Pour écrire. Marguerite Duras – .

Pour écrire. Marguerite Duras – .
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« Tout a été écrit quand j’écrivais dans la maison. L’écriture était partout. Tout immergé dans l’écriture sans jamais la quitter, tel devrait être le désir de l’écrivain au sens où Marguerite Duras l’entendrait.

En lisant l’Ecriture de Duras (1914-1996), on comprend pourquoi elle affirme dans Bernard Pivot que « Sartre n’a jamais écrit ». Cette affirmation est décisive, voire catégorique, et elle change notre conception de l’écriture.

En effet, de tels propos contre Sartre ne sont ni les mots d’un écrivain, ni ceux d’un provocateur. Preuve en est, Duras a consacré un livre à l’écriture pour l’expliquer.
Et cela rejoint ce que disait Céline, interrogée sur Giono, que « c’est insignifiant, insinue-t-il », avant d’ajouter que chaque génération ne connaît qu’un écrivain, deux, trois au maximum.

S’il est difficile d’écrire sur l’écriture, force est de constater que Duras a relevé le défi. À quel point est-il difficile d’écrire sur l’écriture ?

Comme c’est le cas du vrai peintre, ne pouvant parler de sa peinture, il en est de même de l’écrivain qui se sent dans un état d’inertie dès qu’il s’agit de parler d’écriture.

D’où le fait qu’en écoutant l’écrivain prendre l’écriture au sérieux, on est frappé de constater qu’il a du mal à parler d’ELLE, sa propre Muse, l’ÉCRITURE. Ainsi, ELLE lui interdit de parler d’ELLE, de sorte qu’il ne trouve d’autre issue que de parler autour et de manière détournée, profitant entre autres des personnages et de l’histoire.
Mais qu’est-ce qu’écrire ?

Une question de solitude, avant tout. Parce qu’il existe une « solitude de l’écriture », celle-ci est intimement liée à l’acte d’écrire.
« Il faut toujours qu’il y ait une séparation des autres personnes autour de la personne qui écrit les livres. C’est solitaire.

La solitude est créée par l’écrivain lui-même ; il l’a fait pour lui, lui pour ELLE.
« On ne trouve pas la solitude, on la crée. La solitude arrive seule. Je l’ai fait.”
Pas seulement. Car l’écriture n’en reste pas moins sauvage !
« Cela rend l’écriture sauvage. Nous revenons à une sauvagerie d’avant la vie.
L’ironie exige !

L’écrivain se sent sauvage, et c’est vrai ! Après tout, c’est la meilleure façon d’être ironique jusqu’au bout. L’ironie, on le sait, est ce qui reste à l’écrivain quand tout lui a été enlevé.
Anselm Kiefer nous dit : « Les artistes pensent toujours qu’il existe la possibilité de créer un nouveau monde », ce monde « avant la vie ».

Mais il suffit d’écouter Duras lorsqu’il s’exprime avec sagesse : « Cassons tout et recommençons ». Catégorique! ils ont répondu, comme toujours !
Déception totale de l’écrivain, d’où sa solitude, qu’il se fait, qu’il est obligé de se créer. Il est obligé d’être seul jusqu’à ce qu’il n’y ait plus personne à qui parler.
Aucun espoir pour lui, et il le sait. C’est le maudit, pour toujours !
Sa place est dans l’écriture, c’est-à-dire dans la solitude. Pourtant, cette solitude est gratuite et elle n’a aucune limite. C’est le lieu de l’illimité, de l’écriture. Elle incarne l’esprit de l’enfant qui croit que tout est possible.

Mais le sens de l’écriture ne s’arrête pas là pour Duras :
« L’écriture va un long chemin… Jusqu’à ce qu’on y mette un terme… »
Et il n’y a pas que les hommes qui écrivent, les mouches aussi !

« Autour de nous, tout est écrit, c’est ce qu’il faut pouvoir percevoir, tout écrit, la mouche, écrit-elle, sur les murs, elle a beaucoup écrit dans la lumière de la grande salle, réfractée par l’étang. Cela pourrait tenir sur une page entière, l’écriture de la mouche. Ensuite, ce serait écrire. A partir du moment où cela pourrait l’être, c’est déjà une écriture. Un jour peut-être, dans les siècles à venir, cet écrit sera lu, lui aussi déchiffré et traduit. Et l’immensité d’un poème illisible se déploierait dans le ciel.
Et que, pour être perçu, il faut de la folie, accompagnée de solitude, car « la solitude s’accompagne toujours de folie ».

Vient enfin la délivrance que la nuit offre à l’écrivain, et cela n’est possible que par l’écriture. Cela vous rend libre d’écrire. Mieux : écrire est une affaire de lucidité, une lucidité qui trouve son point de départ dans l’ironie.

« La délivrance, c’est quand la nuit commence à s’installer. Quand le travail s’arrête dehors. Reste le luxe que nous avons de pouvoir écrire là-dessus la nuit. Nous pouvons écrire à tout moment. Nous ne sommes pas punis par des ordres, des horaires, des patrons, des armes, des amendes, des insultes, des flics, des patrons et des patrons. Et les poules couvantes des fascismes de demain.»

Par Najib Allioui

 
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