Elle s’est fait connaître grâce au réalisateur espagnol pour qui elle a tourné six films, dont « Stilettos » et « All About My Mother ». Marisa Paredes avait 78 ans.
Par Frédéric Strauss
Publié le 17 décembre 2024 à 14h28
Ddevant le rideau rouge d’un théâtre, dans Talons aiguilles (1991), elle était une magnifique apparition, une diva chantante saluant son public avec un « Bonsoir, Madrid », avant d’interpréter Pensez à moi. Le rideau est tombé sur l’actrice espagnole Marisa Paredes, décédée le 17 décembre 2024 à l’âge de 78 ans. On pensera longtemps à cette femme dont la passion pour l’art dramatique s’exprimait à travers un tempérament volontiers changeant, fait de discrétion. , presque d’effacement, mais aussi de rire et d’intensité.
Sa liberté a inévitablement inspiré le jeune Pedro Almodóvar, qui l’a choisie pour être l’une des religieuses hallucinées de sa comédie culte. Dans l’obscurité (1983). Mais c’est surtout son chemin vers la maturité qu’elle a aidé à trouver le talentueux fauteur de troubles. Avec Talons aiguilles, elle devient une interprète magistrale des émotions les plus mélodramatiques, spectaculaire dans son rôle de mère sans cœur composant comiquement son apparence, avant de livrer sa vérité sur son lit de mort. La Fleur de mon secret (1995), point culminant de sa collaboration avec Almodóvar, la révèle encore plus impressionnante, écorchée vive dans le rôle d’un écrivain spécialisé dans les romans romantiques mais condamné à une vie sentimentale de souffrance et de solitude. Dans Tout sur ma mère (1999), elle incarne ce qui aurait pu être son propre rôle : une très grande actrice, au regard aiguisé et philosophique, une femme faite pour la vie d’artiste.
Née le 3 avril 1946, Marisa Paredes avait, dès son enfance madrilène, été attirée par le théâtre, où elle trouvait sa place en imposant sa volonté, sa famille et la société lui montrant une autre voie. Présente devant la caméra en 1960, elle construit une carrière solide mais strictement ibérique. Sa position de muse d’Almodóvar lui apporte une reconnaissance et de nouvelles aventures artistiques, avec Raoul Ruiz (Trois vies et une mort, 1996), Roberto Benigni (La vie est belle, 1997) ou Arturo Ripstein (Carmin profond, 1996, Pas de lettre pour le colonel, 1999). En France, elle a inspiré des réalisateurs attirés par une comédie aux tonalités recherchées, Philippe Lioret (Tombé du ciel, 1993) ou encore Thierry Klifa (Les yeux de sa mère2011). Prêt également à entrer dans des mondes où l’horreur se mélange aux souvenirs cruels de l’Espagne de Franco (prison de cristal, 1987, L’épine dorsale du diable, 2001), Marisa Paredes met son élégance naturelle au service de visions jamais banales. Elle fut l’actrice de la curiosité, de l’enthousiasme, de la recherche, ouverte aux inspirations exigeantes, intellectuelles, ainsi qu’à la séduction immédiate des personnages de femmes extraordinaires, qui lui allaient si bien.