« Les rachats d’entreprises par des fonds étrangers sont une menace pour notre liberté » selon François-Xavier Carayon

« Les rachats d’entreprises par des fonds étrangers sont une menace pour notre liberté » selon François-Xavier Carayon
« Les rachats d’entreprises par des fonds étrangers sont une menace pour notre liberté » selon François-Xavier Carayon

l’essentiel
En librairie depuis le 29 mai, « États prédateurs » dresse un portrait inquiétant de la guerre économique que subissent la France et l’Europe. Son auteur, François-Xavier Carayon, décrypte sa grande enquête économique pour La Dépêche.

Quelle était votre intention en écrivant cet essai économique qui se lit comme un livre de géopolitique ?

Cela fait dix ans que je conseille des chefs d’entreprise en stratégie et j’ai été témoin d’une guerre économique tranquille orchestrée par les fonds souverains d’investissement au profit de quelques États. J’ai souhaité alerter les opinions et les décideurs politiques après une enquête approfondie sur les bases de données de rachats d’entreprises.

Qui sont les pays prédateurs et que cherchent-ils à acheter ?

Les plus actifs sont les Chinois. A Toulouse, il a aussi fallu subir le rachat de l’aéroport de Toulouse-Blagnac qui est un des exemples de rachat – prédation de la Chine derrière laquelle se cache bien souvent le Parti communiste chinois. La Chine a récemment racheté le réseau gazier du Portugal et d’une partie de l’Espagne. Le port du Pirée a été largement médiatisé, mais Pékin contrôle désormais quatorze ports en Europe. Le modèle chinois se répand avec des fonds souverains opérant à Singapour, aux Émirats arabes unis et au Koweït. Ce sont les pays du Sud.

Combien d’opérations de rachat avez-vous identifiées ?

C’est toute la difficulté de l’opération : réussir à identifier la nature et la nationalité de l’acheteur. Le système est très opaque avec des investisseurs cachés derrière des cascades de sociétés écrans. On ne peut pas connaître le nombre exact d’opérations car cela reste très difficile à documenter.

En librairie depuis le 29 mai 2024.
Fayard

En quoi ces rachats d’entreprises représentent-ils un danger ?

Une part importante des investissements étrangers répond à des objectifs politiques. Ils constituent une menace pour notre liberté en prenant le contrôle d’actifs stratégiques et en créant une dépendance à leur égard. C’est une menace pour la souveraineté française et européenne. Pour prendre l’exemple du réseau gazier opérationnel, les Chinois ont nommé des directeurs opérationnels sur place et peuvent, s’ils le souhaitent, bloquer l’approvisionnement en gaz du sud de l’Europe. Mais ces rachats constituent aussi une menace pour l’emploi qui reste à la merci des décisions étrangères.

La France ne reste pas sans réaction puisqu’elle exige une autorisation préalable pour de nombreux rachats d’entreprises dans des secteurs jugés stratégiques…

C’est principalement sous la pression de l’opinion publique que l’Etat. Le dernier exemple est celui du laboratoire français de médicaments génériques Biogaran qui emploie 8 500 personnes en France avec ses sous-traitants et que les Indiens souhaitent racheter. L’État français l’a fragilisé en maintenant une forte pression sur les tarifs de remboursement de la Sécurité sociale et feint désormais de chercher une solution de redressement.

Que faire pour mieux se protéger ?

Les États-Unis ont inclus la sécurité économique de leurs activités dans la sécurité nationale. Le Canada applique le principe du « bénéfice national net ». Cet indicateur prend en compte l’emploi, la valeur créée sur le territoire national, les aspects stratégiques, etc. permettant d’autoriser ou non une reprise par des étrangers. La France, de son côté, parie sur un mauvais libéralisme et fait preuve de naïveté : le fiasco de la vente d’Alstom en 2014 est une cruelle leçon. Le droit communautaire européen ne doit pas nous arrêter dans notre volonté de protéger nos entreprises. La France doit avoir le courage de dire « non ».

Ce protectionnisme ne se retrouve-t-il pas dans les partis populistes ?

La protection de vos intérêts économiques n’est pas une question d’étiquette politique. Les deux meilleurs experts en la matière sont Arnaud Montebourg et Olivier Marleix. La question dépasse les clivages politiques.

François-Xavier Carayon, diplômé en anthropologie, économie, sciences politiques et philosophie d’Oxford et Warwick, est consultant en stratégie. Il a enseigné à HEC et à l’IRIS (Institut de Relations Internationales et Stratégiques).
 
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