Les frappes russes se poursuivent contre les villes et les centres énergétiques ukrainiens. Lundi encore, une attaque de missile sur Odessa, grand port de la mer Noire vital pour les exportations ukrainiennes, a fait au moins quatre morts et 32 blessés. Selon les données préliminaires, il s’agit d’une frappe d’un missile balistique équipé de sous-munitions – une arme qui libère de nombreuses petites charges explosives. L’attaque a touché l’une des zones » le plus populaire à Odessa“, “ où les gens se promènent avec leurs enfants, leurs chiens, font du sport… », a dénoncé le gouverneur régional Oleg Kiper.
Dans la nuit de vendredi à samedi, 34 missiles russes avaient déjà été tirés sur l’Ukraine, dont « seulement » 21 avaient été interceptés par la défense ukrainienne. ” Le taux d’interception est tombé à 61 %note @Escortert, qui fournit des mises à jour quotidiennes sur la guerre. Le dôme de protection antiaérienne est affaibli : il en intercepte à la place 80 %.. »
Plusieurs facteurs expliquent cette perte de capacités qui faisait plutôt la fierté de l’Ukraine au début de la guerre, avec la neutralisation de missiles présentés comme « invincibles » par Vladimir Poutine. Il y a d’abord la crise des munitions, qui touche autant l’artillerie au sol que dans les airs. Malgré le vote de l’aide américaine la semaine dernière, le ratio de tirs est encore complètement à l’avantage des Russes : quand l’Ukraine tire un missile, elle en reçoit 9. C’est mieux, c’était le double mi-mars, mais cela reste très déséquilibré.
Si l’Ukraine réussit moins bien à abattre les missiles russes, c’est aussi parce qu’elle a perdu ces dernières semaines plusieurs équipements anti-aériens, fragilisant sérieusement un système déjà très tendu entre les villes et le front. Plusieurs MiG-29 ukrainiens, capables de détruire les missiles ennemis, ont également été endommagés.
«Le changement actif de trajectoires»
Mais la Russie s’est également renforcée dans un autre domaine : la programmation de ses missiles. Le compte Telegram Monitor War publie régulièrement des cartes avec les trajectoires prises par ces missiles russes. Cela peut paraître totalement aléatoire, mais en réalité il s’agit d’esquiver les batteries anti-aériennes pour se faufiler profondément en Ukraine ou de contourner les défenses pour frapper dans le dos.
Concernant les frappes dans la nuit de vendredi à samedi, War Monitor rapporte que « les traits caractéristiques de cette attaque sont le changement actif des trajectoires des missiles et le calcul de l’approche simultanée de missiles de différents types et vitesses vers l’objet immédiat de l’attaque « . Sur sa carte, ces trajectoires, dont la couleur détermine le type de missiles, sont bien visibles.
War Monitor reproduit régulièrement ce type de carte. Il y a ce missile de croisière Kh-101, tiré par un bombardier russe le 22 mars 2024 depuis le ciel russe, qui entre en Ukraine par le côté de Kharkiv, remonte vers Kiev avant de redescendre et de toucher une cible à l’ouest du pays. Il y a aussi ces drones iraniens Shahed qui survolent la Crimée avant de se diriger vers Odessa puis de zigzaguer le long de la frontière moldave et de s’écraser, encore, dans l’ouest du pays.
Cette programmation peut aussi servir de diversion. Samedi, de nombreux missiles ont été tirés vers Kiev avant de se disperser vers d’autres cibles. Une tactique qui oblige l’armée ukrainienne à concentrer d’importants moyens de défense aérienne autour de la capitale au détriment d’autres cibles stratégiques, comme les usines d’armement, les stocks de gaz ou les lignes ferroviaires qui permettront à l’aide américaine d’entrer dans le pays.
