Très connue sous le nom d’école d’été du RPR, cette pratique fait son grand retour grâce au regain d’intérêt des jeunes pour les codes bourgeois.
Il fut un temps où porter un pull sur les épaules vous aurait valu de nombreuses critiques. Frédéric Beigbeder n’écrivait-il pas dans le culte 99 francs en 2000 : « Le pull autour du cou trahit la lâcheté, l’incapacité à prendre une décision, la peur des courants d’air, l’imprévoyance et la veulerie, l’exhibitionnisme des Shetland (car, évidemment, ces messieurs sont trop avares pour « acheter du cachemire »). Ils portent cette sorte de poulpe tout doux autour du cou car ils ne prennent pas la peine de choisir une tenue adaptée à la météo. Quiconque a un pull sur les épaules est lâche, inélégant, impuissant, lâche. Les filles, jurez-moi de m’en méfier comme de la peste. Non à la dictature du pull sur les épaules ! » Ainsi le pubard à la chemise déboutonnée jette l’opprobre sur la tenue fétiche des années 1980, adoptée par ces messieurs au golf ou sur leur voilier au Cap Ferret. Bref, là où ça se passe, c’est vrai », bon mais parfois un peu frais donc mieux vaut prendre un peu de laine…»
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Si les experts estiment la naissance de cette pratique au début des années 1960 au sein de la communauté des Guêpes américaines, devenant rapidement un signe d’appartenance à une forme d’élite (détendue), elle a fini par s’exporter en France au milieu des années 1980 dans le divers cercles preppy français. Spécifique à l’ouest de la France (Bordeaux en tête) et à Paris (du 16ème arrondissement à Neuilly-sur-Seine), « le pull sur les épaules » possède donc historiquement une couleur chromatique (en général, pastel : jaune, rose, bleu pâle…) autant que la politique. De Jacques Chirac à Nicolas Sarkozy, d’Alain Juppé à Christian Estrosi, ils étaient nombreux, petits et grands, à la jouer décontractée et accessible dans les universités d’été du RPR, de l’UMP puis des Républicains. Certains diront avoir vu le même relâchement affiché lors de la traditionnelle réunion des PS de La Rochelle, Lionel Jospin et autre Arnaud Montebourg. De même, le genre est très apprécié des hommes d’affaires à succès mais « cool », comme feu Bernard Tapie ou Michel-Édouard Leclerc…
polo Ralph Lauren
Pourtant, les hipsters de gauche qui n’ont cessé de se réapproprier les attirails de la bourgeoisie (chemises oxford, blazers à boutons dorés, mocassins, etc.) ont toujours craint l’idéologie de ce pull, pourtant assez inoffensif. En 2012, en Le monde on pouvait lire : « En réalité, l’adepte de ce style court le risque d’être violemment étranglé par un partisan du Front de gauche, d’un geste vif et simultané sur les deux manches de son pull… Concrètement, il faut donc trouver autre chose pour s’adapter aux changements climatiques. variations sur le front de mer de Deauville. Il est notamment possible de s’inspirer d’une tendance d’origine italienne consistant, en été, à simplement poser une veste ou un gilet sur ses épaules. »
De Rohmer à « Sex and the City »
Mais les choses pourraient changer grâce à notre chère Gen Z (15-25 ans), qui fait fi de ces considérations de politique vestimentaire et a développé une passion pour ce qu’elle appelle le look #oldmoney ou #quietluxury. Ce qui se traduit par une avalanche de photos sur les réseaux sociaux de vêtements bècebège, de publicités vintage de Ralph Lauren, Giorgio Armani et J. Crew, d’images de Gordon Gekko dans Wall Streetou Kendall Roy dansSuccession . Les plus avancés font même référence à des personnages des films d’Eric Rohmer ! A noter que ce sont particulièrement les femmes qui inspirent nos adolescents. De la jeune Lucie dansLa femme de l’aviateur(1981) aux Sloane Rangers de l’ère Lady Diana en passant par l’étouffante Charlotte York dansLe sexe et la ville , il n’y a qu’une seule étape. Traversé par Simon Porte Jacquemus lors de son défilé été 2024, présenté en janvier à la Fondation Maeght. En préambule de l’événement, la créatrice a posté sur Instagram une drôle de vidéo où Kristin Davis, l’actrice qui incarne Charlotte dans la série à succès, découvre l’invitation du show : « Un pull sur les épaules » en trompe l’œil.
Dans les commentaires en ligne, on ne sait plus qui est la star : le Français, l’Américain… ou le tricoteur. “Kristin Davis est devenue Bordelaise » s’amuse l’un des abonnés. “Simon attrape le vieux marché monétaire par le col“, pour un autre. Ce serait une erreur de s’en priver comme le font les vidéos »comment un pull à épaules dénudées peut rendre n’importe quelle tenue plus chic“, ou simplement “comment nouer son pull sur ses épaules» pullulent sur les réseaux. Dans la rue, alors que le printemps peine à se réchauffer, ils sont de plus en plus nombreux à s’enrouler ainsi le cou… On a même vu des hommes d’une trentaine d’années assumer leur génétique à droite de l’échiquier mais aussi des wokistes convaincus oser le combo fatal. : Polo Lacoste et pull qui réchauffe la clavicule.
