En 1913, la Ville de Genève laisse un héritage inattendu – .

En 1913, la Ville de Genève laisse un héritage inattendu

Publié aujourd’hui à 15h53

Il aura fallu la curiosité de Dominique Erster pour remettre sur le devant de la scène l’illustre Baudin de Nantua. Après une carrière bancaire débutée à Genève, ce passionné d’histoire locale consacre son temps libre à des recherches auxquelles personne ne s’attendait. Ils lui font découvrir l’histoire d’un héritage qui, un an avant la Première Guerre mondiale, a refroidi les relations entre la France et la Suisse. Une générosité bien oubliée à Genève, reçue d’un ancien maire de Bellegarde, neveu du grand Alphonse Baudin qui repose au Panthéon de Paris.

« Ayant grandi à Nantua, confie Dominique Erster, j’ai longtemps été intrigué par tous ces Baudin. Leur nom est mentionné à plusieurs endroits de cette ville. Deux rues le portent, on y trouve aussi des monuments qui rappellent l’existence des membres de la famille. D’où mes recherches qui ont abouti au livre « Alphonse Baudin, Pierre et les autres… », paru en 2020. Se repérer parmi tous ces notables n’a pas été évident. Mon intérêt pour le passé du Haut-Bugey et de la Savoie et mon goût pour la généalogie ont guidé mon travail. J’ai découvert que cette famille avait commencé avec un prêtre. L’ancêtre Baudin devient prêtre en 1730, après le décès de son épouse. Leur descendant Alphonse était plutôt anticlérical », note l’historiographe.

Mourir pour 25 francs

Alphonse Baudin est le héros familial. Né en 1811 à Nantua, ce fils d’officier de marine devint médecin et séjourna à Paris lors de la chute de la République du Roi Charles. Il est élu député de l’Ain à l’Assemblée nationale en 1849, mais le 2 décembre 1851, le président Louis-Napoléon Bonaparte rétablit l’Empire par un coup d’État. Le lendemain, sur une barricade dressée rue du Faubourg-Saint-Antoine, l’élu Républicain est atteint à mort par une balle tirée par les troupes. Il aurait dit cette phrase “Vous verrez comment les gens meurent pour 25 francs !” C’était le montant de l’indemnité journalière des députés.

Le courage et la fin tragique d’Alphonse Baudin lui valent de brillantes célébrations après le retour de la République. Il fut exhumé et placé en 1871 dans un magnifique tombeau du cimetière de Montmartre. Son gisant en bronze d’un réalisme saisissant, réalisé par Aimé Millet et Léon Dupré, révèle le trou que la balle a fait dans son front. A Paris comme à Nantua, des statues en pied de Baudin sont érigées et le 4 août 1889, sa dépouille est à nouveau déplacée. Elles ont lieu au Panthéon, dans le cadre des cérémonies du centenaire de la Révolution de 1789.

“Vous verrez comment on meurt pour 25 francs !”

Phrase célèbre de l’oncle de Victor Baudin

Et le patrimoine genevois ? Nous y arrivons. Elle n’aurait pas existé sans la présence à Genève de Georges Baudin, né à Nantua en 1808, frère aîné du héros Alphonse. Ce notaire est, comme son frère, un républicain de gauche en rébellion ouverte contre la droite de la Seconde République. Contraint de quitter la France dès 1849, il reçut en Suisse un accueil chaleureux dont son fils Victor se souviendra en rédigeant son testament.

Victor est né à Nantua en 1841. Dominique Erster le décrit comme un urbaniste, étant ingénieur et architecte diplômé de l’École centrale des arts et manufactures de Paris. Après avoir vécu à Montmartre avec son jeune frère Félix, qui étudie les mêmes choses que lui mais qui se consacre à la peinture, Victor Baudin retourne au Bugey, où son père Georges achète le petit château de Musinens, sur la commune de Bellegarde. Il fut élu deux fois maire de cette commune, avant d’avoir la douleur de perdre Félix, qui mit fin à ses jours en 1909 à Musinens.

Célibataire, réputé « original » – sans qu’on sache vraiment ce que cela signifie – Victor Baudin rédige son testament en 1912 en faveur de la Ville de Genève, en souvenir du bon accueil reçu par son père en 1849. « Il semble que il a conservé de sa non-réélection un certain ressentiment contre ses anciens électeurs et l’a transféré à la Commune de Bellegarde », explique Dominique Erster. Baudin décède au Château de Musinens en 1913, à l’âge de 73 ans. C’est alors que le Conseil administratif genevois, présidé par le notaire Albert Gampert, est informé que l’ancien bourgmestre de Bellegarde avait fait de la Ville son légataire et qu’il avait demandé à être enterré à Genève.

A sa sortie de la capitale du Haut-Bugey, seules cinq personnes suivaient le cercueil, dont Albert Gampert, président du Conseil d’administration, et son secrétaire général Edouard Chapuisat. Ce sont les pompes funèbres communales genevois qui se sont chargées du transport par train de la dépouille de Victor Baudin, après avoir pris soin de décorer le convoi par leurs propres soins. Lire « Alphonse Baudin, Pierre et les autres…

Lire « Alphonse Baudin, Pierre et les autres… La saga d’une illustre famille de l’Ain », de Dominique Erster, IDC Éditions, 160 pages.

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