« Kalmann et la Montagne endormie », pas si simple – Libération

« Kalmann et la Montagne endormie », pas si simple – Libération
« Kalmann et la Montagne endormie », pas si simple – Libération

Suisse basé en Islande, Joachim B. Schmidt livre sa deuxième salve des aventures d’un jeune homme simple d’esprit, shérif autoproclamé, confronté cette fois à l’Amérique trumpiste et à la guerre froide. Entre fable fantaisiste et avertissement politique.

L’art de Kalmann Óðinsson, agacé : « Attardé, idiot, gogol, infirme, imbécile, crétin, stupide, crétin, simplet, idiot. » Il y a le choix, de l’insulter – il a aussi le droit de “désactivé”, » actuellement prononcé par un vieil Américain aux yeux de requin, armé d’un Glock. Mais Kalmann prouvera qu’il a des ressources. Qu’il mérite son autoproclamation de « shérif », admet son village de Raufarhöfn, où son chapeau de cowboy fait partie du paysage. Il est même devenu une célébrité internationale après avoir été vu aux informations parmi les envahisseurs du Capitole, juste avant que le FBI ne l’arrête et ne le renvoie en Islande. C’est aussi un charmant agent qui lui a dit que son grand-père bien-aimé, qui avait commencé à parler russe juste avant sa mort, était un espion. Quoi ? Mais il se pourrait bien que le vieil homme ait été assassiné dans sa maison de retraite, estime Noi, la grande amie de Kalmann. Ces deux-là ne se connaissent qu’à travers les écrans mais se comprennent cinq sur cinq. Noi excelle aussi dans les punchlines, comme “Les relations familiales sont plus complexes qu’une chanson d’Eminem” ou “Je suis calme comme les couilles d’un pingouin.” Toute cette affaire se terminera par un immense feu d’artifice sur une montagne où les Américains installaient une station radar lorsqu’ils occupaient l’Islande – de 1941 à 1947, avant d’obtenir le droit d’y stationner des troupes au sein de l’OTAN et finalement de s’en retirer en 2006. . Poêle! comme dirait Kalmann, qui aime aussi “Le monde juste”, expression empruntée à Jours heureux. Kalmann adore les séries télévisées américaines.

Chasseur et pêcheur d’antihéros

Kézako ? Ce gâchis est l’intrigue de la deuxième salve des aventures de ce doux personnage fou imaginé par Joachim B. Schmidt, un auteur suisse (germanophone) parti vivre en Islande en 2007. La première, resterparu en 2023, a eu tout d’une divine surprise : un thriller complètement atypique, mené à la première personne par cet antihéros chasseur et pêcheur, témoin involontaire d’un meurtre. Entre épiphanie fournie par la nature et dédales de l’enquête sur fond de crise du secteur de la pêche avec guerres de quotas et fin des solidarités ancestrales, Schmidt a su se démarquer même si la production de romans nordiques abonde et n’a rien d’exotique. plus.

Kalmann et la montagne endormie surprend moins, évidemment. Car on connaît déjà Kalmann, son étrangeté poétique, ses réflexions comme tombées de la lune mais souvent très pertinentes, ses angoisses, son intuition, sa dangerosité aussi. Il n’en reste pas moins que Joachim B. Schmidt ne fait toujours qu’un avec lui. En le déterritorialisant, notamment. Schmidt l’envoya aux États-Unis pour rencontrer, à plus de 30 ans, son père, déjà marié et père lorsqu’il rencontra sa mère en Islande. Tout se passe très bien à Mill Creek, vu à travers le regard des francs : tout le monde est adorable, Kalmann est comblé d’amour et de cadeaux, et il aime manier les armes avec son père et son oncle Bucky, tout comme préparer des bombes. C’est avec grand plaisir qu’il part avec toute sa famille à Washington DC pour “écrire l’histoire”, où il porte fièrement sa pancarte qui affiche le « Q » de QAnon, le mouvement complotiste d’extrême droite. L’ambiance est sympa, solidaire, un pseudo-Viking avec un casque en plastique vient gentiment le chercher quand la foule manque de le piétiner. Mais soudain, Kalmann perd son chapeau et sa famille. Ils entrèrent au Capitole. C’est la panique, il est figé, incapable de réagir, et c’est alors qu’apparaît le FBI.

Islande, Etats-Unis, politique, géopolitique, radicalisation, famille, deuil, double vie, mensonges, amour, amitié, Covid, pollution, place du handicap dans la société… Joachim B. Schmidt remue beaucoup, parfois trop. Mais son écriture est agile, lumineuse et Kalmann et la montagne endormie prouve, s’il le fallait, à quel point le roman noir est protéiforme.

Kalmann et la montagne endormie de Joachim B. Schmidt, traduit de l’allemand (Suisse) par Barbara Fontaine, Gallimard-La Noire, 320 pp, 22 €.
 
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