Que lire au printemps 2024 ? Les coups de coeur du « Point » – .

Que lire au printemps 2024 ? Les coups de coeur du « Point » – .
Que lire au printemps 2024 ? Les coups de coeur du « Point » – .

AVous êtes plus proche de la sauvagerie des assassins, d’une université américaine au fin fond de la jungle colombienne, en quête de papillons, d’un Liban déchu ou d’une seconde vie… les chemins de la littérature sont décidément sans limites, en voici quelques-uns pour que vous ne quittez pas avril sans un fil de lectures.

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La résurrection de Salman Rushdie

Le 12 août 2022, un attentat aurait failli coûter la vie à Salman Rushdie, trente-trois ans après la fatwa lancée contre lui. Rompant le silence après la douzaine de coups de couteau qui l’ont laissé pour mort et privé de son œil droit, Salman Rushdie, qui a évoqué dans nos colonnes son besoin d’écrire cette histoire pour en finir avec cet « éléphant dans la pièce », devenu obsessionnel, publie Le couteauSous-titre Réflexions suite à une tentative d’assassinat. Écrit à la première personne car, « quand quelqu’un vous enfonce plusieurs fois un couteau dans la chair, c’est une histoire assez intime », tranchant avec émotion, intelligence et humour, ce livre est l’histoire d’une résurrection où la mort est vaincue par la vie, et la haine par l’amour. Salman Rushdie raconte la terrible attaque, son odyssée à l’hôpital, sa peur de perdre la vue, son dialogue imaginaire avec le tueur, et aussi son bonheur « blessé », mais « solide », avec Eliza, l’Eurydice venue le chercher, avec amour, au fond de l’Enfer.

Le couteau. Réflexions suite à une tentative d’assassinat, de Salman Rushdie. Traduit de l’anglais par Gérard Meudal (Gallimard, 272 p., 23 €).

La sauvagerie selon Tiffany McDaniel

Le nouveau roman de Tiffany McDaniel renoue avec l’intensité de Betty qui l’a découvert en 2020. Il s’inspire d’un événement réel : en 2015, six femmes ont été assassinées dans la ville de Chillicothe, Ohio, toxicomanes et prostituées. Leurs corps ont été retrouvés dans la rivière. La police a bâclé l’enquête. Personne ne se soucie de quelques héroïnomanes, sauf Tiffany McDaniel, qui imagine leur vie. Deux petites jumelles, Arc et Daffie, sont les personnages principaux, et parmi les mille choses magiques que leur grand-mère hippie leur a enseignées avant de mourir, il y avait l’art de crocheter une couverture. Côté recto, les carrés de laine sont lisses et harmonieux. Côté queue, c’est le chaos, les fils dépassent, le motif s’estompe. C’est le « côté sauvage ». Grand-mère Asclépiade a la solution : « Quand le côté sauvage devient insupportable, dit-elle, on prend une aiguille et on rentre les fils. » Ce roman est magnifique car il est « trop » : trop noir, trop vibrant, trop émouvant, trop triste. La vie déborde à chaque page, cruelle et belle comme la rivière.

Du côté sauvagede Tiffany McDaniel, traduit de l’anglais (États-Unis) par François Happe (Gallmeister, 720 p., 26,90 €).

Jean Rolin court derrière les papillons

Après avoir fait danser sa plume sur Le pont de Bezons (POL), notre écrivain aux semelles de vent l’emmène sur la Côte d’Azur à la recherche d’une collègue disparue, Katherine Mansfield. C’était du moins le projet initial avant que sa boussole ne devienne folle et ne remplace les rivages de la Riviera par les vasières de Cayenne. Comment ? Pour quoi ? Le narrateur explique son désir de Guyane, né du visionnage d’une scène du film, où l’on voit Steve McQueen et Dustin Hoffman tenter de capturer des papillons pour les remettre à un agent du bagne de Cayenne. De la foire de Juvisy, repaire des collectionneurs, aux méandres du fleuve Maroni, l’auteur nous emmène non pas à chasser les papillons, mais à suivre ceux qui ont bâti leur fortune sur leur dos. À travers l’irrésistible logorrhée indissociable du « style Rolin », on rit follement de l’absurdité d’un monde qui a réussi à monétiser jusqu’aux fines ailes des papillons.

Les Papillons du bagnede Jean Rolin, POL, mars 2024, 208 pages, 19 euros.

Le Liban déchu de Dominique Eddé

Portrait d’une bourgeoisie libanaise chrétienne menacée dans un Liban chaotique, à la merci des décisions du Hezbollah, ce roman fait référence de manière saisissante à l’actualité. Salim, incarnation parfaite de ce monde déchu, est toujours amoureux de Léonora, qu’il a épousée alors que cette Italienne venue au Liban avait abandonné son habit de nonne et, à peine mariée, a laissé son mari et son bébé vivre sa passion avec un réalisateur. Turc. A 76 ans, elle vit presque recluse dans son palais, proche de Salim qu’elle n’a jamais cessé d’aimer, qui vit dans un hôtel voisin. Leur fils, de temps en temps, lui rend visite, irascible, impatient d’entrer dans la lutte au nom des chrétiens, révolté contre ses parents fixés dans les valeurs tolérantes d’un Liban perdu. Subtilement protéiforme – lettres, dialogues, monologues – ce palais mêle présent et passé, rassemble domestiques philippins et jeunes compagnons français, prostituées et chauffeurs de taxi, et, de ces deux-là, on entend chanter la langue arabe dans ces pages. La beauté du livre est aussi admirable dans ses thèmes que dans sa forme, tellement originale.

Le palais Mawalde Dominique Eddé, Albin Michel, mars 2024, 220 pages, 19,90 euros.

Le résistant retrouvé par Hervé Le Tellier

Sur la place du village de Montjoux, près de Dieulefit (Drôme), se dresse un monument aux morts comme il y en a dans tous les villages de France. Sur ce monument, un nom qu’Hervé Le Tellier a retrouvé gravé dans le plâtre de la maison qu’il venait d’acquérir : Chaix André (mai 1924 – août 1944). « Les dates disaient tout : Chaix était un résistant, un résistant sans doute, un jeune homme à la vie courte comme beaucoup d’autres. » L’écrivain n’a pas voulu relancer les FFI ni composer « le roman d’André », qui, comme 13 678 de ses camarades, est tombé au champ d’honneur. Mais « donner du sens » à son regard, « pouvoir toujours sourire avec fraternité » au nom gravé sur le mur de sa maison. L’histoire s’écrit à travers les souvenirs qui ont survécu parmi les anonymes, et à travers des digressions remettant en question le mythe national érigé au lendemain de la guerre pour rétablir l’ordre et l’unité. Si la sincérité qui anime la démarche d’Hervé Le Tellier réchauffe chacun de ses paragraphes, elle résonne aussi avec un discours ambiant bien plus glaçant, voulant que notre époque reproduise les erreurs des années 1930.

Le nom sur le murde Hervé Le Tellier, Gallimard, avril 2024, 176 pages, 19,80 euros.

Parmi les bêtes sauvages avec Antonio Ungar

Suivre Eva, la nouvelle héroïne colombienne d’Antonio Ungar, dans sa soif de rupture avec sa famille bourgeoise, c’est pénétrer la jungle de ce pays d’une manière qu’un roman a rarement réussi à faire, inspiré de faits réels, note l’auteur. , qui s’est déroulée à Puerto Inirida du 17 au 21 novembre 1999. Eva est toxicomane, elle doit fuir la capitale et ses inévitables tentations. Elle part au bout du monde, avec sa petite fille Abril, dans une nouvelle vie d’infirmière quasi monacale. Elle ne résistera pas à l’amour que lui déclare un trafiquant aussi grand que son nom, Gordo Ochoa, et au quotidien quasi familial qu’il lui propose. Mais son compagnon doit obéir aux ordres, une nouvelle route de l’or est découverte, il doit laisser mère et enfant le suivre. Au cœur de la jungle, où Eva s’aventure en son absence, pour aider une population en danger de famine, les scènes sont dignes de Conrad de A.le cœur des ténèbres. Un portrait kaléidoscopique d’une Colombie en proie à la violence des paramilitaires, des trafiquants de drogue, des Farc, tout ce que l’on sait d’elle de loin et qui ici s’incarne dans une humanité à chaque instant luttant pour sa survie et que l’auteur de ce roman intense et captivant décrit avec une infinie tendresse.

Eva et les bêtes sauvages. Traduit de l’espagnol (Colombie) par Robert Amutio. Noir sur blanc, coll. « Notabilia », 192 p., 19,50 €

La Seconde Vie du super Philippe Sollers

Quelques dizaines de pages dictées avant son départ, à peine relues, sans doute non corrigées, qui bouleverseront ceux qui savent, contre vents, rumeurs, calomnies et marées, que cet écrivain, né Philippe Joyaux, fut, est, l’un des plus importants, le plus intelligent, le plus subtil de l’époque. Quatre-vingts pages donc. Super Sollers. Méditation sur la « seconde vie ». Sollers pétillants. C’est très beau, très pur. Très obscur également, malgré la postface émouvante et virtuose de Julia Kristeva, intitulée « La vivace aujourd’hui ». Le plus glaçant, c’est tout de même la dernière phrase de ce livret – où résonnent intensément les derniers mots pensés et tracés par l’auteur : « Si le néant est là, il est là, voyant le monde illuminé par un soleil noir. » A quoi pensait Philippe à ce moment-là ? Qu’est-ce qu’il a vu? Quelle odeur avait-il ? Mystère. Une proximité fraternelle. Sa Seconde Vie peut commencer. Et continuez pour toujours.

La seconde viede Philippe Sollers, postface de Julia Kristeva, Gallimard, mars 2024, 80 pages, 13 euros.

 
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