L’Île-de-France au temps des « méga-églises » – .

Gigantesque. C’est le premier mot qui vient à l’esprit en découvrant le bâtiment contemporain où l’église évangélique Christian Impact Center (ICC), qui compte 13 000 membres actifs en France, organisera très prochainement ses offices dominicaux, dans la zone industrielle de Croissy-Beaubourg. (Seine-et-Marne).

Une fois que vous avez traversé l’un des deux halls d’accueil illuminés par un jeu de miroirs géants et passé la cafétéria au mobilier scandinave, le restaurant, la boutique de souvenirs, les quatorze salles polyvalentes dont sept pour les enfants, vous entrez dans l’auditorium ultramoderne avec 3 780 des places. Une immense scène dotée d’équipements audiovisuels à la pointe de la technologie a été installée. C’est d’ici que les louanges et les prêches seront diffusés en direct sur les réseaux sociaux, où ICC est très présent.

Une méga-église est en train de voir le jour physiquement et de l’extérieur, elle ressemble à une entreprise. Certains y voient déjà « la plus grande église chrétienne de France » par sa taille. « C’est énorme », murmure, presque étonné, le pasteur Yvan Castanou, co-fondateur en 2002 d’ICC, dont le siège est situé à Boissy-Saint-Léger (Val-de-Marne). Le site de Seine-et-Marne a été racheté en 2016 par une société immobilière, soutenue par des associations culturelles et religieuses.

Les bâtiments d’un bloc ont été reconstruits à partir de zéro, remplaçant les anciens entrepôts. Sur la surface bâtie (31 000 m2), près de la moitié (15 000 m2) a été consacrée au stationnement, organisé en silos, chaque étage ayant sa propre couleur pour vous aider à vous repérer. Le site dispose de 750 places de stationnement. « L’aspect architectural clé de la méga-église est le parking. Sans parking adéquat, pas de méga-église viable », note Sébastien Fath, historien et chercheur au CNRS, spécialiste du protestantisme évangélique.

L’église ICC disposera d’environ 750 places de stationnement. LP/CG

“Manger, regarder des films, faire du sport”

Deux critères principaux déterminent ce nom très spécifique : la taille et la multi-activité du lieu. « Une méga-église, c’est plus de 2 000 pratiquants réunis physiquement chaque semaine au même endroit, explique Sébastien Fath. Il ne se contente pas d’offrir un culte : on y va aussi pour manger, regarder des films, faire du sport. Il y a des méga-églises qui offrent absolument tout, y compris des centres commerciaux », ajoute l’universitaire, évoquant les États-Unis, mais aussi l’Afrique, l’Asie du Sud-Est ou l’Amérique latine.

En Île-de-France, ils se comptent sur les doigts d’une main : cinq répondent aux caractéristiques ou s’en approchent. Le dernier a été inauguré en septembre 2021 et accueille tous les dimanches les fidèles du MLK, au sein des 6 000 m2 de l’Espace Martin-Luther-King, à Créteil (Val-de-Marne), propriété de la Fondation du protestantisme. Le concept met en avant l’ouverture sur l’extérieur, celle d’un centre de congrès dont les salles sont proposées à la location.

A Croissy-Beaubourg, aucune référence à la religion ni au réseau ICC, composé de 39 églises en France. Le nouveau site, qui devrait s’appeler la Cité Royale, ne sera pas seulement le lieu de rencontre et de formation biblique des fidèles évangéliques. Il se présente comme un grand espace événementiel dont les salles seront, là encore, à louer.

« Nous l’avons d’abord dimensionné pour nous, explique Yvan Castanou. On s’est dit qu’il fallait absolument l’ouvrir dans le respect de nos valeurs. Séminaires d’entreprise, réunions associatives, fêtes familiales privées et, pourquoi pas, réunions politiques… Les débouchés possibles sont multiples pour rentabiliser le centre de congrès qui disposera également de trois studios TV et d’un studio de musique.

A Créteil (Val-de-Marne), l’Espace Martin-Luther-King de 6 000 m2 a été inauguré en 2021. LP/Laure Parny

Une centaine d’églises en Seine-Saint-Denis

Ces projets révèlent un mouvement religieux en pleine expansion, multiculturel et rassemblant des populations d’origines très diverses. Tout le monde s’accorde à dire qu’ils manquent de lieux de culte. Selon le Conseil national des évangéliques de France (CNEF), qui regroupe 32 des 45 unions ecclésiastiques présentes dans le pays, on estime que plus d’1 million de personnes se déclarent évangéliques dans le pays, dont 750 000 pratiquants réguliers.

« La Seine-Saint-Denis est aujourd’hui un bastion de l’évangélisation urbaine, note Sébastien Fath. C’est le territoire d’Île-de-France où il y a le plus de collectivités. Au moins une centaine d’églises y sont recensées, sur les 3 000 que compte le pays. Parmi eux, deux se distinguent par leur taille : Charisma au Blanc-Mesnil et Paris Christian Center (PCC) à La Courneuve. Cette dernière organisation mène discrètement un projet de méga-église de 2 000 places.

Le site est situé sur une friche polluée de 1,6 ha appartenant au cimetière intercommunal. Il sera mis à disposition dans le cadre d’un bail emphytéotique administratif. “On les connaît bien, ça fait longtemps qu’ils interpellent la ville”, confirme à propos du PCC Corinne Cadays-Delhome, adjointe au maire de La Courneuve. « Nous sommes dans la commune depuis plus de vingt ans, nous avons construit une relation de confiance avec le maire (Gilles Poux, PCF) », déclare le pasteur Dorothée Rajiah, responsable du PCC.

45 millions d’euros d’investissement à Croissy-Beaubourg

Situé entre les 415 ha du parc départemental et le village des médias des JO 2024, le futur bâtiment devrait proposer un sanctuaire, des salles d’enseignement biblique, des espaces culturels, un espace restauration, une librairie, mais aussi un espace pour les tout-petits et 155 places de parking. . « C’est un projet cultuel et culturel et rien d’autre », ajoute le pasteur. Ce n’est pas un lieu d’affaires et de location de chambres. Nous répondons à un besoin de lieu de culte, c’est notre seule ambition. »

Quelles que soient les attentes des pasteurs, les méga-églises ont un coût. Le centre de congrès Croissy-Beaubourg représente un investissement privé de plus de 45 millions d’euros, dont 24 millions soutenus par des prêts bancaires. Le reste est financé grâce aux dons de la France, de l’Europe, du Canada, des Etats-Unis, selon Yvan Castanou. « Nous avions aussi plusieurs années d’économies, explique-t-il.

Pour rentabiliser son centre, l’église ICC souhaite louer ses espaces pour des séminaires d’entreprise, des fêtes familiales privées et, pourquoi pas, des réunions politiques. LP/CG

Quiconque a fait une école de commerce à Reims parle comme un chef d’entreprise. « On est parti du rêve d’ouvrir des églises dans toute la francophonie, mais avant ça, il fallait déjà mettre en place l’église principale, ce que j’appellerais le modèle, un peu comme McDonald’s : avant d’ouvrir McDonald’s, il faut déjà structurer et affirmer le principal McDonald’s. »

Des dizaines de signalements à la mission de lutte contre les sectes

Les conditions d’appel aux dons mais aussi la pression qui pourrait être exercée sur les fidèles sont des points sensibles auxquels la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) est très attentive. Elle dit par exemple avoir reçu 30 signalements depuis 2013 pour ICC, 18 pour Charisma entre 2019 et février 2023 et 7 pour PCC entre 2014 et 2022. le changement de comportement du croyant.

“Je veux la question sur les rapports”, assure Yvan Castanou, pour montrer sa volonté de transparence. Il indique avoir demandé en 2020 à rencontrer la Miviludes, afin de pouvoir répondre. “Nous étions fatigués de cette étiquette, d’entendre que les gens étaient bousculés”, ajoute-t-il. Des plaintes, “il n’y en a pas”, dit-il.

« Nos comptes sont audités et certifiés par un cabinet et sont publiés sur Internet », poursuit-il. Un petit tour sur YouTube révèle cependant l’organisation mise en place pour capter les internautes : messagerie WhatsApp pour les nouveaux arrivants, liens pour faire un don, s’inscrire à une formation ou acheter des livres. Rien n’est laissé au hasard.

 
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