« C’est un retour inattendu pour la diplomatie française. Le Liban réhabilite le rôle de la France au Moyen-Orient», résume Hasni Abidi, directeur du Centre d’études sur le monde arabe et méditerranéen à Genève. Un cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah est entré en vigueur mercredi matin au Liban, après plus d’un an d’hostilités transfrontalières et deux mois de guerre ouverte entre l’armée israélienne et le mouvement armé libanais soutenu par l’Iran.
“Pour la France, c’est une réussite”, renchérit Agnès Levallois, vice-présidente de l’Institut de recherches et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient, rappelant la douche froide de septembre où une initiative similaire avait été torpillée au dernier moment par les Israéliens. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu. Emmanuel Macron, qui était alors très impliqué aux côtés des Etats-Unis lors de l’Assemblée générale des Nations Unies, « a vraiment pris cela comme une gifle. »
Des Français actifs dans les négociations
Les Français sont depuis restés activement engagés dans les négociations, de concert avec les Américains, même si les Israéliens « voulaient les faire sortir », souligne une Source française proche du dossier.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, dont les relations avec le président français sont notoirement tendues, a lui aussi, mardi soir, tout d’abord remercié l’Américain Joe Biden « pour son implication » dans la trêve. Le locataire sortant de la Maison Blanche a en revanche félicité son homologue français pour « son partenariat » dans les négociations entre Israël et le Hezbollah.
La force de contacts diplomatiques de longue date
Selon plusieurs sources, Américains et Libanais ont insisté pour que la France reste dans le jeu en raison notamment de ses contacts avec le mouvement chiite libanais et l’Iran qui le soutient. « Les Américains avaient besoin de nous pour le Hezbollah », explique un diplomate français. « Ils ont essayé de jouer (par eux-mêmes) mais ça n’a pas marché donc les Français ont apporté leur valeur ajoutée traditionnelle. »
La France, en perte de vitesse ces dernières années au Moyen-Orient, retrouve ainsi sa « place traditionnelle » parmi les différents acteurs de la région, constate-t-il. “De ce point de vue, c’est une victoire.” « Cet accord est le fruit d’un travail acharné mené pendant de nombreux mois. C’est une réussite pour la diplomatie française et nous pouvons en être fiers”, a réagi le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot. Selon Hasni Abidi, les Libanais « ont insisté sur la présence de la France parce qu’ils ne font pas confiance aux Américains, qui ont affiché leur total alignement avec la position israélienne ».
Notre direct sur le cessez-le-feu
Bon timing pour Macron
L’annonce tombe en tout cas à point nommé pour Emmanuel Macron, mal en point en France depuis la dissolution ratée de l’Assemblée nationale en juin et qui espère retrouver un élan sur la scène internationale. Le chef de l’Etat a jusqu’ici rarement été récompensé pour ses efforts diplomatiques, de la Libye à l’Ukraine.
En Ukraine, il a même essuyé de vives critiques pour avoir poursuivi le dialogue avec Vladimir Poutine après le début de l’offensive russe en février 2022. Sans oublier le Liban, ancien protectorat français, où Emmanuel Macron tente en vain depuis 2020 de résoudre la crise institutionnelle. qui paralyse le pays en faisant pression sur ses dirigeants politiques.
Macron va continuer à investir sur le sujet
Une telle annonce quelques jours avant sa visite d’Etat en Arabie Saoudite, du 2 au 4 décembre, constitue aussi un atout potentiel pour le président français. Il peut « essayer d’embarquer les Saoudiens » en faveur d’une stabilisation du Liban, notamment financièrement, même si le prince héritier Mohammed ben Salmane « n’a peut-être pas (forcément) cet objectif », estime Agnès Levallois.
Il reste encore un long chemin à parcourir pour mettre en œuvre efficacement le cessez-le-feu sur le terrain. Paris et Washington « veilleront » à ce que ce soit le cas. Mais « comment les choses se passeront-elles s’il y a un problème ? » », s’interroge Agnès Levallois, notant que l’armée libanaise n’aura pas « beaucoup de ressources » pour faire tampon entre le mouvement chiite et l’armée israélienne. Face à tous ces défis, « la France est confrontée à une mission délicate : maintenir son indépendance et sa ligne d’influence tout en préservant la confiance de toutes les parties prenantes », prévient Hasni Abidi.
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