Cette entreprise française transforme des cordages de tennis en vêtements de sport – édition du soir Ouest-France

Tecnifibre, marque française spécialisée dans les sports de raquette, lance une gamme de produits textiles fabriqués à partir de polyester issu de cordages de tennis recyclés. Une première en France.

Quand on arrive à Feucherolles, commune de 3 000 habitants perdue dans la campagne des Yvelines, on a du mal à imaginer que l’innovation française puisse y prendre racine. C’est pourtant ici, appuyée par le Comité départemental du Tennis, que l’entreprise Tecnifibre, née en 1979, a élu domicile. Marque française d’articles de sport absorbée par le groupe Maus Frères Holding (Lacoste, Aigle, The Kooples…) en 2017, elle s’est imposée comme une référence mondiale de l’équipement de tennis, squash et padel, à l’image de Babolat, autre marque française de renom.

Soutenue par des représentants comme Daniil Medvedev et Iga Switak, ancien et actuel numéro 1 mondial du tennis, la société a connu une poussée de croissance ces trois dernières années, au cours desquelles elle a doublé son chiffre d’affaires (50 millions d’euros). « Une quarantaine de personnes de huit nationalités différentes travaillent ici, au siège de la marque, explique Nicolas Préault, président de Tecnifibre. Nous nous appelons “compagnie de joueurs« parce que nous sommes tous nous-mêmes des joueurs, du moins sportifs, et parce que la seule chose qui nous obsède, c’est de comprendre les joueurs et de leur apporter des réponses pour les satisfaire, parce que chaque joueur est unique. »

Il y a 19 mois, Lou Adler, ancien 30e meilleur joueur de tennis français et 535e mondial à la WTA, était promu responsable RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises) de l’entreprise. Avec un objectif : dresser le bilan carbone de Tecnifibre, « alors que j’étais loin de faire de l’éco-responsabilité une priorité durant ma carrière de joueur» admet-elle avec transparence. Et puis j’ai ouvert les yeux… » Après des mois de recherches, elle s’est rendu compte que 20 % de la pollution émise par Tecnifibre provenait de sa production textile.

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12 tonnes de cordes en polyester jetées chaque année

Partant de ce constat, le service recherche et développement de la marque a eu l’idée de récupérer des cordages de raquettes de tennis usagés pour fabriquer… des produits textiles. « Il faut savoir que plus de 800 000 cordes en polyester sont vendues en France chaque année, explique Pierre-Christophe Robert, responsable textile chez Technifire à Fougères (Ille-et-Vilaine). Une corde mesure environ douze mètres de long et pèse une quinzaine de grammes. Cela peut paraître anodin, mais au final, faites le calcul : cela donne 12 tonnes de corde qui sont jetées chaque année en France. Ces cordages sont récupérés dans les magasins, dans les clubs ou lors de tournois pour les meilleurs joueurs, mais ils finissent à chaque fois à la poubelle. »

Or le polyester est une matière 100% recyclable. Tecnifibre s’est donc associé à une start-up espagnole basée près de Barcelone, dont l’ambition est de révolutionner l’industrie textile, Infinite Athletic. L’objectif : créer une boucle vertueuse en transformant des cordes usagées en t-shirts de sport, une première en France. Pour ce faire, la marque lance non seulement une gamme de vêtements, baptisée X-Loop, mais également un programme de collecte dans les magasins et les clubs de tennis français. « Nous avons sélectionné 20 magasins partenaires qui sont de grands adeptes et qui adhèrent pleinement à cette démarche, dit Lou Adler. Nous les avons tous équipés de collecteurs en carton dans lesquels ils pourront déposer les cordes usagées. Nous en avons également envoyé à notre fournisseur de cordes du Nord. »

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Les cordes usagées sont jetées dans des collecteurs, comme celui-ci en arrière-plan, afin de pouvoir ensuite être recyclées. (Photo : Tecnifibre)

“Nous souhaitons également les proposer dans les grands clubs de tennis équipés de machines à corder qui accueillent des joueurs experts qui vont jouer tous les jours, frapper très fort et produire beaucoup d’effets, et donc casser très régulièrement leur cordage”, soutient Pierre-Christophe Robert. Même si cela ne représente qu’une petite partie des cordes récupérées, car les joueurs cordent plus souvent en magasin, l’objectif est aussi de sensibiliser et d’inciter les joueurs à couper eux-mêmes leurs cordes et à les retirer. jeter dans les collectionneurs. »

Un t-shirt avec quatre cordes et deux bouteilles en plastique

Enfin, Tecnifibre, qui fut opérateur officiel de Roland-Garros et du Masters 1000 de Paris, prévoit de présenter son appareil au public lors des grands tournois dont la marque est partenaire. « Nous prévoyons d’amener notre concasseur au Masters 1000 de Monte-Carlo (qui a débuté ce samedi 6 avril) »annonce le responsable textile de la marque.

Pierre-Christophe Robert passe la corde usagée dans un broyeur. (Photo : Ouest-France)

Concrètement, comment ça marche transformer une corde en t-shirt ? Les cordages recyclés sont ceux composés à 100% de polyester, ce qui exclut donc les cordages multifilaments, hybrides et en boyau naturel. Cependant, Tecnifibre récupère les cordes en polyester de toutes les marques du marché et pas seulement celles qu’elle commercialise. La corde collectée passe ensuite dans un broyeur. “ L’avantage est que l’on divise par huit l’espace occupé par les cordages pour le transport logistique, indique Pierre-Christophe Robert. La deuxième étape est le recyclage, qui se déroule ici, dans nos locaux. On chauffe les extrémités de corde à 200 degrés pour obtenir une réaction moléculaire qui va transformer ces fils en petites pelotes de polyester. Ces billes vont ensuite passer dans une extrudeuse et ressortir sous forme de fils élastiques. »

Les morceaux de corde récupérés sont ensuite chauffés à 200 degrés pour obtenir des petites boules de polyester. (Photo : Tecnifibre)
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Ces boules de polyester sont transformées en fils. (Photo : Ouest-France)

Ces fils seront ensuite mélangés à des fils de polyester recyclé provenant principalement de bouteilles plastiques, “parce que nous n’avons pas encore collecté suffisamment de cordes”justifie le technicien breton. “Pour fabriquer un t-shirt, il faut environ quatre bouts de corde et deux bouteilles en plastique”, dit Lou Adler. Pour des raisons de viabilité économique, les phases finales de fabrication sont réalisées en Espagne et au Maroc et ne permettent donc pas encore de promettre un produit 100% made in France.

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La gamme X-Loop de Tecnifibre est déjà disponible en magasin. (Photo : Ouest-France)

Celui-ci est néanmoins vendu par la marque comme ultra-léger (120 g au lieu de 150 g pour la plupart des t-shirts de sport), respirant (grâce à des nanoparticules d’argent aux propriétés antibactériennes) et résistant (la solidité des cordes de tennis assure la durabilité du textile). « Ce sont des produits 100 % recyclés, 100 % recyclables et 100 % efficaces », se targue Pierre-Christophe Robert. Tecnifibre n’exclut pas la possibilité qu’ils soient éventuellement portés par leurs représentants sur le circuit. « On peut imaginer, puisque le produit est compétitif, assure le président Nicolas Préault. Même si le textile ne représente que 7% de notre chiffre d’affaires, l’enjeu d’image est indéniable. »

Au prix de 50 euros (contre 40 pour un t-shirt classique de la marque) – « nous ne voulions pas les séparer du marché », précise Pierre-Christophe Robert -, les t-shirts X-Loop sont depuis peu disponibles dans le commerce. De quoi satisfaire les tennismen les plus écolos.

 
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