Roxane Stojanov, portrait de la nouvelle star de l’Opéra de Paris

Roxane Stojanov, portrait de la nouvelle star de l’Opéra de Paris
Roxane Stojanov, portrait de la nouvelle star de l’Opéra de Paris

Je te le promets, elle ne s’y attendait pas. Elle assure n’avoir entendu aucune des rumeurs qui circulent à son sujet depuis des semaines dans les couloirs de l’Opéra de Paris. Ou préférerait-elle ne pas les entendre ? Ce n’est que samedi dernier, après la représentation de Paquitadans lequel elle a joué le rôle principal, que Roxana Stojanov s’autorisa à y croire. Lorsqu’elle vit le directeur de l’Opéra s’approcher de la scène Bastille, Alexandre neveu et son directeur de danse, José Martinez. Sur les images, on la voit déjà pleurer, tremblante d’émotions avant même que la phrase sacro-sainte ne soit prononcée. Roxane Stojanov, 29 ans, a été nommée étoile du Ballet de l’Opéra.

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« Je ne me souviens pas avoir jamais ressenti une émotion aussi forte », nous confie le danseur. Trois jours plus tard, jointe au téléphone, Roxane Stojanov semble toujours au septième ciel. « Je suis submergé par les messages de félicitations. C’est tellement beau, tout l’amour que je reçois. »

« Comme si je me voyais faire ça »

Le tourbillon d’émotions dans lequel elle gravite est d’autant plus puissant qu’il y a dix jours, la danseuse était d’une tout autre humeur. Le 20 décembre, elle devait danser pour la première fois ce rôle de Paquita. Le même jour, elle apprend l’annulation de la représentation, en raison d’une grève du personnel de l’Opéra. « C’est déjà un ballet très compliqué, la préparation a été dure. Mais là, j’ai dû me dire que ce n’en serait qu’un un coup. »

Une seule prestation pour briller. La ballerine raconte avoir passé quelques jours consumés par « l’appréhension de ne pas relever le défi comme nous le souhaitions ». Et finalement, le 28 décembre, le réveil fut moins douloureux que prévu. « Le soir, j’ai eu un super spectacle. J’ai vraiment tout donné. Je ne dansais pas, c’était comme si je me voyais en train de le faire. Tout semblait si naturel. Nous étions Paquita et Lucien, pas Thomas [Docquir, son partenaire] et Roxane. »

Si cela surprend le principal concerné, la nomination de Roxane Stojanov au plus haut rang était anticipée par la communauté des amateurs de ballet. Le 6 décembre, Salon de la vanité, l’avait également longuement rencontrée. Sélectionnée dans le classement des 25 nouveaux visages qui feront 2025, la danseuse a ensuite pris le temps de revenir sur son étrange itinéraire.

Fée Clochette

Elle a grandi avec une mère picarde traductrice et interprète et un père diplomate macédonien. Alors pour imaginer l’enfance de Roxane Stojanov, il faut déplier une carte. Elle est née à Auch (Gers) dans la maison de ses grands-parents, a passé quelques mois à Lille, puis « Bruxelles, Macédoine, et retour à Bruxelles. »

Petite fille virevoltante, elle danse dès son plus jeune âge. Sa mère aime l’opéra, alors elle commence à improviser sur Carmen par Bizet. Pour canaliser cette envie de danser, ses parents l’inscrivent à des cours d’oro, la danse traditionnelle de Macédoine où elle vivait entre 6 et 9 ans. Elle se souvient aussi d’avoir interprété la Fée Clochette à 9 ans, « dans une sorte de comédie musicale où je chantais lecture.” Déjà, elle est un peu émoustillée par la scène. C’est donc à huit ans et demi, et pas avant, qu’elle prend ses premiers cours de danse classique. « Avant, les professeurs ne voulaient pas m’accepter, de peur que cela n’entrave ma croissance. » Mais lorsqu’elle démarre, la jeune Roxane est immédiatement mise à la barre. « Je me souviens très bien de cette exigence, celles pliées d’abord, celles libérées ensuite. » Une rigueur est-européenne, qui ne lui fait pas peur : « Au contraire, j’ai aimé ça. »

A 10 ans, elle rentre en Belgique, avec un seul objectif en tête : pouvoir s’inscrire à la danse. Après quelques mois, son nouveau professeur lui propose de commencer les pointes. « C’était le jour le plus beau de ma vie et en même temps je n’y arrivais pas. C’était l’enfer mais j’ai dit « je m’y mettrai au prochain cours ». Et au cours suivant, j’y étais. » Ce célèbre professeur lui a également parlé de l’école de danse de l’Opéra de Paris. Elle lui explique le principe : école le matin, danse l’après-midi. Elle lui conseille également de regarder des documentaires sur cet établissement un peu particulier. On montre la dureté de l’enseignement, on filme des enfants en larmes. « À mon professeur, j’ai répondu : « J’irai mais je ne pleurerai pas. » Je ne voyais pas pourquoi cela devait être difficile. »

“Je voulais danser, c’est tout”

Roxane Stojanov avoue tout de même avoir versé quelques larmes dans les mois qui ont suivi son admission dans la prestigieuse école. « Évidemment, la difficulté d’être séparée de ses parents à 12 ans… » Elle décrit cependant une scolarité en internat loin des clichés d’un temple de la rigueur stupide et mesquine. Quoi qu’il en soit, chez elle, la passion de la danse domine tout. L’enfant mettra même plusieurs années à comprendre qu’être danseur peut être plus qu’un simple plaisir, mais aussi une vocation. « Je n’étais pas très curieux de savoir comment tout cela s’était passé. Je voulais danser, c’est tout. »

Petit rat, elle réussit tous les cours avec brio. Premier échec au concours d’entrée au corps de ballet. Elle n’abandonne pas. La deuxième tentative, en 2013, fut la bonne. Tout commence maintenant. Fini d’être maternée comme à l’école. Pour être distribué, vous devrez gravir les échelons. Tant mieux, le danseur ne rêve pas de grandeur. Juste la volonté de passer à l’étape suivante. Avec le recul, elle parle de son parcours comme de quelque chose « d’assez régulier mais pas fulgurant non plus. »

Objectif ultime

Trois ans après avoir été engagée dans le corps de ballet, elle est promue « coryphée ». 2017 lui sourit : elle interprète son premier rôle de soliste, dans Rubis de George Balanchine, The Street Dancer dans don Quichotte et reçoit le prix Carpeaux qui récompense chaque année une danseuse du corps de ballet de l’Opéra de Paris âgée de moins de 24 ans. L’année suivante, elle devient « sujet », après un difficile concours de promotion. « Le jour J, je n’étais pas au mieux de ma forme. J’ai été promu mais je ne l’ai pas bien pris. J’ai dit à tout le monde que je ne le méritais pas. Je me suis fait crier dessus par mes parents, les coachs, qui me disaient que j’étais insupportable. “Vous ne pouvez plus travailler dans ces conditions.” Ça a changé quelque chose en moi, de me dire que le perfectionnisme est une qualité jusqu’à un certain point. » Même si son entêtement continue de payer. Deux ans plus tard, elle reçoit le prix AROP. En 2022, elle atteint enfin l’avant-dernier grade, celui de « Première Danseuse ». Il ne restait plus qu’un objectif final, le titre de star. Le Graal.

 
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