Une initiative scientifique ambitieuse apporte des informations cruciales sur la formation, l’évolution et la résistance des tumeurs cancéreuses. Outre de nouveaux outils et de nouvelles techniques pour les étudier, nous disposons désormais des cartes les plus complètes jamais créées pour un certain nombre de tumeurs. Ce projet de cartographie du cancer, porté par le réseau Réseau Atlas des tumeurs humainesdonne un aperçu de la façon dont les tumeurs malignes se développent.
Une approche révolutionnaire pour l’étude des tumeurs
Le cancer, résultat de mutations génétiques provoquant une prolifération incontrôlée des cellules, est étudié depuis longtemps grâce à l’analyse génétique des tumeurs. Jusqu’à récemment, ces analyses ne permettaient qu’une vue d’ensemble, mélangées, de toutes les cellules d’un échantillon, rendant impossible l’identification précise de chaque type cellulaire.
Désormais, grâce à des outils de cartographie avancés et à des techniques de séquençage innovantes, il est possible de détailler la composition cellulaire des tumeurs, mettant en évidence leur structure complexe et variée. Daniel Abravanel, du Dana-Farber Cancer Institute, explique que les tumeurs sont des écosystèmes qui ne sont pas seulement composés de cellules cancéreuses mais comprennent également des cellules immunitaires et des cellules de soutien, créant ainsi un réseau complexe d’interactions.
Une équipe de chercheurs a analysé les tumeurs de près de 2 000 personnes atteintes de 20 types de cancer, en utilisant des techniques avancées pour isoler des cellules individuelles et identifier leurs fonctions spécifiques au sein des tumeurs. Ce travail minutieux a permis de cartographier précisément les cellules tumorales et d’observer leur organisation et leur évolution dans le temps.
Cartographie et analyse des microrégions tumorales
Parmi les contributeurs à cette recherche, Li Ding et son équipe de l’Université Washington de Saint-Louis ont exploré en profondeur 131 zones tumorales de 78 patients touchés par divers types de cancer, notamment du sein, du côlon et du pancréas. Grâce à une technique de séquençage cellulaire unique, ils ont pu identifier les gènes actifs dans chaque cellule. Les chercheurs ont également étudié l’organisation spatiale des cellules des tumeurs à l’aide de microscopes puissants, permettant de reconstruire des modèles 3D et de comprendre comment ces cellules interagissent entre elles.
Ils ont découvert que les cellules cancéreuses se regroupent en petites régions distinctes appelées microrégions, souvent influencées par des altérations génétiques similaires. Dans ces zones, les cellules immunitaires jouent également un rôle, avec une activité variable d’une microrégion à l’autre, ce qui apparaît comme un facteur clé dans le développement de la résistance des tumeurs aux traitements.
Origine multicellulaire de certaines tumeurs
Un autre aspect notable des recherches du Human Tumor Atlas Network concerne l’origine des tumeurs. Contrairement à l’hypothèse largement admise selon laquelle une tumeur naît généralement d’une seule cellule, Doug Winton de l’Université de Cambridge et son équipe ont découvert que certaines tumeurs, notamment celles du côlon, peuvent naître de plusieurs cellules coopérant pour former des amas cancéreux. Cette découverte a été rendue possible grâce à l’utilisation de souris génétiquement modifiées, dont les cellules se colorent lorsqu’elles se transforment en cellules cancéreuses. Environ 40 % des tumeurs du côlon observées avaient cette origine multicellulaire.
Ken Lau de l’Université Vanderbilt a également contribué à cette découverte en identifiant des biomarqueurs permettant de suivre l’évolution des tumeurs et de créer une chronologie moléculaire de leur développement. Ces biomarqueurs permettent ainsi de retracer les étapes de croissance d’une tumeur.
Grâce à cette méthode, les scientifiques ont examiné les premiers stades du cancer du côlon chez l’homme et l’animal et ont découvert que jusqu’à 30 % d’entre eux avaient une origine multicellulaire. Selon Lau, la taille d’une lésion précancéreuse du côlon est désormais le meilleur moyen de prédire si elle évoluera en cancer. Il poursuit : « Savoir comment se développe le cancer du côlon peut nous aider à dépister les lésions précancéreuses et à détecter le cancer plus tôt. »
Meilleure compréhension de la résistance et de la propagation des tumeurs
L’équipe d’Abravanel s’est concentrée sur l’étude des tumeurs métastatiques chez les patientes atteintes d’un cancer du sein, c’est-à-dire les tumeurs qui se sont propagées à d’autres organes. Contre toute attente, des biopsies réalisées à des moments différents chez un même patient se sont révélées génétiquement très similaires, remettant en cause l’idée selon laquelle les mutations évoluent significativement dans le temps au sein d’une même tumeur.
De plus, Ben Raphael de l’Université de Princeton a développé un algorithme pour mesurer la proportion de cellules cancéreuses et non cancéreuses dans une tumeur, ainsi que leurs interactions. Cet outil pourrait offrir une aide précieuse pour comprendre comment les cellules se répartissent et interagissent dans une tumeur, et donc comment la tumeur se développe et répond aux traitements.
Une analyse fine des tumeurs et de leur évolution pourrait permettre de mieux adapter les thérapies aux caractéristiques spécifiques de chaque patient, une approche qui reste aujourd’hui complexe. Comme le souligne Abravanel, le défi actuel consiste à adapter le bon traitement au bon patient, en tenant compte de la dynamique spécifique de chaque cancer. Ces nouvelles cartes et outils ouvrent ainsi la voie à des traitements plus ciblés et à une meilleure compréhension des mécanismes de résistance. De plus, voici 10 choses nocives dans votre vie quotidienne que la science relie fortement au cancer.