« Quartier-mère », les éclats de mémoire de Francesco Pittau (Beloeil)

Des petits riens, du grand tout

Francesco Pittau reprend des petits faits de la vie qui ont touché une corde sensible :« le vieux chêne n’aboie plus/il n’a plus rendu la voix/une nuit dans le hangar/de l’Espagnol avec sa bouche/d’argile et de colère… ». Le simple fait de pointer ce qui existe (ou n’existe plus) aboutit à une explication ou à une conséquence qui rebondit pour mieux dire. L’imagination s’en mêle, tout comme la précision. Et le lecteur peut déambuler à sa guise dans une histoire qui fonce vers l’ailleurs, se l’approprier, la laisser s’échapper, ou l’arrêter dans son élan. “Contre le béton qui borde la/tortue/des bosses/j’entends le toc/tac tac tac/de sa carapace/qui revient/toutes les deux/secondes avec/une constance/qui bientôt ponctue/ma propre respiration.»

Sans titre, chaque récit poétique engloutit un personnage, une anecdote, une idée qui surgit et repart. “Après l’accident/il a gardé/la cabossée/la portière de sa voiture… » Fait divers, bulle, arrêt sur image, photo, pensée ? Chaque page, cinématographique à souhait, vous invite à l’aventure. L’instantané révèle un pouvoir de suggestion qui éveille une réponse, permet d’accéder à la détresse, au conflit, à un soupçon de bonheur. C’est un art poétique qui scintille, brille. Parce qu’il donne envie d’accompagner un geste, une action, dans sa perspective insolite. “La petite pièce a roulé/rling – ling – ling/disparu dans l’ombre… » Et celle-ci, complète, qui se rapproche du titre de la nouvelle collection : «Penché par la fenêtre – /guillotine étourdie par/la bière et le whisky/tu goûtes la ville/comme un quartier d’orange.

C’est dans un quartier familier que Francesco Pittau observait, imaginait, recueillait de courts textes suggestifs. Réalité, mirage ? Pas grave. Chaque événement donne lieu à un développement qui en fait une histoire. Et nous y croyons fermement, car c’est écrit.

« Quartier-Mère », Francesco Pittau, éd. L’Arbre à Mots, 14 €