Autrefois puits de carbone, l’Arctique est désormais une Source d’émissions de CO2 et de méthane. Les scientifiques de l’Agence américaine atmosphérique et océanique (NOAA) ont fait ce triste constat dans leur dernier rapport annuel, publié mardi 10 décembre.
Comment expliquer que cette région ait connu un tel changement, alors que les humains, principaux responsables des émissions de gaz à effet de serre et du changement climatique, sont si peu nombreux ? Contrairement à l’image que l’on peut se faire, la zone située au-dessus du cercle polaire arctique n’est pas qu’une simple banquise tachetée de blanc.
Dans l’extrême nord du Canada, de la Russie et du Groenland, il existe des écosystèmes uniques : la forêt boréale et la toundra, constituées de végétation courte poussant sur le pergélisol (pergélisol en anglais), sol gelé contenant une grande quantité de carbone.
Or, ces dernières décennies, sous l’effet du réchauffement climatique, les incendies n’ont cessé de se multiplier dans ces milieux, note la NOAA. Au point que la région arctique enjeu » plus de carbone qu’il n’en stocke »souligne Rick Spinrad, le patron de l’agence à l’origine du rapport.
Ce résultat ne surprend pas Florent Domine, directeur de recherche au CNRS et spécialiste du climat des régions arctiques et boréales. « C’est la matérialisation de grandes tendances que l’on observe depuis vingt ansprécise le géophysicien. Mais ce qui a fait basculer l’horloge et fait pencher la balance, ce sont les énormes incendies qui ont frappé le Canada en 2023. »
Cette année-là, plus de 18 millions d’hectares de végétation ont brûlé dans le pays, soit une superficie plus grande que la Tunisie. Les forêts au-dessus du cercle polaire arctique n’ont pas été épargnées. En brûlant les arbres et la matière organique du sol, ces méga-incendies ont libéré du dioxyde de carbone dans l’atmosphère.
Dégel accéléré du pergélisol
Mais les incendies localisés au-dessus du cercle polaire arctique ont une autre conséquence : ils accélèrent le dégel du permafrost, qui stocke environ 1 400 milliards de tonnes de carbone sous forme de plantes gelées. « Lors du dégel, les bactéries mangent ces feuilles et les transforment en CO2 et en méthane »explique Florent Domine.
Si ce phénomène, lié au changement climatique, n’est pas nouveau, il était jusqu’à présent compensé par un autre, le « verdissement de l’Arctique ». Cette expression signifie qu’avec la hausse des températures, les plantes poussent dans des zones situées de plus en plus au nord. ” La toundra arbustive se transforme, par exemple, en forêt boréale, et cette croissance de la végétation fixe le carbone. »développe le chercheur.
Avec la multiplication des mégafeux, ces deux phénomènes ne se compensent plus et la région arctique devient émettrice de gaz à effet de serre.
Florent Domine invite cependant “mettre les chiffres en perspective”. « Les émissions de CO2 provenant des combustibles fossiles et du changement d’affectation des terres représentaient 41 milliards de tonnes en 2023, et celles de l’Arctique seulement 0,14 milliard »souligne le chercheur.
Il précise que même si l’Arctique est désormais Source de gaz à effet de serre, le simple fait d’arrêter l’utilisation du charbon, tout en continuant à consommer du gaz et du pétrole, suffirait à compenser ces émissions supplémentaires. Les émissions anthropiques, liées aux activités humaines, restent la principale cause du changement climatique.