« La pollution lumineuse générée par Starlink perturbe l’astronomie »

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« La pollution lumineuse générée par Starlink perturbe l’astronomie »

LA TRIBUNE – Comment l’espace est-il de plus en plus pollué ?

KAI-UWE SCHROGL – Le problème est que nous envoyons de plus en plus d’objets dans l’espace. Des millions de débris spatiaux encombrent le ciel nocturne et peuvent perturber l’astronomie ( 36.000 des débris mesurant plus de dix centimètres encombrent actuellement l’espace selon l’Agence spatiale européenne, et les déchets plus microscopiques sont encore plus nombreux avec 150 millions de débris mesurant plus d’un millimètre en orbite, NDLR). Des faits encore plus graves se produisent avec des nations comme les États-Unis, la Russie, la Chine ou l’Inde qui ont eu recours à missiles antisatellites. Ils tireront une fusée sur un satellite inactif pour le faire exploser, générant une quantité considérable de débris, histoire de montrer qu’ils en sont capables. Il existe aussi des projets complètement fous pour envoyer des satellites diffuser des spots publicitaires dans l’espace et il n’existe aujourd’hui aucun moyen réglementaire pour empêcher ce genre d’idées… Ensuite, la montée des constellations peut générer une pollution lumineuse qui perturbe le ciel nocturne et l’astronomie. On parle de Starlink mais aussi du prochain d’Amazon, Kuiper ou encore d’Europe qui veut lancer la constellation IRIS².

Débris spatiaux : « Nous devons vraiment nous attaquer au problème avant qu’il ne soit trop tard »

Comment ce type de constellation peut-il perturber les observations astronomiques ?

Starlink pose un problème optique puisque les trains de satellites de la constellation sont matérialisés par l’apparition de multiples lignes et points sur les images astronomiques qui les rendent inutilisables. C’est un vrai problème pour les scientifiques. Le temps d’observation astronomique coûte très cher et il faut attendre d’obtenir une image non perturbée. Or, dans les plus grands observatoires, de nombreux scientifiques font la queue pour avoir accès aux télescopes et il est tragique que leurs observations soient gâchées par cette pollution lumineuse.

Photo prise en 2019 avec le télescope Victor Blanco 4 de l’observatoire de Cerro Tololo au Chili montrant l’impact des satellites Starlink sur les images (Crédits : NSF National Optical-Infrared Astronomy Research Laboratory).

Quel est l’impact sur les radiofréquences de l’essor des nouveaux usages de l’espace ?

Chaque spectre de radiofréquences est attribué à des types de services. Il existe une bande réservée à la radioastronomie. Il peut arriver que certains acteurs ne respectent pas ces règles et exercent leurs activités dans la bande utilisée par la radioastronomie. Il s’agit alors de brouillages qui pourraient, dans le pire des cas, perturber les services mobiles terrestres.

Selon vous, quels principes doivent régir un partage équilibré de l’usage de l’espace ?

Le Traité spatial de 1967 a déjà établi un certain nombre de principes, notamment celui d’éviter les interférences et les contaminations nocives. Ensuite, quand on réfléchit à la valeur des activités, il ne faut pas simplement penser à leur développement économique. Il ne s’agit pas seulement d’emplois ou de croissance économique. Nous devrions promouvoir l’idée de biens communs mondiaux et de liberté de recherche scientifique, ainsi que les composantes éthiques et culturelles, les droits des peuples autochtones, mais aussi les droits des animaux et des espèces sauvages.

Quelles mesures pourraient émerger du futur droit spatial européen ?

C’est l’occasion d’introduire une disposition dans la législation spatiale européenne qui traite de la pollution lumineuse. Ainsi, pour obtenir une autorisation de lancement, il peut être nécessaire de disposer d’un revêtement non réfléchissant et de s’assurer que la radioastronomie n’est pas perturbée. La présidence espagnole du Conseil de l’UE a été la première à porter le sujet de la pollution lumineuse au niveau européen. Il appartient désormais aux États et aux parties intéressées de faire pression pour que cela soit inclus dans le droit spatial en cours d’élaboration.

Les constructeurs s’emparent-ils du sujet ?

Je ne pense pas que nous devrions compter sur l’autoréglementation de l’industrie. Des premiers efforts ont émergé dans l’industrie pour évoluer vers des revêtements non réfléchissants sans législation gouvernementale, mais ce type de mesure doit se traduire par des normes universelles afin de garantir des conditions de concurrence équitables dans le secteur.

 
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