Réaction à la position de la Conférence des présidents sur la confidentialité des consultations juridiques des avocats d’entreprise

Rudjan/AdobeStock

Un ancien membre du conseil du barreau, un avocat pénaliste et un avocat employé par une entreprise multinationale réagissent à ce qu’ils considèrent comme une campagne de désinformation contre les lois proposées Terlier Et Vogel. Selon eux, ce projet est soutenu par des avocats et alignerait la France sur ses voisins de même tradition juridique. Contrairement à ce qui est affirmé sur les réseaux sociaux, elle n’étend pas le secret professionnel aux avocats d’entreprise et n’empêchera pas les autorités et les citoyens d’accéder aux preuves.

Le président de la Conférence des présidents a appelé les députés à rejeter les projets de loi visant à protéger les consultations juridiques des avocats d’entreprise en affirmant que la profession juridique s’y opposerait (I), avec cinq arguments à l’appui : le secret professionnel (II) ; la loi de l’évidence et de l’opacité (III) ; procès équitable (IV); et américanisation (V)1.

Afin de respecter le principe du contradictoire, et pour l’information complète de notre représentation nationale et de nos frères et sœurs, nous nous proposons d’exposer ici l’inexactitude de ses propos.

I – La profession d’avocat n’est pas opposée au projet de loi

163 barreaux, soit tous les barreaux français sauf celui de Paris, ont adopté des motions d’opposition à ce projet de loi2. Autrement dit, seule la moitié des avocats français pourrait être considérée comme opposée à ce projet de loi (sous réserve de la représentativité des organes de la profession).

On notera à cet égard que les seuls travaux scientifiques menés en la matière, par des juristes, à savoir le Livre blanc de l’ECLA publié par Lexis Nexis3le rapport sur l’avenir de la profession d’avocat4et le rapport remis au Premier ministre par le député Raphaël Gauvain faisant des propositions au gouvernement pour restaurer la souveraineté de la France et de l’Europe et protéger nos entreprises des lois et mesures à portée extraterritoriale5 tous ont conclu en faveur de la confidentialité des avis des avocats des sociétés.

Avec d’un côté des travaux scientifiques et de l’autre des « motions » élaborées sans méthodologie préalablement publiée, il semblerait que les collègues qui se sont réellement penchés sur le sujet militent en faveur de la confidentialité.

II – Le projet de loi n’étend pas le secret professionnel aux avocats d’entreprise

La Conférence des présidents affirme que la reconnaissance de légal privilège « serait de nature à affaiblir le secret professionnel de l’avocat ». Il précise également que « la garantie des droits de la défense repose sur ce secret professionnel, pilier de la relation de confiance entre avocats et clients, garantissant la préservation de l’équité et de la justice. Nous ne pouvons pas étendre ce secret aux avocats dont les missions se limitent aux intérêts de l’entreprise.

L’affirmation selon laquelle le projet de loi « étendrait » le secret professionnel aux avocats est contredite par le texte même du projet de loi.

Le projet de loi prévoit d’inscrire dans la loi le secret des consultations juridiques établies par un avocat, sous certaines conditions portant essentiellement sur les diplômes de l’auteur de la consultation, la formation de l’avocat d’entreprise, la destination de la consultation et le apposition de la mention « confidentiel – consultation juridique – avocat d’entreprise » sur la consultation (conditions qui ne sont pas totalement fixées, compte tenu des discussions en cours sur ces textes). Par ailleurs, cette confidentialité ne serait pas applicable en matière pénale et fiscale.6.

Autrement dit, il s’agit d’un secret lié à la nature des documents et qui ne peut être opposé qu’en matière civile, commerciale et administrative.

Cette confidentialité n’a rien à voir avec le secret professionnel de l’avocat qui est attaché à la personne de l’avocat et à toute sa correspondance (sauf exceptions), et dont l’objectif premier est de préserver les droits de la défense en matière pénale.7. C’est presque l’exact opposé du secret professionnel d’un point de vue conceptuel. L’affirmation selon laquelle ce projet de loi étendrait le secret professionnel est donc erronée dans la mesure où elle ignore le texte du projet de loi et repose sur une confusion de deux conceptions juridiques radicalement différentes.

III – La confidentialité prévue par le projet de loi ne s’applique pas aux preuves factuelles et aux témoignages des lanceurs d’alerte

Comme expliqué ci-dessus, le projet de loi s’applique aux consultations juridiques, et uniquement à celles-ci. S’ajoute à cela une sanction pénale de 15 000 € d’amende et un an d’emprisonnement pour l’avocat qui « marque « confidentiel – consultation juridique – avocat d’entreprise » sur tout document. » » sur un document qui n’est pas un avis juridique.

Ainsi, contrairement aux affirmations de M. Fernandez, la confidentialité ne s’applique pas aux faits, ni aux preuves factuelles en général (qui ne sont donc pas des consultations juridiques), et ne peut donc pas empêcher les citoyens ou les autorités françaises d’accéder aux preuves factuelles et encore moins nuire aux lanceurs d’alerte.

L’affirmation de la Conférence des présidents ne trouve donc aucun ancrage dans le projet de loi. Au contraire, le projet de loi prévoit que toute application incorrecte de la loi entraînerait un risque pénal pour l’avocat et serait facilement contré par la procédure de levée du secret prévue par la loi.8.

Par exemple, un directeur juridique qui apposerait ou ferait apposer la mention « confidentiel – consultation juridique – avocat d’entreprise » sur tous les échanges internes sensibles relatifs à un contrat, afin d’éviter d’avoir à les produire dans une procédure contentieuse judiciaire. ou arbitrale, et ce, même si ces échanges ne constituent pas des consultations juridiques au sens de la loi, risquerait certainement des poursuites en même temps qu’il pourrait engager la responsabilité pénale de la personne morale en sa qualité de représentant du cas applicable.

Il en serait de même pour un directeur juridique qui marquerait des preuves factuelles telles que des documents ou contrats techniques, des accords anticoncurrentiels ou tout autre élément factuel en général.

Le projet de loi ne contient également aucun élément qui laisserait penser que la confidentialité s’appliquerait aux témoignages des lanceurs d’alerte, et il nous est difficile d’envisager comment un témoignage factuel pourrait être qualifié de « consultation juridique ». Les arguments relatifs à une attaque contre les lanceurs d’alerte ne trouvent donc aucun ancrage dans le texte et relèvent de la pure imagination.

Enfin, on rappellera que la jurisprudence est très évolutive en matière de recevabilité des preuves avec notamment l’arrêt de la Cour de cassation de décembre 2023. Il semble donc nécessaire de garder distance et raison à l’égard des textes tout en étant conscient des ce. de l’applicabilité de cette dernière.

IV – Procès équitable

Le président de la Conférence des bâtonniers précise que « cette évolution serait de nature à introduire une rupture dans l’égalité entre justiciables devant la loi, puisque seules les entreprises employant des avocats pourraient bénéficier de la confidentialité au détriment des personnes physiques ».

Le contraire est vrai.

Actuellement, dans une procédure d’arbitrage international entre une petite entreprise française (qui, comme beaucoup de petites entreprises françaises, dispose d’un avocat commis d’office ou d’un avocat qui l’accompagne dans son activité) et un grand fournisseur allemand (dont les consultations juridiques bénéficient de la confidentialité), l’instance arbitrale Le tribunal peut ordonner à la société française de réaliser les consultations juridiques alors qu’il ne peut pas ordonner à la société allemande de le faire.

Cela crée un déséquilibre des procédures civiles et commerciales au détriment des entreprises françaises, particulièrement injuste et qui doit être corrigé. Tout patriote serait offensé par cette situation et soutiendrait ce texte sans aucune hésitation.

V – Le légal privilège est adopté par des pays de tradition civiliste comme la France

Enfin, le président de la Conférence des présidents juge que « cette proposition marquerait un point de rupture avec la tradition juridique de la France, pays de droit civil et non de Commun loi » et exhorte la représentation nationale à ne pas « céder à l’américanisation de notre système sans en peser les conséquences, car nous risquons de jouer avec nos principes et nos valeurs comme le feraient des apprentis sorciers ».

Tout ce qui est excessif est insignifiant.

Comme le démontre le rapport remis au Premier ministre par le député Raphaël Gauvain9L’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, l’Italie et les Pays-Bas, Etats qui partagent la même tradition juridique que la France, ont adopté depuis longtemps la confidentialité des avis des avocats d’entreprise.

C’est pour cette raison qu’une étude d’impact n’est pas nécessaire dans ce cas puisqu’il suffit de constater le succès de ce système dans ces pays pour se convaincre de la nécessité d’aligner la France sur ses voisins européens.

Au vu de ces explications, on ne peut que regretter qu’en 2024 les représentants de la profession juridique choisissent la « tradition » plutôt que la modernité en brandissant le drapeau de la peur.

LE légal privilège n’est pas mort, vive lui légal privilège !

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