François Tanguy est décédé le 7 décembre 2022 à l’âge de 67 ans, après avoir orchestré la prodigieuse aventure du Théâtre du Radeau, cofondé au Mans en 1977 par Laurence Chable. Ce dernier, dans un livre d’entretiens avec Olivier Neveux, intitulé la voix sur l’épaule. Dans le passé de François Tanguypermet d’envisager au plus près la figure électrisante et secrète de celle dans les créations de laquelle elle a joué et vécu les gestations obsédantes1.
Ceci depuis Dom Juan (1982) jusqu’à Par autan (2022), Article (2019), Secousse, Passim, Recherche, Coda, Bataille du Tagliamento Chant du bouc, Jeu Faustetc., autant de titres phares désormais inscrits dans les annales d’un théâtre de l’invention littéralement inouï. L’échange est fascinant à lire. Des questions très précises de Neveux, on voit se dénouer peu à peu chez son interlocuteur des définitions subtiles, aléatoires, capables de signifier la méthode d’un homme qui, en fait, n’en avait pas.
Ce qui faisait tout le mystère bienfaisant de l’ensemble de son œuvre.
Ainsi se dessine, ligne après ligne, le portrait rétroactif et sensible d’un bricoleur de génie aux mains pleines de livres à partager, solitaire, avec tous les peuples fraternels, d’un homme au concret le plus immédiat, obsédé par la philosophie, la poésie, la musique et les enchantements multiples. difficile à pénétrer, ce qui faisait tout le mystère bienfaisant de toute son œuvre. La matière même du théâtre de Tanguy et de sa famille, de sa texture archaïque à ses grands airs artificiels d’opéra historique, est alors magnifiquement passé au crible par celui qui fut, par excellence, le regard en coin et le cœur ému d’une compagnie d’art d’exception. .
S’il existe, évidemment, une utopie durable dans la Fonderie et ses alliés sur place, lieu de ces conversations, on retrouve encore chez Tanguy l’homme des justes combats hors scène, jusque sur le théâtre d’opérations, à Sarajevo notamment, au l’apogée de la soi-disant guerre balkanique. À la fin de l’ouvrage, une poignée de ses écrits donnent le ton de sa prose ferme et cursive, voilée d’une vertu précieuse et modeste d’auto-ironie.
Kafka, Dostoïevski, Paul Celan, Ezra Pound, poètes de tous bords furent ses constantes inspirations, tout comme il eut le courage d’imaginer que d’un bref discours dans un gromelot pouvait surgir un carrefour grotesque de l’épopée humaine. L’humour sacré de François Tanguy irrigue aussi, l’air de rien, la plupart de ces pages ferventes, où se mesure le mieux la douleur de sa perte, dans une série de questions et de réponses qui la livrent sans déguisement, ne serait-ce que comme ça il faut finalement l’aimer.
Plus proche de ceux qui créent
Humanité a toujours revendiqué l’idée que la culture n’est pas une marchandiseque c’est une condition de la vie politique et de l’émancipation humaine.
Face aux politiques culturelles libérales, qui fragilisent le service public de la culture, le journal fait état de la résistance des créateurs et de l’ensemble des personnels culturels, mais aussi de la solidarité des publics.
Des prises de position insolites, audacieuses et singulières sont la marque des pages culture du journal. Nos journalistes explorent les coulisses du monde de la culture et la genèse des œuvres qui font et bousculent l’actualité.
Aidez-nous à défendre une idée ambitieuse de la culture !
Je veux en savoir plus !