Au Fouladou, la circulation des personnes et des marchandises constitue un problème sérieux en raison de l’impraticabilité de certaines routes. Même si la commune de Kolda est relativement dotée de routes goudronnées, ce n’est pas le cas du reste du département, notamment l’axe qui relie Kolda et Médina Yoro Foulah, long de plus de 50 km. L’emprunter est un véritable calvaire.
Matin de décembre à Foulado. La fraîcheur qui commence à s’installer dans la région depuis quelques jours oblige certaines personnes à s’emmitoufler dans leurs pulls et vêtements chauds. Pendant ce temps, d’autres se positionnent dans des coins stratégiques pour profiter des premiers rayons du soleil. L’air est partiellement infesté par l’odeur du café et des cigarettes fumées par certains rabatteurs en quête de clients. Devant le portail principal de la gare routière, certains d’entre eux lancent leurs fameux messages de séduction pour attirer les voyageurs potentiels. A l’intérieur, c’est plutôt calme, car seule la zone réservée aux passagers à destination de Médina Yoro Foulah est animée. Trois véhicules y sont stationnés. A côté, une tente attenante abrite le local des rabatteurs composé de bancs de chaque côté.
Splendide forêt de Guimara
Un taxi-brousse blanc « sept places », chargé de marchandises, s’apprête à repartir après l’abordage de son dernier client pour défier la forêt de Guimara. Outre le conducteur, neuf autres passagers sont à bord. Une réalité rare, normalisée dans cette station. « Nous sommes habitués à cela. Il faut être tolérant et compréhensif ! », raconte Ousmane Baldé, un jeune commerçant, venu la veille s’approvisionner à Kolda. Après dix minutes de bonheur sur route goudronnée, le quinquagénaire, Boubabcar Diallo, se lance dans une piste difficile. C’est le début du calvaire pour atteindre Médina Yoro Foulah.
La forêt dense alterne avec de jolis petits villages, le spectacle des animaux sauvages traversant la route. À cela s’ajoutent les troupeaux de vaches au pâturage, les champs et les étangs. Un tapis de latérite qui blanchit souvent s’étend à perte de vue. Il s’agit d’une trace d’un chantier dont les travaux sont arrêtés depuis 2018, selon les habitants du quartier. « À un moment donné, nous avons cru avoir oublié nos inquiétudes liées à l’isolement. Mais notre joie n’a duré que quelques instants”, révèle Salimata Diallo, utilisatrice de l’axe, avant de poursuivre : “vous l’avez vu vous-même, car vous avez voyagé avec nous.”
Emprunter une route en latérite, c’est affronter des nuages de poussière qui tachent les voyageurs et les villageois locaux. Ainsi, il est rare voire impossible de ne pas l’absorber et d’échapper à la toux. Amadou Ndiaye, employé d’une organisation non gouvernementale basée à Médina Yoro Foulah, n’a pas hésité à taquiner le chauffeur. « Chaque fois que je prends cette route, une forte toux m’attaque », raconte-t-il. Mais le vieux Boubacar, masque sur le visage, n’a pas tardé à réagir. « Imaginez ce que nous, les conducteurs, vivons chaque jour », rétorque-t-il avec un petit éclat de rire, les mains sur le volant. Un peu de joie dans le plaisir ! Mais si les clients se plaignent de la situation, personne n’est plus inquiet que les chauffeurs.
Thierno Koïta en fait partie. Il connaît au centimètre près les aspérités de la route, avec ses innombrables ravins et virages pour l’avoir parcourue pendant des années. Le tronçon est tellement impraticable qu’en une journée, seuls quatre véhicules de chaque gare routière parviennent à assurer la liaison entre Kolda et Médina Yoro Foulah. « Cette route est impraticable. C’est d’ailleurs pour cela que certains automobilistes préfèrent le contourner et emprunter l’axe Fafacourou-Médina Yoro Foulah via Dabo ou Pata», explique-t-il. Le parcours présente également de nombreux dangers. En effet, parallèlement à la mauvaise qualité de la route, les écoles de certains villages, situées à proximité de la route, augmentent les risques d’accidents, explique Salimata Diallo. « Nous devons prendre des mesures en matière de circulation pour éviter de heurter les enfants. Et toute solution commence par asphalter la route puis installer des ralentisseurs », conseille-t-elle.
La question du désenclavement de Médina Yoro Foulah ne cesse de se poser au fil des années. En effet, désigné « nouveau bassin cacahuète », apporter des solutions et faciliter la circulation des personnes et des marchandises devient une urgence. Le nouveau bassin arachidier D’autant que cette partie du pays, connue pour la qualité de ses terres arables, occupe une place prépondérante dans le pôle Sud du repère 2050 élaboré par le nouveau régime, d’où l’espoir du maire, Kalidou Sy, qui est de retour depuis 2014. Selon l’édile, des mesures ont été prises, mais sans réaction des autorités. « L’axe Kolda-Médina Yoro Foulah passant par Biniarabé et Koulinto est le plus court avec une longueur d’un peu plus de 50 km.
C’est donc la priorité de désenclaver notre département ; ce qui signifie une revitalisation de l’activité économique. Toute action autre que le bitumage de cette route est inutile », explique-t-il. Il espère cependant un changement avec les nouvelles autorités. Lors du meeting des « patriotes » du 2 novembre, dans le cadre des élections législatives, la tête de liste et Premier ministre Ousmane Sonko ont promis des solutions aux populations concernées. “Le désenclavement de l’axe Kolda-Médina Yoro Foulah fait partie de nos priorités”, a-t-il déclaré. Une déclaration bien accueillie par la foule. En attendant que cette promesse se concrétise, les gens sont impatients de voir le bout du tunnel, source de joie et d’espoir.
Par Tidiane SOW (KOLDA, Correspondant)