«amertume», «énorme gâchis», «tristesse»… dernier jour des salariés de l’expert nucléaire, avant leur absorption

«amertume», «énorme gâchis», «tristesse»… dernier jour des salariés de l’expert nucléaire, avant leur absorption
«amertume», «énorme gâchis», «tristesse»… dernier jour des salariés de l’expert nucléaire, avant leur absorption

En arrivant mercredi 11 décembre au cocktail de Noël organisé par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) où elle travaille depuis de nombreuses années, Mathilde (1) a senti son cœur se serrer. La soirée avait une saveur particulière cette année. C’était en effet la dernière fois que des agents étaient invités à se réunir en tant qu’agents de l’IRSN. Dès la rentrée, l’organisme indépendant n’existera plus. Le traditionnel discours du directeur général, Jean-Christophe Niel, s’est donc transformé en un poignant hommage au millier de salariés de l’organisme chargé de produire l’expertise sur le nucléaire.

Ce soir de festivités si particulières, François Jeffroy, représentant CFDT, s’est également exprimé au nom de l’intersyndicale. “ Je l’ai remercié, à mon tour, pour sa ténacité, son honnêteté intellectuelle et surtout d’avoir laissé les salariés se mobiliser sans entraver le combat.rappelle l’expert. Rideau donc sur le très apprécié directeur général en charge depuis 2016. Et place à Pierre-Marie Abadie, qui a pris les rênes de l’ASN mi-novembre après avoir été proposé par l’Élysée pour diriger la future ASNR.

Neuf jours plus tard, ce vendredi 20 décembre, veille des quinze jours de vacances obligatoires, pour l’élu cdiste « un goût très amer » et “l’apparence d’un enterrement”. La fusion controversée de l’institut avec l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), l’organisme de surveillance du nucléaire, prendra effet au 1er janvier 2025, conformément à la loi du 21 mai 2024 relative à la gouvernance de la sûreté nucléaire, portée par la présidentielle. camp, la droite et, au dernier moment, par le Rassemblement National, face à un front de gauche uni, pro et antinucléaire, et vivement critiqué par de nombreux experts et associations.

La création de la nouvelle Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) implique notamment que l’IRSN, dont les 1 800 salariés ont des contrats de droit privé, soit absorbé par l’ASN, dont les 530 agents salariés sont fonctionnaires et contractuels. du droit public. Une opération colossale, mais surtout inédite, dont la méthodologie est encore loin d’être clairement établie.

“C’est très éprouvant”

“Cette période est extrêmement difficile pour nous tous, qui nous sommes mobilisés depuis deux ans pour empêcher cette fusion, dans l’intérêt général”confie Mathilde, la voix tremblante. Très attachée à l’IRSN, aux missions et à l’indépendance de l’organisation, elle verra après les vacances sa gestion fonctionnelle se mélanger à celle correspondant au gendarme nucléaire. « Le collège de l’ASN aura toujours le dernier mot puisqu’il nous absorbe »s’inquiète Mathilde, qui craint de perdre le sens de son travail et compare ce processus à celui du deuil. « Une véritable séparation entre expertise et prise de décision est essentielle pour le bien commun »se souvient-elle avant de conclure, dégoûtée : “C’est juste du gaspillage”.

De son côté, l’ingénieur de recherche en thermohydraulique, Pierre Ruyer alerte sur le risque de dégradation des missions du secteur de la recherche qui représente actuellement 40 % du budget de l’IRSN et rassemble près de 500 personnes. “C’est très difficile de comprendre comment les choses vont évoluer pour nous”explique-t-il, ému lui aussi. « A partir de janvier nous ne dépendrons plus du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, mais d’une autorité administrative. C’est déjà un défi en soi, c’est un saut dans l’inconnuajoute Pierre Ruyer. Nous n’avons aucune adversité envers nos futurs collègues, mais nous n’avons absolument pas les mêmes réalités, contraintes ou culture ».

Les inquiétudes, préexistantes à la promulgation de la loi, se matérialisent à mesure que la date de la fusion approche. La manière dont les personnels de droit privé et public vont coopérer est loin d’être évidente et des deux côtés, on craint d’être écrasés, de devoir finalement évaluer et décider. En 2025, les services qui seront juxtaposés devraient rester intacts, jusqu’à la prochaine étape, en 2026. Un saut dans l’inconnu, encore plus imminent pour les unités fonctionnelles et supports, et sera mixte à partir du 2 janvier.

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