Les chalets ne sont pas rares dans la ville de Lausanne. Il en reste encore une soixantaine sur le territoire communal, y compris dans ses espaces forains. Comment sont-ils arrivés en milieu urbain, quelle est leur histoire ? Réponses avec l’archiviste municipale Charline Dekens qui s’est penchée sur le sujet.
«C’est sur une initiative personnelle que j’ai voulu savoir pourquoi il y avait des chalets à Lausanne et essayer de comprendre comment on est passé du chalet alpin au chalet urbain», explique Charline Dekens à Keystone-ATS. “Comment est le chalet?” est également devenu un événement culturel pour les lycéens en janvier dernier.
Si leurs histoires sont différentes et variées, il y a eu à un moment donné, vers la fin du XIXème siècle, un phénomène de « chalétisation », un « effet de mode ». Mme Dekens évoque « un lien entre villes et montagnes, témoin du goût pour le chalet, le bois, le feu de bois, le confort, le côté ‘refuge’ et le rapport à la nature ».
Avec aussi cette possibilité « d’acheter sa villa à un prix abordable, grâce à des entreprises locales commercialisant des chalets en partie préfabriqués », ajoute-t-elle.
Un roman propulse la mode
Un petit flash-back. Chalet? Le mot est originaire de Suisse romande, attesté dès le XIVe siècle et désignant des constructions en bois et/ou en pierre, dans les Alpes et les Préalpes pour abriter ceux qui s’occupent du bétail et fabriquent du fromage l’été. «Rien à voir avec la maison traditionnelle suisse par excellence comme on pourrait le croire à l’étranger», souligne l’archiviste communal.
«Les tout premiers chalets préexistants en milieu périurbain, qui n’existent plus aujourd’hui, étaient des dépendances trouvées dans certains jardins de propriétés aisées», raconte Mme Dekens. Principales caractéristiques du chalet de style suisse : un socle en pierre au-dessus duquel s’élève un plancher en planches, une toiture à deux pans s’étendant largement et des éléments décoratifs en bois découpé.
C’est un livre qui a propulsé une image idéalisée du chalet chez les premiers touristes lettrés et fortunés d’Europe, qui ont projeté sur la Suisse et la beauté de ses paysages une société en harmonie avec la nature, libre et démocratique, poursuit-elle. Il s’agit du roman « Julie ou la Nouvelle Héloïse – Lettres de deux amants habitant une petite ville au pied des Alpes » de Jean-Jacques Rousseau, publié en 1761.
La tendance a commencé et s’est répandue à partir du XIXe siècle, notamment parmi les touristes britanniques et américains, fascinés par les maisons paysannes de l’Oberland bernois, la région la plus populaire du siècle des Lumières et du romantisme. De retour chez eux, ils ont commencé à construire des chalets sur leurs propriétés.
Le mini-village de Sauvabelin
Le « style chalet » est né. De plus en plus d’entre eux sont construits hors de Suisse et dans les régions de montagne, à la campagne ou au bord de la mer. Avec un retour boomerang, la Suisse reprend à son compte l’image stéréotypée du chalet pour en faire « le symbole d’une authentique architecture nationale ». Elle sera popularisée par les représentations de « villages suisses » à l’Exposition nationale de Genève en 1896 et à l’Exposition universelle de Paris en 1900.
Directement inspirée par ces expositions, Lausanne voit son propre village construit en lisière du bois de Sauvabelin, au nord de la ville, en 1898-99. Cette idée vient d’un certain Charles Pflüger (1848-1927), propriétaire du magasin « Bazar vaudois » et qui fait partie du comité de la Société de Développement de Lausanne, selon les archives. C’est lui qui fit construire le lac artificiel de Sauvabelin en 1889, ainsi qu’un restaurant à proximité en 1891.
Il décide également de faire installer une dizaine de chalets de types différents sur sa propriété « Le Feuillage », auquel il ajoute dix ans plus tard un chalet-pension, qui subsiste encore aujourd’hui, route du Signal 27, explique Charline Dekens.
Une mode qui s’essouffle
Les Lausannois semblent séduits par cette ambiance alpine aux portes de la ville: le village devient un lieu de promenade prisé, rendu facilement accessible grâce au funiculaire du Signal inauguré en 1899. Une affiche publicitaire de l’époque vante également Sauvabelin comme étant un « station climatérique », sorte de « refuge de montagne ».
À partir de 1910, l’attrait du chalet ne cesse de croître auprès de nombreux Lausannois, comme de nombreux autres citadins d’ailleurs. Seul bémol des autorités municipales de l’époque : respecter les règles de protection contre les incendies. Mais pour le reste, rien ne s’oppose à leur construction dans la ville. Les chalets préfabriqués sont populaires, confortables et financièrement accessibles.
Ainsi, du chalet ornant le jardin d’un hôtel particulier au bord du lac au XIXème siècle, nous sommes passés au « chalet-villa » que nous vivons toute l’année et majoritairement aux abords du centre-ville. Ensuite, la mode chalet va progressivement décliner. On verra encore de modestes « chalets de week-end » construits dans les zones foraines, conclut Mme Dekens.
Cet article a été publié automatiquement. Source : ats