«Lorsque Paul Magnette apparaît à la télévision flamande, il change brusquement de discours»

«Lorsque Paul Magnette apparaît à la télévision flamande, il change brusquement de discours»
«Lorsque Paul Magnette apparaît à la télévision flamande, il change brusquement de discours»

Nous discutons beaucoup de Alliance potentielle entre le PS et la N-VA. Pourtant, Paul Magnette l’a dit ce week-end en DH, il fera tout pour éviter la N-VA dans un gouvernement. Faut-il le croire ?

Non. Paul Magnette sait très bien qu’il ne va pas y échapper. Il suffit de regarder les sondages pour comprendre cela. Même si la N-VA descend en dessous de 20%, les socialistes devront composer avec les nationalistes. Mais c’est sûr qu’il est bien vu de faire ce discours du côté francophone. A Bruxelles, Ahmed Laaouej est allé jusqu’à suggérer qu’il n’y avait aucune différence entre la N-VA et le Vlaams Belang. C’est un jeu électoral : les socialistes montrent leurs muscles. Mais vous n’avez pas besoin de voir autre chose. Le matin du 10 juin, nous serons dans un autre monde.

Bart De Wever a affirmé être allé très loin dans ses négociations avec les socialistes en vue de réformer l’Etat, lors du précédent scrutin. Pourtant, Paul Magnette affirme désormais s’opposer à la vision confédérale de la Belgique portée par la N-VA…

C’est vrai que Bart De Wever était loin. Surtout dans le sens où il a promis beaucoup d’argent. Il était prêt à conclure un accord. Mais je ne pense pas qu’il proposera à nouveau cela. Compte tenu du déficit budgétaire actuel, il y a peu de chances qu’il fasse cette offre une seconde fois.

Quant à Paul Magnette, il hausse le ton. Il dit qu’il n’ira jamais au confédéralisme. Mais il y a déjà des éléments confédéralistes dans la Constitution belge. L’article 35, que les socialistes eux-mêmes ont contribué à faire adopter, nous permet de décider de ce que nous faisons encore ensemble et de ce qui revient aux communautés.

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L’autre question que tout le monde se pose concerne l’éventuelle alliance du Vlaams Belang et de la N-VA. On pouvait voir les deux présidents des partis, Tom Van Grieken et Bart De Wever, débattre dans le spectacle Het Conclaafet une chose est sûre, ce n’est pas le véritable amour…

Non. D’ailleurs, Bart De Wever s’est comporté comme le pape dans cette série. Il a à peine daigné répondre aux propos de Tom Van Grieken. Évidemment, c’est avant tout une émission de télévision. C’est l’électeur du 9 juin qui tranchera et distribuera les cartes. Et tout dépendra du score du Vlaams Belang. S’il monte à 26 ou 27% et que la N-VA descend en dessous de 20%, il y aura forcément une discussion au sein du parti nationaliste. Mais si le score du Vlaams Belang était surestimé dans les sondages, cela faciliterait la tâche de Bart De Wever. Par ailleurs, il ne faut pas oublier qu’il a déjà en tête une deuxième élection, encore plus importante pour lui, à savoir les élections municipales. Il veut absolument rester bourgmestre d’Anvers.

Het Conclaaf ©Eric Goens/VTM

Un seul épisode de « Het Conclaaf » a été diffusé, mais il semble déjà que ce soit le président de la N-VA qui ressorte vainqueur de cette émission…

Le président de la N-VA donne l’impression que rien ne peut lui arriver. Il est important de noter que cette émission a été enregistrée en avril. Il faudra voir maintenant ce que disent les sondages… En tout cas, il se présente déjà comme celui qui distribuera les cartes le 10 juin.

Face à lui, Tom Van Grieken semblait affaibli, pas très confiant…

Il joue un peu du Calimero. Il sait que cela lui profite d’être maltraité par tout le monde. Les gens se demandent pourquoi tant de férocité envers un garçon qu’ils trouvent gentil. J’entends souvent cette réflexion. Le lendemain matin, quand je suis allé acheter les journaux, j’ai entendu des gens critiquer Bart De Wever. Ils le trouvaient prétentieux. Cette posture ne lui faisait donc pas forcément du bien. Et Tom Van Grieken en est conscient et joue avec. C’est pour cela qu’il a pris une position un peu victime à l’égard de Bart De Wever. Il ne faut pas le sous-estimer. Mais son parti est faible. S’ils sont un jour appelés à gouverner, je me demande qui seront leurs ministres et qui occupera leur cabinet.

L’autre surprise vient de Conner Rousseau. Il était plutôt discret et prudent. Loin de ce que l’on savait de lui. Est-ce volontaire ?

Il joue un peu un personnage. Il veut particulièrement s’excuser, il veut être excusé et continue de répéter qu’il a fait quelque chose de mal. Il trouve que désormais il faut parler davantage du fond et non de son caractère. Et que fait-il ? Il poste une photo de lui en sous-vêtements dans sa salle de bain, posant comme s’il était un top model. Dans des slips Calvin Klein. C’est du narcissisme total. Il va avoir du mal à être pris au sérieux.

Le PS bruxellois semble hésitant quant à Good Move. Ahmed Laaouej a retiré le plan, Philippe Close s’est montré plus nuancé. Les socialistes ne se tirent-ils pas une balle dans le pied ?

Pour le PS, on est passé un peu en mode limiter les dégâts. Ils veulent réduire les dégâts. Ils sont tombés à la troisième place des sondages à Bruxelles et tentent donc de sauver les meubles. Ils ont fait une gaffe avec le plan Good Move, qu’ils ont tenté de mettre en œuvre dans différentes communes, mais sans tenir compte des spécificités de chacune d’elles et sans véritable concertation. Ils ont sous-estimé l’impact des décisions prises. Ils ont coupé des rues du jour au lendemain, ce qui a porté préjudice à de nombreuses petites entreprises. Ces gens sont nerveux et se rendent compte que ce plan a été mal pensé. Le PS tente désormais de prendre ses distances avec ces décisions et de rejeter la faute sur les écologistes. D’autant qu’Ecolo n’a pas fait forte impression à Bruxelles. M. Maron a pris des décisions un peu folles.

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Les politologues ont scruté les réponses apportées aux Test électoral de La Libre et de la RTBF. L’évolution la plus spectaculaire est sans doute la droitisation du MR. Comment expliquer ce phénomène marqué ?

La caisse électorale ! Il n’y a pas d’extrême droite du côté francophone. La voix populiste est quelque peu monopolisée par le PTB. Mais le PTB reste silencieux sur certains phénomènes sociaux comme la migration et la précarité. C’est dans cet étang que Bouchez va à la pêche. Il est presque normal qu’il profite de l’absence totale de ce discours côté francophone. Et la N-VA, avec ses listes en Wallonie, n’est pas équipée pour surfer sur cette vague. Elle ne peut pas compter sur des personnages suffisamment crédibles. Et cette droite du MR n’a rien de nouveau. À un moment donné, Jean Gol avait aussi viré très à droite dans son discours sur l’insécurité et la migration.

Quand on voit l’évolution du parti, il paraît improbable de voir à nouveau le PS ou Ecolo gouverner avec le MR…

On dit cela, mais on verra ce qu’il sera possible de faire le 10 juin. J’ai l’impression que le MR ne va pas se laisser pousser dans l’opposition côté wallon. Et encore moins à Bruxelles, où les libéraux sont, en tout cas, annoncés comme vainqueurs dans les sondages. Par ailleurs, la formation d’un gouvernement dans la capitale pourrait s’avérer compliquée compte tenu des scores du Vlaams Belang et de la N-VA.

Quand Georges-Louis Bouchez dit qu’il veut plus de riches en Belgique, pas plus de pauvres, n’est-ce pas un discours trop clivant et préjudiciable au parti à quelques semaines des élections ?

Nous ne le saurons qu’après les élections. Si jamais le MR triomphe à cette élection, on dira que cette façon de communiquer était géniale. Sinon, on dira que Bouchez a été trop clivant. Et c’est vrai. Mais c’est ce que veut le président du MR, c’est sa façon de jouer. Mais il n’y a personne pour l’arrêter, on le laisse faire. Le seul à s’y opposer était Jean-Luc Crucke. Et il rejoint le groupe politique qui joue sur le bon sens, Les Engagés. Je crois aussi que c’est ce parti qui va créer la surprise du côté francophone. Peut-être même du côté flamand aussi, avec le CD&V. Ils rassurent un peu les gens.

Depuis le début de la campagne, nous avons constamment critiqué le PS pour son « gauchisme ». Toutefois, selon cette étude, le parti de Paul Magnette a conservé une position assez stable. Comment expliquer cette impression erronée ?

Cela est dû à la pression du PTB et à la campagne menée par le PS pour contrer l’extrême gauche. On se réjouit aussi de voir les dirigeants du PS venir à la télévision flamande, car on constate que le discours est bien plus nuancé lorsqu’ils s’expriment dans le nord du pays que lorsqu’ils s’expriment dans le sud. Lorsque Magnette évoque la semaine des 32 heures, il adoucit soudain son discours en Flandre. Il ne s’agit plus d’une mesure à mettre en œuvre immédiatement, mais plutôt d’une réflexion à long terme. C’est la même chose avec Thomas Dermine. Quand je le lis dans - francophone, je me demande s’il croit ce qu’il dit.

Pourquoi cette différence dans le discours socialiste ?

Ils savent que les Flamands ont un regard différent sur leur programme. Mais cela prouve aussi qu’une fois les discussions engagées au lendemain du 9 juin, les socialistes ne vont pas s’en tenir à leurs positions. On l’avait déjà observé en 2019. Ils disaient qu’ils allaient augmenter la pension de 67 à 65 ans. Et ils ne l’ont pas fait. Le PTB continue de jouer là-dessus.

 
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