entre eux sont arrivés en début d’après-midi par avion sur le tarmac de l’aéroport de Cherbourg-Manche, en un Airbus A350-900 d’Air Caraïbesspécialement affrété pour l’occasion. Médicalisé, il sera chargé, quelques heures plus tard, de l’évacuation des blessés les plus graves vers d’autres hôpitaux européens. Dans la soirée, d’autres blessés seront transportés par train sanitaire de Cherbourg vers la capitale.

Un jeu très utile

Sous la tente de PC opérationnel installé dans la cour d’honneur de l’hôpital Louis Pasteur , un médecin-conseil scrute l’écran de son ordinateur, téléphone à l’oreille. Son logiciel spécialisé lui permet de connaître en temps réel le nombre de lits voire de places en réanimation disponibles dans d’autres établissements en France. « La Manche est l’une des premières à avoir utilisé cette plateforme qui permet de répartir les patients et de connaître les horaires de transport et de retour des équipes », indique le docteur Thomas Delomas, chef du Samu de la Manche. La préparation avant cet exercice ainsi que le fait de le jouer réellement nous apportent beaucoup. »

Dans la zone de transit,les patients les plus gravement touchés sont rassemblés en prévision de leur évacuation sanitaire par avion. Petit à petit, la pression baisse dans les couloirs de l’hôpital Louis Pasteur. Léa, stagiaire au CHPC positionnée à la PMA, donne une première impression de sa participation à cet exercice :

« Au début, nous n’avions rien, nous attendions du personnel et du matériel. Nous n’avions pas assez de civières, nous devions porter nous-mêmes les blessés. Mais c’est comme dans la vraie vie. C’est stressant et stimulant de vivre cela. »

De son coté, Docteur Far Charif, médecin urgentiste au CHPC, a également participé à l’exercice : « C’est à nous de gérer ce flux impressionnant, comme dans tout état de catastrophe, ce sont des conditions réelles. Ici, notre rôle est de faire le premier tri des patients et d’assurer la fluidité du circuit. »

Dans les couloirs, d’autres membres du CHPC assistaient à l’exercice en tant que simples observateurs. «Le but est de saturer volontairement l’appareil», commente Ulrich, spécialiste de la radioprotection. C’est impressionnant à voir et éducatif. Ce genre de catastrophe peut survenir n’importe où et à tout moment. »

Dans la Manche, les étudiants de l’Institut de Formation Infirmière de Saint-Lô se sont aussi donnés d’eux-mêmes… mais pour jouer les victimes, comme Thomas, Maëlys et Marylou . «C’est l’occasion de voir en coulisses, comment se déroule un exercice d’une telle ampleur», expliquent-ils. On découvre tous les moyens pouvant être déployés et la coordination entre tous les acteurs. C’est vraiment impressionnant. »

En présence de l’ancien ministre de la Santé

En cet après-midi du mercredi 22 mai 2024, au cœur de la mêlée, il y avait aussi François Braun, ancien ministre de la Santé, médecin urgentiste à Metz et référent en médecine de catastrophe. Aux côtés du chef d’orchestre de cet exercice hors du commun, le professeur Lionel Lamhaut, François Brauna placé cet exercice dans le contexte particulier des Jeux Olympiques, comme le passage de la flamme olympique dans la Mancheet commémorations des années 80e anniversaire du Débarquement de Normandie.

François Braun, ancien ministre de la Santé, sur le tarmac de Maupertus (Manche), ce mercredi 22 mai 2024. ©Jean-Paul BARBIER

L’objectif de ces exercices d’envergure est de se préparer collectivement à toutes les situations, a rappelé le médecin urgentiste sur le tarmac de Maupertus. On l’a vécu lors des attentats, puis de la pandémie. Le problème des brûlures graves est majeur en France et en Europe. Il s’agit de combiner l’évacuation aérienne et ferroviaire. Avec les événements à venir, il est essentiel de former nos jeunes confrères à ces soins, car le nombre de lits pour les grands brûlés est limité en France et dans les autres pays européens. Il existe un réel besoin de travailler à l’échelle européenne.

François Braun, ancien ministre de la Santé, médecin urgentiste à Metz

L’exercice « Redoutable » se poursuit jusqu’au jeudi 23 mai 2024 à Cherbourg, au petit matin.

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