En terrasse avec Catherine Dorion

(Québec) Cet été, nos journalistes passent chaque semaine du temps en terrasse avec une personnalité pour une discussion conviviale. Luc Boulanger a rencontré Catherine Dorion, qui revient à l’art après un passage mouvementé en politique.


Publié à 1h32

Mis à jour à 5h00



Catherine Dorion est désolée pour la journaliste. Elle a donné rendez-vous sur une terrasse près de chez elle, sur le chemin de la Canardière, dans le quartier Limoilou à Québec. Mais un chantier de construction perturbe notre conversation. Nous nous installerons à l’intérieur pour la suite de l’entrevue, au cours de laquelle la femme se confie sans filtre. Avec générosité.

Dans son travail Têtes brûlées (Lux Éditeur), vendu à plus de 10 000 exemplaires, l’ancienne députée raconte le tourbillon de sa vie à l’Assemblée nationale ; « un théâtre politique pauvre et moisi où la lumière n’est jamais entrée », écrit-elle. « Catherine a eu un chagrin d’amour avec la politique. C’est ce qui ressort de son livre», raconte son ancien professeur et mentor au Conservatoire de Québec Marc Doré.

Ses divergences avec l’élite politico-médiatique et les bonzes de Québec solidaire sont bien connues. La presse Nous ne sommes donc pas allés à sa rencontre pour revenir sur ce chapitre bien documenté. Nous préférons lui parler de sa vision artistique, de la place des poètes dans la sphère politique. Avec le recul, était-ce utopique de vouloir changer l’institution de l’intérieur ?

Mon objectif n’était pas de changer l’institution de l’intérieur. Mais utiliser les outils et les ressources du Parlement, de la Maison du Peuple, pour rapprocher la politique des mouvements citoyens. Et cela a bien fonctionné sur le terrain.

Catherine Dorion

Eh bien… On aurait pu croire le contraire. « Ce qui n’a pas fonctionné, rétorque Dorion, c’est le vieux brevet politique, les batailles psychologiques pour avoir plus de pouvoir, les mensonges, la manipulation, etc. Mais je n’ai aucun regret. Je ne suis pas du tout amer. Je suis fier d’avoir tenu le coup. » pendant quatre ans, sans m’inquiéter auparavant. Grâce au soutien des citoyens. »

PHOTO FRANCIS VACHON, COLLABORATION SPÉCIALE

L’ancienne députée solidaire Catherine Dorion discute avec le journaliste Luc Boulanger, sur la terrasse de la Brasserie La Souche, à Québec.

Le mépris des élites

Durant son mandat de députée de Taschereau, Mme.moi Dorion a toujours revendiqué fièrement son statut d’artiste. Comment les artistes comme elle sont-ils accueillis au Salon bleu ? « Le milieu politique est diversifié. Tout le monde n’était pas contre moi. Je crois que nous avons autant notre place à l’Assemblée nationale que les médecins, les avocats, les gens d’affaires et les entrepreneurs qui y siègent. Et qui se sentent tous légitimes à voter des projets de loi. »

À ses yeux, la difficulté de reconnaître l’expertise des artistes au Parlement va au-delà de ce lieu emblématique. « Cela illustre à quel point, dans les cercles de pouvoir, l’art n’est pas important », dit-elle.

La recherche de sens, d’émotion, de création, l’élite au pouvoir considère que c’est idiot, enfantin, pelleteur de nuages… J’ai ressenti ce mépris au plus profond de moi !

Catherine Dorion

Le pouvoir de l’affect

PHOTO FRANCIS VACHON, COLLABORATION SPÉCIALE

Catherine Dorion : « Le Conservatoire [d’art dramatique] m’a radicalement transformé ! »

Pourtant, Jacques Parizeau déclarait un jour à la télévision : « La Révolution tranquille fut l’œuvre de quatre ministres, d’une vingtaine de fonctionnaires et d’une vingtaine de chanteurs et poètes. » Dans les années 1960 et 1970, les artistes étaient à l’avant-garde du théâtre politique. D’ailleurs, dans son livre, Dorion parle de l’enthousiasme des comédiennes de l’époque.

Nous lui avons dit que ce passage nous rappelait la soirée du 15 novembre 1976. Alors que la victoire des candidats du PQ au Centre Paul-Sauvé était annoncée par Denise Filliatrault, Pauline Julien, Doris Lussier… « Oui, tous des artistes! », ajoute Dorion.

« Aujourd’hui, la politique, surtout à gauche, est monopolisée par des gens convaincus que ce qui est important, c’est le rationnel, le cartésien. Mais en réalité, la plupart des gens ne fonctionnent pas comme ça. Depuis la nuit des temps, les humains ont fait des choses étranges, irrationnelles. Nos traditions [culturelles, religieuses] sont motivés par la croyance en des choses invisibles, non calculables, mais très importantes dans nos vies. »

Sortez de votre tête

« Catherine, en tant qu’artiste avant sa vie politique, n’était déjà pas flatteuse dans la bonne direction. Ses propos étaient déjà très engagés, en marge, sensibles et courageux. Au Conservatoire, elle était très douée pour faire le clown. A la fois drôle, un peu irrévérencieux et touchant. On sentait l’enfant en elle», se souvient la réalisatrice Maryse Lapierre, qui a connu l’ancien député à l’école de théâtre au début des années 2000.

La principale concernée se souvient très bien de ses années de formation. « Le Conservatoire m’a radicalement transformée ! À 19 ans, j’étais bien dans ma tête. J’étais habile dans le jeu naturaliste, mais dès qu’il s’agissait d’aller dans les émotions, les sentiments… je bloquais ! Heureusement, j’ai eu des professeurs extraordinaires ! De vrais maîtres et pédagogues, comme Paule Savard et Marc Doré, qui m’ont fait sortir de ma zone de confort. »

Après ses études, Catherine Dorion fonde avec elle ami de l’époque, Nicola-Frank Vachon, de la compagnie Le souci collectif (sic). Et crée des spectacles « marquants », comme Putain de tout ou Quand le sage montre la lune, le fou regarde le doigtL’actrice aime particulièrement l’improvisation, le théâtre farcesque, le clown. Pour retrouver « cet état de pure innocence, sans passer par l’intellect ».

PHOTO FRANCIS VACHON, COLLABORATION SPÉCIALE

Catherine Dorion : « Au Québec, il y a plus de choses qui nous rassemblent que de choses qui nous divisent. »

Le [jeu de] Le clown nous montre ce que nous ressentons dans la tendresse, la joie, le désir. Pour nous amener à prendre soin des autres. Pour moi, c’est à la fois une critique sociale et une clé pour sortir de l’immobilité actuelle.

Catherine Dorion

Catherine Dorion ne se qualifie pas pour autant de « femme de théâtre ». Elle préfère de loin la création au répertoire. Ce n’est pas demain qu’on la verra sur la scène du TNM dans le rôle de Lady Macbeth… Même si elle ne ferme aucune porte.

Le retour du théâtre engagé

Alors qu’elle se mobilise ardemment contre l’état des choses, Catherine Dorion se montre enthousiaste face à l’avenir du monde. « Au Québec, il y a plus de choses qui nous unissent que de choses qui nous divisent », affirme-t-elle.

« Quand j’ai quitté le Conservatoire, il y a 20 ans, je voulais faire du théâtre politique. À l’époque, tout le monde me disait que l’art engagé était de la naphtaline. Aujourd’hui, l’activisme théâtral est à la mode, dans les programmations et les festivals. Je trouve cela très positif. »

PHOTO FRANCIS VACHON, COLLABORATION SPÉCIALE

Catherine Dorion prépare un nouveau spectacle de théâtre.

Le pouvoir de l’art est de reconnecter la politique au cœur, à l’espoir, à l’élan collectif.

Catherine Dorion

Catherine Dorion revient au théâtre pour son prochain projet, Sciences po 101Sous-titre : Traité d’insubordination à l’usage du monde réel. Un spectacle « immersif et extraordinaire » qui sera créé en février 2025 au Grand Théâtre de Québec, avec le metteur en scène Alexandre Fecteau et le créateur Vincent Massé-Gagné. Avant d’être présenté à Montréal, puis en tournée au Québec.

L’artiste sera très occupée dans les prochains mois. Dorion réalisera également un film documentaire et elle souhaite écrire deux autres livres après la création de l’exposition. « Les gens pensent que je suis déprimée parce que je pointe constamment du doigt ce qui ne va pas dans le système. Pour moi, le désespoir n’est pas une option. Apporter de la lumière à travers l’obscurité de la caverne, c’est notre travail, en tant qu’artistes. »

Dans son livre, comme dans ses propres mots, un mot lui revient toujours. Ce mot, c’est la liberté. Peut-on être totalement et radicalement libre ? Notre liberté s’arrête là où commence celle des autres, dit-on.

« Bien sûr que non », répond l’artiste. En tant qu’êtres humains, nous sommes complètement dépendants. Cependant, nous devons choisir nos dépendances. Actuellement, nous sommes dépendants d’un système économique qui nous exploite et ne nous aime pas. Nous devons être dépendants des personnes que nous aimons et qui nous aiment.

– Plus concrètement ?

— Votre communauté. Votre famille, vos amis, votre quartier. Peu importe. Pour moi, c’est ça la liberté.

Questionnaire d’été

À quoi ressemble votre été idéal ?

Un été où il ne se passe rien ! Un agenda complètement vide ! Une longue pause dans les horaires imposés, comme dans les étés de mon enfance, avec des journées qui s’improvisent au fil du temps.

Des livres que vous avez envie de lire sans faute cet été ?

La condition de l’homme moderne, d’Hannah Arendt ; Alexeï Navalny : l’homme qui défie Poutine, de Jan Matti Dollbaum, Morvan Lallouet et Ben Noble ; Politique des chimpanzés, de Frans de Waal; et Amour et révolution, de Johanna Silva.

Un événement historique que vous auriez aimé vivre ?

La Révolution espagnole de 1936. L’été 1969 à la Maison du Pêcheur à Percé. L’élection de Salvador Allende au Chili en 1970. La première élection du Parti québécois en 1976.

Si l’Assemblée nationale était un théâtre, serions-nous au TNM, au Diamant, chez Duceppe ?

Dans un jeu d’improvisation à la Cage aux sports, avec des bons moments et d’autres un peu trop longs…

Qui est Catherine Dorion?

  • Né le 30 septembre 1982 à Québec
  • A étudié le théâtre au Conservatoire d’art dramatique de Québec de 2001 à 2004.
  • Jouer dans le spectacle Le NoShowen tournée en Europe en 2015 et 2017.
  • A été élu membre du parti Québec solidaire dans Taschereau en 2018.
  • A annoncé qu’elle ne se présenterait pas comme députée le 1est avril 2022.

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