Vice-présidente de l’Assemblée nationale française et du groupe d’amitié France-Maroc, avocate de profession et députée du Val d’Oise, Naïma Moutchou s’entretient avec Hespress FR dans un entretien exclusif. Elle évoque son attachement au Maroc, ses réflexions sur l’évolution des relations entre Rabat et Paris, ainsi que ses solutions pour la continuité du groupe d’étude « Sahara occidental ».
Quels sont vos liens avec le pays d’origine de vos parents ?
Le Maroc fait partie intégrante de mon histoire familiale. Cela n’a jamais été une géographie lointaine pour une raison simple : c’est le pays de mes parents. Pour moi, c’est une maison dans la maison, car je ne suis pas faite d’une seule pièce : la France est ma patrie et ma maison inconditionnelle, tandis que le Maroc est mon pays de cœur. Il n’y a rien d’original en réalité ; c’est la double culture de nombreux binationaux comme moi. Je suis un enfant de la République française, avec une vision du monde façonnée par les deux rives : les valeurs universelles et la force des traditions. J’entretiens un lien unique de mémoire et de transmission avec le Maroc. C’est une merveilleuse richesse à mes yeux.
En tant que politicien d’origine marocaine, comment votre identité culturelle influence-t-elle votre travail et votre vision ?
Mon identité est plurielle, c’est un fait, mais elle n’oriente pas mes décisions. Cela me permet essentiellement de mieux comprendre des situations complexes, en capturant parfois des nuances que d’autres pourraient manquer. De même, mon expérience en tant qu’avocat me fournit des outils précieux pour aborder des sujets liés à la justice. Mon histoire personnelle enrichit ma compréhension du monde, sans jamais dicter mes choix. Mon rôle est avant tout de servir l’intérêt général avec impartialité et pragmatisme. Mon engagement politique repose sur des principes inconditionnels : l’équité, la justice et l’impartialité.
Comment voyez-vous l’évolution des liens entre la France et le Maroc ?
Un ancien ambassadeur de France au Maroc a déclaré : « La France ne peut jamais avoir de mauvaises relations avec deux pays. Jamais. Allemagne et Maroc « . Tout est résumé ici.
La relation entre la France et le Maroc est unique au monde. C’est une connexion qui combine de manière inégalée l’histoire, la culture, l’économie et les échanges humains. Des générations entières ont construit des ponts entre les deux rives de la Méditerranée, et cette proximité va bien au-delà des institutions ou des gouvernements. Il est porté par des femmes et des hommes qui incarnent ce lien au quotidien.
Cette spécificité crée des opportunités uniques pour relever ensemble les défis contemporains, qu’il s’agisse de renforcer les échanges économiques, d’investir dans la jeunesse ou d’œuvrer pour la stabilité régionale. Mais cela impose aussi une responsabilité : celle de préserver cette relation par le respect mutuel et le dialogue.
La force du lien franco-marocain réside dans sa capacité à s’adapter et à se renouveler tout en restant fidèle à ses fondements. C’est ce qui fait sa valeur et ce qui doit continuer à guider nos actions pour construire un avenir commun.
Quelles initiatives ou actions concrètes envisagez-vous pour renforcer la coopération entre la France et les pays du Maghreb ?
La diplomatie parlementaire joue un rôle essentiel dans le renforcement des relations entre les deux pays. Le groupe d’amitié France-Maroc, auquel je suis particulièrement attaché et dont je suis membre et vice-président depuis 7 ans, favorise le dialogue direct entre parlementaires, permet un dialogue direct entre parlementaires qui doit déboucher sur des actions concrètes : encourager des investissements croisés, soutenir la mobilité académique des étudiants des deux pays et collaborer sur des enjeux stratégiques tels que la transition énergétique et la lutte contre le terrorisme.
Dans cette perspective, plusieurs actions concrètes sont envisagées, comme l’organisation, en mai 2025, d’un forum interparlementaire qui réunira les quatre chambres (Assemblée nationale et Sénat côté français, Chambre des représentants et Chambre des conseillers côté marocain). côté). Par ailleurs, une mission d’information parlementaire de l’Assemblée nationale permettra aux délégations de parlementaires français et marocains de travailler ensemble à de nouveaux partenariats dans les provinces du sud, réaffirmant ainsi notre soutien à la souveraineté du Maroc sur le Sahara.
En mettant en œuvre ces initiatives, la France et le Maroc peuvent consolider leur partenariat exceptionnel et relever ensemble les défis du 21ème siècle, dans le respect des spécificités et des aspirations de chacun.
Vous avez récemment adressé une lettre ouverte à la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, demandant la suppression du groupe d’étude « Sahara occidental ». Dites-nous en plus…
Ma démarche s’inscrit dans une volonté de cohérence et de responsabilité politique. La France a clairement exprimé son soutien au plan d’autonomie proposé par le Maroc, le considérant comme une base sérieuse et crédible pour une solution négociée au conflit du Sahara occidental. La présence d’un groupe d’étude dédié à cette question au sein de l’Assemblée nationale pourrait être considérée comme une remise en cause de cette position officielle, créant ainsi des ambiguïtés diplomatiques inutiles.
Par ailleurs, ce groupe risque de devenir un lieu de controverses contre-productives, au détriment de l’unité et de la cohérence de l’Assemblée nationale. Il est essentiel que nos actions parlementaires reflètent et soutiennent la diplomatie française, en évitant toute initiative susceptible de créer des tensions inutiles ou de nuire aux relations bilatérales avec nos partenaires stratégiques.
En demandant la suppression de ce groupe d’études, mon objectif est de préserver l’unité de notre institution et de garantir que nos travaux parlementaires restent alignés sur les intérêts stratégiques de la France, tout en évitant les divisions stériles sur des questions internationales complexes. . Nous devons être justes envers notre partenaire marocain.
Lors de la réunion du bureau de l’Assemblée nationale du 18 décembre, vous avez réussi à établir une sorte d’équilibre en faveur de sa continuité. Comment comptez-vous garantir le fonctionnement équitable de ce groupe et quels sont ses objectifs ?
Lors de la réunion du bureau de l’Assemblée nationale du 18 décembre, malgré ma demande, le groupe d’étude « Sahara occidental » a été maintenu, principalement sous l’impulsion des partis de gauche qui ont insisté sur leur volonté de débattre de la position française sur ce sujet. problème.
Pour assurer un fonctionnement équilibré et constructif de ce groupe, et compte tenu des arguments que j’avais avancés, plusieurs mesures ont été mises en place. Une coprésidence de ce groupe a été instituée, partagée entre un député de gauche et moi-même, garantissant ainsi une juste modération des débats et une représentation plurielle des sensibilités politiques. C’est le seul groupe d’études à bénéficier de cette co-présidence. Une clause de réévaluation a également été incluse : l’existence du groupe d’étude sera réexaminée dans un an pour évaluer sa pertinence et son impact, garantissant ainsi une adaptation continue aux évolutions diplomatiques et politiques.
Ces garanties que j’ai obtenues nous permettront d’aborder les futurs débats au sein du groupe de manière plus équitable et plus sereine.