Selena Gomez, la puissance sans maquillage

Si vous avez réussi à bannir Internet et les sodas sucrés de votre vie, son nom ne vous dit peut-être rien. Mais pour 424 millions d’addicts, c’est une religion. On les appelle les « Selenators » ; armées de pouces toujours prêtes à frapper un grand cœur pour leur dame du « like ». Sur Instagram, elle est la femme la plus suivie au monde mais stagne à la troisième place des personnalités, loin derrière Cristiano Ronaldo et Lionel Messi. Après tout, a-t-elle marqué 900 buts ou placé huit Ballon d’Or sur sa cheminée ?

Non. À 32 ans, elle n’a vendu que des millions de disques, créé un empire de cosmétiques et gagné son premier milliard de dollars. Quant à ses talents d’actrice, ils n’ont jamais provoqué un sifflet dans une surface de réparation. Juste un prix d’interprétation féminine à Cannes en 2024, dans la lignée de Meryl Streep, Isabelle Huppert et Penélope Cruz. Rien de moins. Les limbes du Texas ont accouché d’un ovni : Selena Gomez, une tornade déguisée en poupée. Le voyage est aussi lunaire que son nom.

Elle voit le jour où l’envie d’ailleurs vacille. Les seules choses qui s’échappent de Grand Prairie pour franchir fièrement les frontières sont les F-8 Crusader, les A-7 Corsair II et autres avions de chasse qui y sont fabriqués. A l’origine de cette ville en périphérie de Dallas, des dizaines d’hectares bradés à un propriétaire d’esclaves contre un troupeau de bovins et un wagon cassé. Autant de potentiel. Cent trente ans plus tard, c’est la carte postale d’une certaine Amérique : un cinéma, 22 églises… Et le culte du débrouiller. La future actrice y est née sous le sceau de l’improvisation.

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Une enfance texane. Elle partage cette photo de jeunesse avec ses 424 millions d’abonnés Instagram.

© DR

La mère, Amanda, 16 ans, et Ricardo, le père, 17 ans, confient le bébé aux grands-parents pendant les heures de lycée. Selena révélera : « Ça a été difficile pour moi. Mes parents étaient enfants, donc on a tous grandi ensemble. » Elle a 5 ans quand le couple explose. Elle découvre la force d’une femme : Amanda, qui l’élève seule, cumule trois petits boulots, mendie l’aumône pour mettre de l’essence dans la voiture et des macaronis au fromage dans les assiettes. Surtout, cette fanatique de théâtre transmet la joie de jouer à une petite fille repliée sur elle-même. Ils se mettent à rêver.

Un premier rôle à 10 ans

L’espoir est porté sur les scènes régionales. Au fil des castings, la chance s’éveille. Selena décroche son premier job à 10 ans : un rôle dans « Barney & Friends », « L’île aux enfants » made in USA. Pour la collégienne solitaire, les plateaux de cinéma et les mondes imaginaires deviennent un refuge. Bientôt, le royaume suprême des bébés stars l’appelle : Disney Channel, la machine à destin qui a façonné Justin Timberlake, Christina Aguilera et Britney Spears, son idole. Toute une génération vieillira en la regardant faire ses armes, de la série « Hannah Montana » aux « Sorciers de Waverly Place ».

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Mascotte d’une génération, à Disneyland Resort, Californie, en 2007.

© Film Magic

Rendez-vous incontournable d’une jeunesse babysittée par la télé. Avec sa malice naturelle et sa voix soigneusement étranglée, sa beauté métissée, mâtinée d’Italie et du Mexique, la princesse du divertissement devient incontournable. Et ambitieuse. Pourquoi se contenter d’une aura de petit écran ? Elle a fait ses débuts au cinéma dans « A Cinderella Story 2 », a prolongé le conte de fées en sortant trois albums avec le groupe modestement intitulé Selena Gomez and the Scene. Alors que Britney Spears, ange trash, continue de sombrer, elle s’affirme comme une coqueluche propre et professionnelle, une coqueluche sans histoire ni côté sombre. Quitte à dépouiller son image de Miss Smooth avec le sulfureux « Spring Breakers », thriller mêlant sexe, alcool et drogue. Ou au bras de l’enfant terrible de la pop, Justin Bieber.

Comme elle, il a connu le vertige de la célébrité avant celui de la puberté. Ils forment les « Jelena », version surprise-party de « Brangelina », déclenchant larmes et hystérie à chaque apparition, chaque rupture révélée, chaque réconciliation officielle. Avec la chanteuse canadienne, la révélation de l’année devient le nouveau phénomène de société à décortiquer. Ses deux premiers albums solo s’emparent de la première place des charts Billboard. En 2016, alors qu’elle se lance dans une tournée mondiale à guichets fermés, rien ne semble pouvoir ralentir sa course de star pressée. Et pourtant. En plein « Revival Tour », à la surprise générale, Selena Gomez annule tous ses shows avec un cri du cœur : derrière la « belle vie », elle galère. La souffrance est son ombre.

Les fans découvrent la face cachée de Selena. Elle a 23 ans et se bat depuis des mois contre le lupus. Une maladie auto-immune chronique et le nom latin donné au loup. La maladie la ronge de l’intérieur. Les cellules censées la défendre des infections et des maladies se retournent contre son corps, attaquant ses articulations et laissant ses nerfs à vif. Le documentaire « My Mind & Me », qui l’a suivie pendant six ans, la montre alitée, le regard vide où toutes les nuances de noir émergent. Elle peine à se lever. D’autant que les médicaments la font trembler et que la réalité vacille. Crises de panique, angoisse lancinante, épisodes dépressifs : la chanteuse épuisée est le jouet d’idées noires. Une voix dans sa tête la rabaisse sans relâche, une autre lui suggère une issue. Méconnaissable, elle se rend à l’hôpital psychiatrique et le couperet tombe en trois syllabes : bipolaire ; les montagnes russes de la psychose. C’est pourquoi elle s’excite et devient soudain désespérée.

Selena Gomez hésite à partager ce diagnostic avec ses fans. Pour un court instant seulement. Elle ne se soucie plus d’être au sommet : elle sera l’icône des hauts et des bas. Avec son amie Taylor Swift, elle réinvente les codes de la popularité et change de dimension en jouant la beauté sans filtre. Taylor a touché le public en partageant son journal intime ; Selena va bousculer l’Amérique en lui ouvrant son dossier de santé. Sans rien éviter. Ni sa greffe de rein en 2017, ni ses rechutes. Radiographie d’une hyperstar.

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Avec son amie Francia Raisa, qui lui a fait don d’un rein, après l’opération en 2017. Une photo publiée par Selena Gomez sur Instagram.

© DR

L’artiste fait de son entreprise un manifeste

À 20 ans, l’ambassadrice de l’Unicef ​​avoue être préoccupée par « la question des chiens errants ». Quelques années plus tard, elle est la reine de celles qu’on appelle les « underdogs », prêtresse des malmenés du monde entier. Combien d’âmes blessées le lui diront ? À la seconde où elle a osé parler, elles n’étaient plus seules. Selena Gomez change le récit des idoles et la définition des « femmes de pouvoir ». Fini les simulacres de perfection prêts à exploser en plein vol. Elle s’impose comme une femme de défauts et de combats. Même lorsqu’elle se lance dans les affaires, l’artiste fait de son entreprise un manifeste, le reflet de ses combats. En 2020, elle crée Rare Beauty, sa ligne de maquillage. Comme une suite logique. Et à l’image de Kylie Jenner, Ariana Grande, Lady Gaga et Jennifer Lopez. Selena Gomez, de son côté, se défend d’avoir fondé « une énième marque de fards à paupières ».

Son leitmotiv : aider ses clients à affronter les difficultés du quotidien et à s’accepter. Une philosophie résumée par sa tirade finale de « My Mind & Me » : « Je suis en paix. Je suis en colère. Je suis triste. Je suis confiante. Je suis pleine de doutes. Je suis en construction. Je suis à la hauteur. » Aucun doute. Non seulement sa marque l’a propulsée à la tête d’une fortune estimée à 1,3 milliard de dollars selon Bloomberg, mais la it girl nommée égérie de Louis Vuitton en 2016 sait allier beauté diabolique et bonté divine.

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Selena Gomez, Zoe Saldana, Karla Sofia Cascone posent sur la terrasse d’Albane lors du 77e Festival de Cannes

MATCH DE PARIS / © Vincent CAPMAN

Une branche de sa société, philanthropique, est dédiée à la santé mentale et aux maux invisibles. Elle aurait commencé à apprivoiser les siens. Dans « Emilia Perez », la comédie musicale de Jacques Audiard, elle incarne l’épouse d’un chef de cartel qui se découvre dans l’adversité. Un rôle de composition mais pas vraiment. Il lui a valu les honneurs de la Croisette en mai dernier, avec ses partenaires Zoe Saldana et l’actrice transgenre Karla Sofia Gascon. Les fans ont applaudi l’éclaircie dans la vie d’une femme tourmentée, en couple depuis quelques mois avec le producteur Benny Blanco, sa « lumière », plus nounours que bad boy.

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Avec ses fans, elle partage des images de son bonheur avec le producteur de musique Benny Blanco, en août 2024.

© WALTER / BESTIMAGE

Début septembre, Selena Gomez poussait la transparence et le courage à un cran dans une interview à « Vanity Fair » : elle qui s’était promis de fonder une famille avant 35 ans ne pourra pas porter d’enfant. Ses problèmes de santé mettraient sa vie et celle d’un bébé en danger. « J’ai dû faire mon deuil », confiait-elle. Démonstration de résilience : « Cela m’a rendue très reconnaissante des autres possibilités offertes à celles qui meurent d’envie d’être mères. Je suis l’une d’entre elles. J’ai hâte de découvrir à quoi ressemblera ce voyage, mais il sera un peu différent. Au bout du compte, je m’en fiche. Ce sera le mien. Ce sera mon bébé. » Au nom de l’amour, la tornade venue du Texas poursuit sa quête : faire danser et valser les tabous chez les adolescents.

 
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