« L’Europe est en première ligne pour l’action climatique »

« L’Europe est en première ligne pour l’action climatique »
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Invitée par l’association Orléans Solidaire et Écologique, la paléoclimatologue Valérie Masson-Delmotte a animé le 24 avril une conférence comprenant l’objectif était d’informer les Orléaniens sur les leviers d’action individuelle ou collective face au changement climatique. Entretien avec ce chercheur de renom qui fut co-président du GIEC* de 2015 à 2023.

Propos recueillis par Philippe Emy

Comment se produit le changement climatique et quelles sont les principales causes qui contribuent à son accélération ?

Le changement climatique est lié à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Elle se manifeste par des épisodes de chaleur extrême, de sécheresse, de pénurie d’eau, d’élévation du niveau de la mer, de retrait des glaciers et de pluies extrêmes. Le rythme du réchauffement dû à l’influence humaine s’est accéléré au cours de la dernière décennie – 2023 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée – et les émissions mondiales de gaz à effet de serre continuent de croître. Au vu des éléments scientifiques et des rapports du GIEC sur le changement climatique, il faudrait une réduction très forte des émissions de gaz à effet de serre entre 2019 et 2030 (- 43 %) et des émissions mondiales de CO.2 réduite à zéro vers 2050 pour limiter le réchauffement à près de 1,5°C.

La décennie 2030-2040 est cruciale ; il faut tenir les engagements pris lors des accords de Paris en 2015.


Mais comment atteindre cet objectif en si peu de temps ?

Réduire totalement les émissions de dioxyde de carbone (énergies fossiles et déforestation) permettrait de stopper le réchauffement climatique. Actuellement, la température augmente de 1,2°C tous les 10 ans, de 1,5°C au cours de la prochaine décennie, de 2,5° à 3°C à la fin du siècle dans le monde. Un enfant né aujourd’hui sera 7 fois plus exposé aux canicules qu’un enfant né dans les années 1960. Les océans et les mers captent 90 % de l’excès de chaleur, ce qui augmente leurs volumes et provoque l’érosion des côtes.

Au niveau international, il doit y avoir une confiance mutuelle entre les différents pays sur les engagements à respecter lors des négociations également avec les pays climato-sceptiques. L’Europe est à l’avant-garde de l’action climatique. Il porte les engagements des 27 pays avec des objectifs importants pour 2030 avec une variation dans chaque pays. L’Europe est un territoire avec peu d’énergies fossiles mais se pose la question de la souveraineté énergétique, et de la dépendance à l’égard d’autres régions du monde qui pourraient fragiliser nos démocraties, le gaz russe par exemple.

« 10 % des plus riches sont responsables de 30 à 40 % des émissions »


Vous dites que contrôler le réchauffement climatique est possible à condition de s’engager dans la bonne direction. Cela passe principalement par l’implication des élites à l’échelle internationale.

Totalement! Car seuls 10 % des plus riches sont responsables de 30 à 40 % des émissions alors que la moitié de la population mondiale ne représente que 15 % des émissions. La construction d’une économie à faible émission de carbone dépend des pouvoirs politiques. Le Brésil est un bon exemple : sous Lula 1, la déforestation a été ralentie mais Bolsonaro a fait marche arrière, puis Lula 2 a mis en place les mécanismes de contrôle de la déforestation qui représente 10 % des émissions de gaz à effet de serre.


Concrètement, quelles actions concrètes mettre en œuvre ?

La liste est non exhaustive. Plusieurs domaines d’action, initiés par les politiques, sont nécessaires. Un volet de promotion des politiques d’investissement en favorisant les innovations et la recherche technologique sur la séquestration du carbone tout en favorisant la sobriété (lutte contre l’hyperconsommation et l’obsolescence, gestion des déchets et de l’eau).

Une section sur l’urbanisation, dans le monde une majorité de la population vit dans les villes. Se posent les problèmes de l’artificialisation des sols et de sa maîtrise liés aux différents types d’urbanisme. Si nous voulons conserver les terres agricoles, nous devons conserver les sols et les forêts pour stocker le carbone.

L’imperméabilisation des sols crée de nouveaux risques d’inondation par ruissellement rapide en cas de pluies extrêmes, non intégré dans les plans de prévention.

Enfin, un volet de santé publique : encourager la marche et le vélo, améliorer la qualité de l’air, interdire les travaux extérieurs en cas de forte chaleur (responsable de nombreux décès lors de la construction des stades au Qatar lors de la dernière Coupe du monde de football).

Des solutions existent pour réduire le réchauffement climatique ; il appartient aux politiques de se rassembler rapidement pour les mettre en œuvre ; le temps presse.

*Groupe d’experts intergouvernemental sur les changements climatiques
 
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