“On l’oublie mais on peut aller si loin en train”, confie Kevin Deblaere, aventurier du rail qui partage ses expériences sur internet

“On l’oublie mais on peut aller si loin en train”, confie Kevin Deblaere, aventurier du rail qui partage ses expériences sur internet
“On l’oublie mais on peut aller si loin en train”, confie Kevin Deblaere, aventurier du rail qui partage ses expériences sur internet

En quoi le voyage en train est-il différent du vol ou de la conduite automobile ?

Je tiens à dire que nous avons tous une gare près de chez nous. Un aéroport est un peu plus complexe. Depuis Verviers, il faut se rendre à Charleroi ou à Bruxelles. Nous avons donc déjà un voyage à faire qui n’est pas inclus dans le billet. Lorsque vous prenez le train depuis Verviers, vous pouvez vous rendre directement à Francfort, Berlin, ou même plus loin, sans avoir recours à la voiture car vous pouvez vous rendre à la gare par les transports en commun. Ensuite, c’est plus calme et nous ne sommes pas soumis aux restrictions de valises, etc. Ils ne nous facturent pas si nous avons 3 kg supplémentaires. Il ne faut pas non plus avoir peur de prendre une poussette, si vous avez un enfant, pour voyager en train. Cela prend plus de temps mais c’est plus simple.

Sur internet, tu racontes tes aventures mais vous donnez aussi de bons conseils et partagez vos itinéraires. Est-ce important pour vous de discuter de ce sujet avec d’autres ?

En gros, j’ai partagé cela sur mon profil Facebook privé. Ensuite, un collègue m’a dit que je devrais faire une page pour montrer ces voyages aux autres parce que c’est quelque chose qu’on ne connaît pas et qui donne envie. J’ai essayé ça. J’ai remarqué que cela prenait de plus en plus d’ampleur et que cela intéressait effectivement pas mal de gens. J’ai beaucoup de retours positifs.

J’aime aussi montrer mon voyage en direct, y compris les plus inattendus.

Qu’est-ce qui vous plaît dans ce moyen de transport ?

Honnêtement, c’est une découverte. On ne s’en rend pas compte ou on l’oublie mais on peut aller aussi loin en train. Lorsque nous arrivons à destination, nous nous rendons alors compte de la distance parcourue. J’aime aussi le fait que ça permet de découvrir d’autres cultures, d’autres choses. Pour ma part, j’ai commencé ces voyages en 2017 et j’ai déjà traversé plus de 26 pays. Cet été, je suis par exemple allé à Istanbul.

Avec un objectif particulier ?

J’aimerais visiter autant de pays d’Europe que possible. J’ai une carte sur laquelle je trace les lignes utilisées.

Si vous deviez citer les plus belles destinations de votre longue liste de voyage, quelles seraient-elles ?

Laponie. C’est le numéro 1 sur ma liste. C’était en novembre 2020. Il y a une petite particularité, c’est que le train, entre la Suède et la Finlande, ne traverse pas la frontière car l’écartement des voies est différent. Le train s’arrête et il faut traverser la frontière à pied. Et il y a une heure de décalage entre les deux pays. J’ai ensuite pris un bus et j’ai suivi avec un dernier train jusqu’au village du Père Noël. En général, lorsque je voyage, j’aime partir dans un sens et revenir dans un autre. Je trouve ça cool. J’ai aussi adoré le Portugal et le sud de l’Espagne. Je suis allé jusqu’à Albufeira et Malaga. Ces destinations sont aussi des portes d’entrée vers l’Afrique. Vous pouvez continuer la route en bateau. Avec le train, on sait aussi aller dans les îles, par exemple je suis allé en Irlande. J’ai traversé l’Angleterre puis pris un bateau. En une journée, c’est possible. Il existe même un billet Londres-Dublin, avec le bateau inclus.

Le premier voyage que j’ai fait avec ma fille, c’était au Cap d’Agde, pour le tester. Nous sommes partis en train de jour et sommes revenus en train de nuit. Deux semaines plus tard, nous sommes partis en Corse, à Ajaccio. Nous avons pris le TGV dans la journée. Le soir, nous y avons pris le bateau et sommes arrivés le lendemain matin. Avec les trains Ouigo, c’est vraiment intéressant.

Quels endroits rêvez-vous de visiter dans les années à venir ?

Norvège. C’est « LE » pays où je ne suis pas encore allé. Je n’ai pas encore eu le temps d’y aller. C’est super accessible car il y a un train de jour de Hambourg à Copenhague et un train de nuit de Hambourg à Stockholm, avec des liaisons directes vers la Norvège. J’aimerais y aller en hiver et monter le plus haut possible, jusqu’à la gare de Narvik. J’aimerais aussi aller en Grèce. On sait peu de choses, mais vous pouvez vous rendre à Bari en train puis y prendre le bateau.

Avez-vous déjà pris l’avion ?

Jamais. Pour moi, ce serait un mode sauvegarde, une sauvegarde si je dois revenir rapidement ou si quelque chose arrive. Mais je ne juge pas du tout les gens qui volent. Je suis juste là pour faire découvrir aux gens qu’il est possible de voyager facilement en train. Dans cette optique, je participe également chaque année au Relais des voyageurs à Namur (organisé les 19 et 20 avril 2025) pour répondre aux questions des visiteurs.

Seul ou en famille, Kevin Deblaere opte toujours pour le rail. “Il ne faut pas avoir peur de partir avec un enfant.” ©KevTravelTrain

« Partir en milieu de semaine peut vraiment être intéressant »

On entend souvent dire que voyager en train est lent, que cela coûte cher et que c’est compliqué, car nous sommes dépendants des retards ou d’autres grèves. Vous confirmez ?

J’entends ça tout le temps aussi. Prenons l’exemple de Marseille. Beaucoup me disent qu’ils y vont en avion, parce que c’est moins cher. Mais vous avez besoin d’un transport jusqu’à l’aéroport. Il faut arriver plus tôt pour s’enregistrer. Ensuite, oui, nous serons peut-être là dans 2 heures mais il faut quand même récupérer ses bagages, quitter l’aéroport pour arriver à Marseille. A l’inverse, avec le train, on passe d’un centre-ville à un centre-ville. Beaucoup l’oublient. J’ai déjà fait des calculs pour les personnes qui partaient en avion, en comparant avec le train. Il y avait peut-être 30 minutes de différence avec l’avion mais avec 5€ de différence sur le tarif.

Il n’est pas forcément évident de s’y retrouver entre les différentes compagnies ferroviaires, notamment en Europe. Lorsqu’on fait des recherches, on a parfois l’impression que cela coûte très cher. Cependant, comme vous le démontrez, il est possible de s’en sortir à des prix tout à fait abordables. Quels conseils donneriez-vous ?

Il y a quelques jours, j’ai trouvé un billet Aix-la-Chapelle – Berlin, un vendredi après-midi de février, pour 4,45 €, sans changement. Verviers-Aix, c’est une affaire de 6 ou 7 €. Pour 12 €, vous pouvez être à Berlin. Le mieux est de savoir avec quelle compagnie vous voyagez pour accéder à leur site. Ici, c’est avec la compagnie FlixTrain (comme les bus) qui circule en Allemagne et exploite plusieurs lignes. Le célèbre site Trainline, qui est un comparateur, peut être intéressant mais il n’enverra pas de message en cas de problème ou de retard dans un train. Si vous passez par la plateforme officielle (Eurostar, ICE, etc.), vous êtes prévenu.

La clé du succès pour des vacances en train réussies, c’est avant tout l’organisation ?

Complètement. Plus cela sera planifié tôt, moins cela coûtera cher. Si on sait partir en milieu de semaine, ça peut vraiment être intéressant. Il y a moins de monde dans les trains donc les prix sont moins chers. Même aux heures de pointe, cela reste correct. Récemment, j’ai regardé Liège-Copenhague et on pouvait le faire pour 55 €. Nous sommes partis à 7 heures du matin et à 19 heures nous sommes arrivés à Copenhague.

Ce qui est compliqué, c’est que toutes les compagnies n’ouvrent pas leur vente de billets en même temps. Pour l’été, c’est souvent fin mars, début avril. Prendre un pass Interrail peut aussi être intéressant financièrement, d’autant qu’il permet de faire des arrêts. Et c’est gratuit pour les enfants jusqu’à 11 ans.

Ces derniers mois, on assiste à un retour des trains de nuit. Une bonne chose ?

Je suis d’accord à 100%, je trouve ça génial car on met les transports en sommeil. On part de Bruxelles ou de Liège et on se réveille le lendemain dans un autre pays. Nous arrivons le matin, frais et dispos. Dès que je peux inclure un train de nuit dans mes déplacements, je l’inclus car cela permet de gagner du temps et de l’argent : c’est une nuit d’hôtel qu’on n’a pas à payer. Si je dépense 100 ou 110 € pour un voyage, je me souviens que j’aurais peut-être dépensé 80 ou 90 € pour un hôtel. Mon billet coûte alors entre 20 et 25 €.

Quelles destinations sont disponibles chez nous ?

Depuis la Belgique, deux trains sont disponibles : le Nightjet et le European Sleeper. Le Nightjet dessert Bruxelles-Liège-Berlin-Vienne. Pendant la nuit, une partie du train se rend à Berlin, l’autre à Vienne. Ensuite, il y a le European Sleeper qui se rend à Prague. En février et mars, un train saisonnier relie Innsbruck, dans le Tyrol autrichien, et Venise. J’ai déjà mes billets. Il y avait une promotion, donc ça m’a coûté 40 € pour voyager de Bruxelles à Venise en train de nuit. Et ce sont des billets remboursables sous 48 heures, ce qui est également intéressant.

Est-ce amusant de voyager de cette façon avec des enfants ?

Vous n’avez pas à avoir peur. On pourrait dire qu’il serait contraignant de partir avec des poussettes et de préparer les repas. Ma fille et moi sommes allés à Vienne il y a quelques jours. Dans le train de nuit, il y a de quoi vous réchauffer. Nous avons privatisé le compartiment du wagon-lit, ainsi nous étions tranquilles et le petit pouvait jouer sans déranger les gens. Pour la Corse, j’avais prévu une pause de deux ou trois heures à Paris pour avoir le temps de changer de gare et de lui donner à manger quelque chose de chaud. À notre retour de Vienne, nous sommes entrés dans ICE et avons pris un compartiment « enfant ». Nous avions un espace clos dans lequel elle pouvait jouer. Nous y avons passé 6 heures et le petit ne s’est même pas ennuyé. Il y a même des tables à langer. En Suisse, il existe également des compartiments avec des espaces de jeux.

L’enchaînement des connexions est-il risqué ?

Personnellement, j’essaie de les limiter. Mais quand je les ai, j’essaie de ne pas les avoir pendant 10 minutes car il se passe toujours quelque chose pendant le voyage. Nous ne sommes jamais à l’heure partout. Je prévois donc une correspondance un peu plus longue mais cela me permet d’aller manger ou même de sortir de la gare pour visiter un peu la ville. Cela me permet aussi de recharger mes batteries entre deux trains. Et ça évite le stress.

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