Le Grand Livre, de Delphine Perret

Le Grand Livre, de Delphine Perret
Le Grand Livre, de Delphine Perret

Au programme aujourd’hui, le dernier album de l’auteure et illustratrice Delphine Perret, dont nous suivons le travail depuis longtemps. Elle a publié une trentaine d’ouvrages – vous connaissez peut-être sa série mettant en scène l’ours Björn, qui a été un succès ou encore le très beau L’été le plus bel du monde sorti il ​​y a quelques années. Ce dernier album, qui vient de paraître chez Les Fourmis Rouges, porte un titre aussi délicieux que trompeur : il s’intitule, tout simplement, Le Grand Livre. Or Le Grand Livre est un tout petit livre, 9 centimètres sur 12, autrement dit il tient dans la paume d’une main. En revanche, le grand livre est épais, il comporte un grand nombre de pages – 184 pour être exact, au cours desquelles on nous propose une vingtaine d’histoires ou de courts sketches mettant en scène des personnages divers et non récurrents – humains, animaux ou formes bizarres.

Esquisses philosophiques et absurdes

Ces histoires sont globalement de deux types. Certaines de ces esquisses peuvent être lues comme de petits contes philosophiques qui explorent des questions telles que : doit-on préférer la compagnie d’un chat doux et mortel à celle d’un caillou pas si doux mais éternel ? (réponse : c’est comme on veut) ; de quoi a-t-on besoin pour vivre ? (réponse : courir, manger, boire, dormir, mais surtout : quelqu’un à qui envoyer une lettre) ; ou encore, une question importante : pourquoi vaut-il mieux ne pas se moquer des tout petits chiens ? … Les personnages et le style des histoires sont hétéroclites, mais par leur dimension absurde, ils évoquent un peu le monde de Cacahuètes de Schulz (il nous semble qu’un des tout petits chiens ressemble un peu à Snoopy). Le trait simple et fin, le choix du noir et blanc, la rondeur des personnages, le caractère très aérien des toutes petites pages : tout cela répand une forme de douceur, d’apaisement. Apaisement qui me semble aussi être au cœur des histoires d’une seconde nature, qui mettent en scène des héros qui n’en sont pas. Il y a par exemple, Super content, le super-héros à tête de dino dont le super pouvoir réside essentiellement dans le fait d’être souvent, super content. Il y a aussi Henri, le canard doué en tout – qui sait plier les draps, jouer aux échecs, qui a souvent pris le thé avec la reine d’Angleterre mais qui préfère vivre simplement au milieu des siens. Il y a aussi Mi, le poussin maladroit depuis sa naissance, maladroit quand il marche, maladroit quand il mange – et d’ailleurs ses copains le savent, ils l’aiment comme ça ; Moi qui ai répondu à la question inquiète que lui posait un jour un de ses amis : « Que vas-tu devenir, Mi ? » répond, simplement : « Je vais devenir un poulet maladroit ! « On pourrait penser que tout cela n’a aucun sens, et d’ailleurs, cela n’a aucun sens, c’est comme la vie – mais sans en avoir l’air, une forme de réconfort se dégage de chacune de ces petites histoires. Comme si quelqu’un nous murmurait : ça va aller, rien n’est grave, avec un peu d’humour, on s’en sortira à la fin. Comme cette citation de Boris Vian, placée au début du livre : « Une sortie, c’est une entrée que l’on prend dans l’autre sens. »

Le confort, dans le fond et dans la forme

Rien n’aurait été dit de ce livre si nous ne nous étions pas arrêtés un peu sur la manière dont il est construit. Le Grand Livre L’album est doté d’un sommaire, d’une mise en page soignée, de titres de chapitres écrits à l’encre noire sur un beau fond rouge, et d’une reliure de qualité. Il est également ponctué d’interludes, dont certains nous invitent à faire une petite pause dans la lecture, en fermant les yeux et en comptant jusqu’à 5. On devine l’envie d’éveiller les plus jeunes au plaisir des livres, mais avec le souci de ne pas les sacraliser. L’album s’ouvre ainsi sur une adresse au lecteur, lui conseillant de s’installer comme il le souhaite pour commencer sa lecture, les dessins suggérant une couette, une armoire, de l’herbe ou l’épaule d’un gros nounours sur lequel s’installer. Au terme de ces quelques pages en forme de conseils pratiques, on nous demande soudain : « Et aussi, ta journée a été bonne ? ». La désacralisation passe aussi par cette manière d’instaurer une forme de conversation entre l’auteure et son lecteur. On n’est pas obligé de lire le gros livre d’une traite, on peut piocher, une histoire par-ci, une histoire par-là, avant d’aller dormir par exemple, ou quand on le souhaite. En bref, le grand livre proclame haut et fort, dans le fond comme dans la forme, que lire est un plaisir – et le plaisir que l’on éprouve à le lire est inversement proportionnel à sa taille.

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Le Grand Livre by Delphine Perret, Les fourmis rouges editions

 
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